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Guy Gavriel Kay, les secrets de La Chanson d'Arbonne
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Guy Gavriel Kay, les secrets de La Chanson d'Arbonne

A l'occasion de la réédition le 21 février de La Chanson d'Arbonne, aux éditions L'Atalante, Guy Gavriel Kay revient avec nous sur l'écriture de ce roman.

Actusf : Une chanson pour Arbonne vient d'être republié en France. De quoi parle-t-il ?

Guy Gavriel Kay : Arbonne est le premier des romans où j'ai commencé à explorer les événements de l'histoire avec une légère tournure vers le fantastique, et ce, pour plusieurs raisons. (Tigana qui vient juste avant n'est pas tout à fait la même chose). Il s’inspire de la croisade cathare et a fait l’objet d’une recherche lors d’un voyage près de Aix-en-Provence, puis d’un autre long séjour. Ce livre est donc profondément immergé en France et y est relié. Mon amour pour cette partie du monde a commencé à l’époque et se poursuit encore de nos jours.

Actusf : Dans ce roman, vous plongez le lecteur dans une France du 13ème siècle fantasmée. Pourquoi avez-vous choisi ce cadre? Avez-vous une attraction particulière pour ces régions ? Ou cette période ?

"Je suis devenu fasciné par les troubadours, par les tribunaux de l’Amour, par la tension nord-sud en France…"

Guy Gavriel Kay : Il y a toujours beaucoup d'éléments différents qui me conduisent à écrire un roman. Mais pour ce livre, l'un des éléments est que j'ai commencé à réfléchir à la manière dont le rôle des femmes dans notre culture aurait pu être très différent aujourd'hui si la croisade avait eu un résultat différent. Je suis devenu fasciné par les troubadours, par les tribunaux de l’Amour, par la tension nord-sud en France… Au-delà de cela, comme je l’ai mentionné ci-dessus, vivre en Provence me donnait un amour pour les images, les sons, les odeurs, les goûts, l’histoire de cette partie du monde. Un exemple : nous avons entendu la glorieuse Esther Lamandier chanter une nuit au Palais de Justice d’Aix, et ses versions de chansons de troubadour ont immédiatement influencé mon écriture du livre. C'était un accident, une chance, qu'elle soit là quand nous y étions. Parfois, l'art a besoin de ce genre de chance !

(La Rosa enflorece, chanson séfarade du XVème siècle, provenant de l'ile de Rhodes - 1492)

Actusf : Vous êtes-vous inspiré de personnages historiques?

Guy Gavriel Kay : Tout à fait, mais cela est plus vrai dans de nombreux livres récents (Les Lions d’Al-Rassan, La Mosaïque de Sarantine, Under Heaven…). À Arbonne, il s'agit plus d'humeur et de rôles. Certains remarqueront que Bertran de Born et d’autres troubadours ont des influences, et ils ne se tromperont pas !

Actusf : Vous mettez beaucoup de personnages féminins et masculins en scène comme Bertrand de Talair et Urté de Miraval ou Cygne et Lisseut. Mais il y a deux personnages très forts, Béatrice, la prêtresse aveugle et Blaise, un mercenaire du nord. Pouvez-vous parler de ces deux figures?

"J'essaie de donner du poids et de la valeur même aux figures secondaires parce qu'elles m'intéressent au moment où je commence à écrire à leur sujet !"

Guy Gavriel Kay : L’une des choses qui me plaisent le plus en tant qu’auteur de nombreux livres sur de nombreuses années est la façon dont différents lecteurs « se connectent » le plus fortement aux différents personnages des romans. J'essaie de donner du poids et de la valeur même aux figures secondaires parce qu'elles m'intéressent au moment où je commence à écrire à leur sujet !
Béatrice incarne l'esprit «dirigé par la femme» de Arbonne, avec sa mère, et le livre est conçu comme un affrontement entre les valeurs purement patriarcales du nord et celles du pays d’Arbonne qui reconnaissent le rôle et l’importance des principes masculins et féminins. Blaise est le protagoniste principal, un homme du nord exilé à Arbonne et qui lui est hostile à bien des égards… Son «voyage» intérieur est au cœur de l'intrigue du roman.

