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La Cité diaphane - Les secrets d'écriture d'Anouck Faure
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La Cité diaphane - Les secrets d'écriture d'Anouck Faure

Sortie il y a une dizaine de jours, La Cité diaphane d'Anouck Faure propose une fantasy sombre et gothique. Retour avec l'autrice sur l'écriture de ce premier roman.

Actusf : La Cité diaphane, votre premier roman est sorti il y a peu aux éditions Argyll. Comment celui-ci est-il né ?

Anouck Faure : Les premiers échos de La Cité diaphane ont commencé à se manifester alors que j’étais en résidence artistique en Auvergne, au cœur de l’hiver 2018. Le silence des forêts givrées du Puy-de-Dôme, croisé à une envie malicieuse de prendre à contre-pied la mode des licornes arc-en-ciel à paillettes, ont été les prémices de sa création !

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur son intrigue ? Comment avez-vous créé votre univers ?

Anouck Faure : Sans trop en dévoiler, le début du roman suit les pas de l’archiviste des Marches à la découverte de la cité de Roche-Étoile, frappée par une malédiction sept ans auparavant. Roche-Étoile n’est plus supposée abriter âme qui vive, mais l’archiviste va très vite découvrir que quelques habitants y perdurent, lesquels lui livrent des témoignages plus douteux les uns que les autres. Sa quête de vérité va bien vite se changer en une plongée dans les ombres et le passé enfoui de la cité. Le récit prend ensuite quelques détours chronologiques…
L’univers de Roche-Étoile s’est tissé de façon très progressive au cours de l’écriture. Je me suis lancée sans filet et le premier jet a été une découverte à la fois de la cité, de ses habitants, de son passé et de son présent. J’étais au départ simplement portée par une atmosphère, quelques images, qui ont progressivement gagné en formes et en couleurs (plutôt des nuances de gris) au fur et à mesure que j’en arpentais les sentiers. Cela a évidemment impliqué un certain nombre de corrections dans un second temps, pour harmoniser et solidifier le tout.

Actusf : On y suit un personnage pour le moins ambivalent qui change des héros loyaux/bons. Qui est-il, que représente-t-il ? A-t-il suivi le chemin que vous lui aviez prévu ?

Anouck Faure : Comme je le disais ci-dessus, je n’avais pas prévu grand-chose pour mes personnages, je me suis dont laissée porter par ce qui se dévoilait au fil de l’écriture. Mais la voix bien particulière du personnage principal est incontestablement devenu très tôt le moteur qui me poussait à avancer. J’ai pris beaucoup de plaisir à me plonger dans ses accents et à dérouler le fil de ses motivations, de ses failles. C’est un être acerbe, assoiffé de connaissances, animé d’une rage de vivre, ou plutôt de survivre, et d’une ambition dévorante. Je dirais que ce qui le caractérise c’est sa démesure émotionnelle, qui associée à une volonté inébranlable, va devenir destructrice pour tout ce qui l’entoure. Pourtant, une bonne partie de ces pulsions féroces découlent à l’origine d’un sentiment aussi puissant que pur : l’amour maternel… Je n’en dirai pas plus cependant, le personnage gagne à mon sens à être découvert à travers ses propres mots.

Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspirations en particulier ? Je pense notamment à La Compagnie Noire de Glen Cook ou encore à la saga du Sentier des Astres de Stefan Platteau, dont les épopées sont narrées par un barde.

Anouck Faure : Je dois évidemment citer la licence vidéoludique Dark Souls, et en particulier Dark Souls III, dont l’atmosphère sombre et onirique a été une inspiration très forte pour La Cité diaphane. Non seulement cela, mais j’ai aussi été fascinée par la façon très spéciale qu’ont ces jeux d’évoquer sans révéler, d’esquisser les récits par bribes éparses dont la vérité n’est jamais certaine. On peut également mentionner le roman gothique classique avec sa structure de récits enchâssés, ses décors, ses personnages aux pulsions disproportionnées. Je pense notamment au Moine de Matthew Gregory Lewis. Enfin la filiation est sans doute moins évidente, mais le recueil Kalpa Impérial d’Angélica Gorodischer m’a beaucoup marquée de par sa narration très particulière et ses récits organiques d’un empire qui vit, change, meurt sous nos yeux…

Actusf : Vous êtes également plasticienne et illustratrice. Ces activités ont-elles une influence sur votre écriture ? Vous imaginez d’abord des tableaux de votre récit ou inversement est-ce votre écriture qui inspire vos pinceaux ?

