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Jean-Philippe Jaworski : Béllovèse et Ségovèse - La fratrie des Rois du Monde
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Jean-Philippe Jaworski : Béllovèse et Ségovèse - La fratrie des Rois du Monde

Jean-Philippe Jaworski revient sur les dénominations dans la fratrie des Rois du Monde avec Béllovèse et Ségovèse (Les Moutons Électriques).

Très régulièrement, je reçois des questions sur les deux noms du frère de Bellovèse. Je remercie en particulier les lecteurs attentionnés qui me signalent une possible coquille : qu'ils se rassurent, cette polyonymie de Ségovèse n'est pas une erreur !

Pour éclaircir la question en quelques mots, Bellovèse emploie parfois le nom de son frère, Ségovèse, et parfois son diminutif affectueux, Segillos. Dans le récit, Segillos apparaît assez souvent quand Bellovèse évoque des souvenirs d'enfance ou les liens familiaux avec son cadet.

Pour les amateurs de détails onomastiques, quelques explications plus pointues.

Ségovèse est la forme française du latin Segovesus, tirée du livre V des 'Ab Urbe condita libri' ('Histoire romaine') de Tite-Live. Cette forme latine est elle-même probablement dérivée du nom gaulois Segouesos, attesté par l'épigraphie. ('Noms de personnes celtiques dans l'épigraphie classique', X. Delamarre, éditions Errance.) Toujours selon X. Delamarre ('Dictionnaire de la langue gauloise', éditions Errance), le nom de Segovèse serait formé de deux racines : « sego », qui signifie la victoire (que l'on retrouve par exemple dans le prénom français Ségolène) et « uesu », qui signifie « valable, bon, digne de ». Il est donc probable que Ségovèse soit un nom emphatique, typique d'un usage aristocratique, qui signifie « Digne de la victoire ».

D'où vient le sobriquet Segillos ? Les Gaulois employaient fréquemment le diminutif affectueux « -ilo- » ou « -ila ». Celui-ci s'accompagnait fréquemment d'un redoublement de la consonne, donnant donc « -illo- » ou « -illa ». ('La Langue gauloise', Pierre-Yves Lambert, Errance, p. 33.) Ce redoublement correspond phonétiquement à l'accent long mis sur la prononciation du nom, pour souligner la chaleur des sentiments. Segillos est donc formé sur ce principe, le deuxième radical de son nom étant remplacé par le diminutif hypocoristique. Encore une fois, l'épigraphie classique atteste cette forme sous diverses variantes : Segilus, Segillus, Segilius, Segillius… ('Noms de personnes celtiques dans l'épigraphie classique', X. Delamarre, éditions Errance.) Par conséquent, quand Bellovèse emploie le diminutif de son frère, il est rattrapé par une habitude familiale et évoque, même inconsciemment, le lien affectif qu'il éprouve pour son cadet.

Dans mon cycle celte, Ségovèse n'est pas le seul personnage qui possède ainsi un nom et un diminutif. Par exemple, la belle-sœur de Bellovèse est tour à tour désignée par son nom (Caturigia, « reine du combat ») et par son diminutif, Catulla. Le caractère affectueux de ce sobriquet est sans doute plus évident aux yeux du lecteur, puisqu'il apparaît entre autres dans le langage des enfants de Bellovèse, qui appellent leur tante « tata Catulla ».
Dans 'Même pas mort', quand Bellovèse rencontre enfin Epona Rigantona (« la grande reine jument »), celle-ci lui propose aussitôt de l'appeler Eppia. Il s'agit là encore d'un diminutif affectueux (redoublement de la consonne), qui en dit long sur la bienveillance de la déesse vis-à-vis du garçon.
Toutes ces formes sont également documentées par l'épigraphie antique.

 

Jean-Philippe Jaworski

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