En cette période de déconfinement, nous vous proposons de découvrir les titres incontournables et indispensables des autrices et auteurs de l'imaginaire.
Quelles sont les bibliothèques idéales de Lionel Davoust, Thomas Geha et Jean-Laurent Del Socorro ?
Pour Lionel Davoust, choisir ses livres préférés, s'avère plutôt facile, même si il triche un peu :
La série des « Princes d’Ambre », Roger Zelazny. (Je commence par tricher avec une décalogie.) Parce que c’est pour moi une distillation idéale de la fantasy que j’aime : des personnages plus grands que nature, une narration nerveuse, un univers novateur et cohérent, qui va taper dans toutes les mythologies du monde, et qui, surtout, se libère de l’héritage tolkienien.
L’Écume des jours, Boris Vian. (Le surréalisme appartient pour moi résolument à l’imaginaire.) Pour la création littéraire, l’humour noir, et surtout l’intégrale sensation de liberté créatrice qui se dégage de ce livre. Vian faisait ce qu’il voulait en envoyant paître les prétendus gardiens de la juste forme romanesque. Quand je l’ai lu adolescent, cela a été une révélation : j’ai compris qu’écrire, c’était avant tout chercher et suivre sa voie.
La Maison des feuilles, Mark Z. Danielewski. La liberté poussée douze crans plus loin, au service d’une œuvre vertigineuse, labyrinthique (c’est le sujet), où la forme éclate pour servir le fond et laisser un malaise délicieux au lecteur. Un monument unique.
La Dimension des miracles, Robert Sheckley. Parce que c’est foutraque, drôle, et vachement malin sans en avoir l’air. Parce que j’ai eu l’honneur d’être l’interprète de Sheckley aux Imaginales avant sa disparition, alors que vingt ans plus tôt, quand j’étais môme, mon père me lisait précisément ce bouquin, et qu’il symbolise toutes les rencontres merveilleuses et incroyables que ce métier m’a permis de vivre.
De son côté, Thomas Geha a eu plus de difficulté pour n'en choisir que quelques uns :
Il est de plus en plus difficile pour moi de donner des préférences. J’aime beaucoup de livres et choisir est un véritable casse-tête. Néanmoins, si je dois en choisir je dirais « Os de Lune » de Jonathan Caroll, « Tschaï » de Jack Vance, « Les Xipéhuz » de Rosny aîné, « Cristal qui songe » de Théodore Sturgeon et « Les Dépossédés » d’Ursula Le Guin.
Pour quelles raisons ? Os de Lune est un des plus beau livre que j’aie pu lire en fantastique. Il se dégage de cette histoire un je ne sais quoi qui m’a profondément touché. Tschaï est pour moi le symbole même du roman d’aventures SF. Iconique. Les Xipehuz, parce que Rosny aîné a une importance considérable dans l’histoire des littératures de l’imaginaire en France et qu’il est largement ignoré, la preuve avec ce texte fondateur. Cristal qui songe, je le mets dans cette liste pour mettre du Sturgeon, mais j’aurais pu mettre une de ses nouvelles comme Parcelle Brillante ou L’autre Célia. J’aime profondément cet auteur. Quant à Le Guin, je trouve qu’elle est l’autrice la plus importante dans le genre au XXème siècle et que son œuvre prend encore de l’ampleur en ce début de XXIème. Les Dépossédés est tout simplement une œuvre phare de la littérature mondiale, et tout le monde devrait lire ce roman.
Enfin, Jean-Laurent Del Socorro a sélectionné 6 titres qui lui tiennent particulièrement à cœur :
La Maison des feuilles de Mark Z. Danielewski (Denoël). C’est un véritable livre-objet de chaos magic, où la forme importe autant que la forme. On y suit deux récits en parallèle, dont l’histoire d’une maison étrange dont les proportions varient de jour en jour. Le texte accompagne ces changement, avec des tailles des caractères qui augmente et diminue, une mise en page de plus en plus éclatée, etc. C’est vraiment un objet aussi unique qu’exigent en terme de lecture. De plus, la traduction française, signée par Claro, est parfaite.
Dans le même esprit, La Vallée de l’éternel retour de Ursula Le Guin. Plus qu’en récit, l’autrice nous offre une véritable plongée sociologique dans un univers fantasy avec des contes, des pièces de théâtre, des poèmes, des chants… Je n’ai pas trouvé beaucoup d’équivalent en imaginaire. Ce texte vient de ressortir aux éditions Mnémos dans une superbe édition collector.
L’Espace d’un an (et ses suite) de Becky Chambers (L’Atalante, avec une excellente traduction de Marie Surgers). C’est récit de space op qui rentre par le petite porte, par des tranches de vie . On y suit un vaisseau, petite entreprise qui réalise des contrats pour percer des trous de ver un peu partout dans l’univers. Petites intrigues, mais grosses émotions avec ces personnes tous emprunts d’une sensibilité touchante… L’humanité n’y est pas au centre du récit ou de la galaxie pour une fois. Une de mes référence en science-fiction de ces dernières années.
Un autre auteur qui a pour nom Chambers dans ma liste, celui du Roi en jaune : Robert W. Chambers (la version commentée des éditions Malpertuis est parfaite, traduction de Christophe Thill). Je suis fan de fantastique et ce recueil de nouvelles, autour d’une pièce de théâtre mystérieuse qui rend les gens fous, est excellent. J’ai toujours l’impression de trouver un nouvel indice, une nouvelle piste, quand je le relie. Pas étonnant que H. P Lovecraft s’en soit emparé dans ses récits en lien avec le mythe de Cthulhu.
Enfin, en dernier le recueil Les Furies de Boras de Anders Fagers. Ce sont certainement les nouvelles les plus réussi que j’ai lu ces vingt dernières années dans l’univers du mythe de Cthulhu. L’auteur lorgne parfois davantage du côté de l’horreur que du fantastique. En plus, le second recueils en français (au passage, pourquoi n’avoir pas fait les trois tomes originaux, plutôt que ce découpage étrange en français qui nous prive de un tiers des textes, où ni l’ordre, ni la logique des nouvelles ne sont respectées ?) La Reine en Jaune, rend un direct hommage à l’œuvre de Robert W. Chambers. Si vous aimer les ambiances sombres comme celle du jeu de rôle Kult, par exemple (auquel l’auteur à participé au passage), vous serez comblés.
Un dernier titre en bonus, manga cette fois : Arte, de Kei Ohkubo (Komikku Éditions). Une série historique (pas de la fantasy en fait, je me rend compte:) ) qui nous plonge en pleine renaissance italienne. On y suit rate, une fille de famille noble, qui va essayer de devenir peintre. Les superbes dessins de la mangaka nous dévoile les méandres de son parcours, dans une société où la place de femmes est limitée à celle du foyer. Un récit qui se veut féministe et qui s’intéresse à la réalité des ateliers de peintres de l’époque, en faisant un parallèle avec celui des studios de mangakas aujourd’hui.
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