Anouck Faure : C’est difficile de dire que l’un inspire l’autre ou vice versa, je dirais plutôt que les deux puisent aux mêmes sources et prennent ensuite des formes différentes au gré de ce qui me semble le plus adapté pour ce que je veux exprimer. Mon imagination est très visuelle, en tant que lectrice comme en tant qu’autrice je perçois les mondes entre les mots sous la forme d’images détaillées, et je suppose que cela influence effectivement mon écriture où les décors, les atmosphères revêtent une grande importance. En revanche j’ai écrit La Cité diaphane sans intention initiale de l’illustrer, et sans accompagner l’écriture d’une pratique dessinée. Les neuf gravures qui ornent le roman ont été réalisées bien plus tard, lorsque j’avais déjà acquis un certain détachement par rapport au texte, ce qui m’a permis de prendre quelques licences artistiques par rapport à mes propres descriptions !

Actusf : Si La Cité diaphane est un roman, vous écrivez aussi des albums, Les Éléphants sans pattes, ou encore des nouvelles. Travaillez-vous de la même façon ? Avez-vous un format de prédilection ?

Anouck Faure : J’écris vraiment très peu de nouvelles. Fantômes de glace, parue dans l’anthologie La Folie et l’Absinthe (éditions Noir d’Absinthe), fait pour ainsi dire figure d’exception. Dans le format court, je prends nettement plus de plaisir à l’écriture d’albums, où c’est aussi le jeu de non-dit et d’épure que je trouve très intéressant. L’illustration porte une bonne partie du sens et de l’histoire, le texte doit interagir avec l’image, se montrer évocateur sans redondances superflues. C’est le type de projet où je peux vraiment faire collaborer mes deux facettes artistiques, l’illustratrice et l’autrice, et aussi un support que je trouve très riche pour expérimenter des choses tant sur le plan artistique que littéraire. Je vois donc la création d’albums comme des bulles d’exploration stylistiques, tandis que le roman est le format qui me permet de déployer mes univers intérieurs, de les forger petit pas par petit pas, de plonger plus profondément dans l’écriture. La temporalité lente du roman est donc sans conteste celle qui me correspond le mieux. Avec également l’écriture poétique que j’ai pu expérimenter sur un ouvrage comme Ta’aroa (éditions Apeiron), là aussi en synergie avec le dessin.

Actusf : En parlant de format, La Cité diaphane n’est pas votre seule sortie en 2023. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur Les Trois Malla-Moulgars prévu chez Callidor ?

Anouck Faure : Oui, il s’agit pour l’heure de ma principale sortie de 2023 sous ma casquette d’illustratrice ! Les Trois Malla-Moulgars sont un roman de fantasy animalière écrit en 1910 par Walter de la Mare, écrivain reconnu de l’autre côté de la Manche, mais pas tellement en France. Les éditions Callidor, qui s’emploient à faire redécouvrir des classiques oubliés aux origines de la fantasy, ayant inspiré et inspirant encore les chefs-d’œuvre du genre, se sont donc sans surprise penchées sur son cas. On y suit les aventures de trois frères singes de sang royal (des Malla-Moulgars donc) lancés sur les traces de leur père à travers forêts et montagnes enneigées peuplées de créatures étranges. Ils bénéficient également de la protection d’une mystérieuse déesse lunaire. C’est un récit qui possède à la fois une fraîcheur des plus charmantes, et une incontestable beauté, portée par la poésie lumineuse de l’auteur qui s’exprime notamment dans sa capacité à tisser des atmosphères et des paysages fabuleux. J’ai réalisé une vingtaine d’illustrations en noir et blanc en essayant de rendre justice d’une part aux êtres qui peuplent l’univers des Malla-Moulgars, d’autre part à la magie et au souffle d’aventure qui traverse le texte. Je trouve que nous avons fait un très beau travail avec Thierry Fraysse des éditions Callidor, qui n’a pas son pareil pour sublimer les textes anciens, et je suis impatiente que les lecteurs et lectrices le découvrent, à partir du 24 mars si je ne me trompe pas.

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