Actusf : Dans La Chanson d'Arbonne, vous parlez de sujets d'actualité tels que la musique, la place des femmes dans la société. Ce sont des sujets qui sont importants pour vous? Pourquoi ?

"L’élément fantastique peut nous permettre de nouer davantage de liens avec nous-mêmes et avec notre temps."

Guy Gavriel Kay : Vous avez raison, bien sûr. Je suis toujours intéressé par la façon dont l’histoire peut illuminer le présent, parfois même plus quand il y a un élément du fantastique… Car alors nous ne pouvons pas simplement dire, en tant que lecteurs, «Oh, c’est ce qui s’est passé à cette époque précise et à cet endroit.» L’élément fantastique peut nous permettre de nouer davantage de liens avec nous-mêmes et avec notre temps. J’ai souvent exploré la relation complexe entre l’art et le pouvoir; et les pressions de la société sur les femmes, les limitant ou les forçant à trouver des moyens subtils de s’affirmer, un autre intérêt pour la vie en tant qu’écrivain.

Actusf : Aimez-vous la musique médiévale? La Danse de l'ours ou la tarentelle ?

Guy Gavriel Kay : Eh bien, en tant que Baby Boomer, ma musique est le jazz et le rock des années 70 ! Mais comme je l'ai dit plus haut, écouter Esther Lamandier chanter des chansons médiévales (et plus tard correspondre avec elle) a eu une influence majeure sur ce livre.

Actusf : La rédaction de ce roman a-t-elle nécessité beaucoup de recherche? Comment avez-vous procédé?

Guy Gavriel Kay : La recherche est au cœur de ma méthode d’écriture. Les choses changent de livre en livre, mais une longue période de recherche, de prise de notes, et de correspondance avec les universitaires, est constante. Pour Arbonne, j’ai beaucoup lu dans l’histoire médiévale française (et au-delà). Georges Duby, La Méditerranée et le Monde méditerranéen à l'époque de Philippe II de Braudel et beaucoup, beaucoup d’autres. De manière différente, vivre dans le sud de la France en lisant, puis en écrivant le livre était une sorte de recherche constante sur la saveur de cette partie du monde.

Actusf : Quelles sont vos principales sources d'inspiration ?

" S’il y a un élément durable, c’est une fascination pour le passé et la façon dont il est à la fois si différent du présent et remarquablement similaire à d’autres égards. Je tire beaucoup d’énergie et d’inspiration de cette apparente contradiction !"

Guy Gavriel Kay : Cela varie d'un livre à l'autre. Je n'ai pas de règles ou de formules pour mes romans. Donc, l'inspiration pour un livre sera très différente d'un livre à un autre. S’il y a un élément durable, c’est une fascination pour le passé et la façon dont il est à la fois si différent du présent et remarquablement similaire à d’autres égards. Je tire beaucoup d’énergie et d’inspiration de cette apparente contradiction !

Actusf : Quels sont vos projets actuels et futurs?

Guy Gavriel Kay : Mon dernier livre, A Brightness Long Ago, sera publié en anglais en mai. Il s'inspire des événements italiens (principalement) du milieu du XVe siècle.

Actusf : Quand venez-vous en France? Où peut-on vous rencontrer?

Guy Gavriel Kay : J'espère être de retour en France pour une conférence puis une courte tournée de rencontres-dédicaces l'année prochaine. C’est trop tôt pour confirmer, mais je veillerai à ce que les gens le sachent (et L’Atalante, mon éditeur aussi !) si cela devient une réalité. J'espère que ce sera le cas. Je suis rarement plus heureux que quand je suis en France !

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