Les oeuvres de littérature de l'imaginaire dédiées à la jeunesse mettent en scène la ville dans des contextes et des fonctions très différents. La ville peut déchaîner dans la fiction peurs et fantasmes, susciter des réflexions sur les problèmes urbains réels.
Elle peut aussi incarner un territoire purement imaginaire, inspiré ou pas du tout de cités réelles.
Un territoire étranger, une terre dangereuse
Le clivage ville/banlieue et le contraste univers urbain/ruralité fournit matière à de nombreux chocs de culture dans les littératures de l'imaginaire.
La découverte de la ville peut générer une atmosphère anxiogène car les explorateurs se sentent prisonniers de la cité.
C'est le cas notamment des héros de La ville qui n'existait pas.
Dans Au bord de la ville de Roland Fuentès, la ville, confinée"à l'intérieur de remparts imaginaires, constitue une source inépuisable de fantasmes entre attraction et répulsion pour les habitants des terrains vagues qui la bordent.
En SF, le gigantisme de la mégapole déshumanise l'univers urbain. Les habitants se retrouvent minuscules et désemparés face à une cité tentaculaire, avec ses zones d'ombre et de non-droit.
C'est le genre de décor urbain que plante Jean-Marc Ligny, dans les Guerriers du réel où apparaît l'écrasante bien que virtuelle Babylone.
Zone cinglée dénonce la ghetthoisation qui résulte d'un certain urbanisme.
Les villes imaginaires
Comme dans Metropolis, les villes imaginaires se scindent souvent en un monde d'en haut et un monde d'en bas, la typologie urbaine faisant écho à la stratification sociale.
Le Monde d’en haut signé Xavier-Laurent Petit illustre cette supériorité et ascendance d'une partie de la population sur une autre.
Mystères et légendes urbains et Doubles fantasmés de villes réelles
Dans la trilogie qui a pour héroïne Blanche, Hervé Jubert s'est employé à reconstituer l'atmosphère de Paris de 1870 à 1873. De Blanche ou la triple contrainte de l'Enfer à Blanche et le Vampire de Paris, en passant par Blanche et l'Oeil du Grand Khan, il dresse des tableaux de toute une époque de la vie parisienne . Dans le Palais des Mirages, il poursuit son exploration de cette veine héritée des feuilletons en choisissant comme cadre l'Exposition Universelle de 1900.
Le Paris interlope de la deuxième moitié du XIXe siècle a également inspiré Béatrice Bottet pour La Belle qui porte malheur.
Fabrice Colin avec Bal de Givre à New York se prête à un véritable pas de deux entre la Big Apple et son double "lisse" dans lequel Anna glisse et évolue.
Fabrice Colin, encore, nous entraîne dans le sillon de la quadralogie des étranges soeurs Wilcox entre autres dans les brumes londoniennes, les rues new -yorkaises et les mystères vénitiens.
Venise fournit de la matière littéraire à de nombreux ouvrages. De Nina, l'étoile de la 6e lune à la Reine des eaux, en passant par La Cité des Masques, la cité des Doges et son cortège de légendes et de silhouettes déguisées constituent un décor d'emblée fantasmagorique.
China Mieville imagine dans Lombres la part d'ombre de Londres. Jean-Luc Triolo en avait longuement salué l'originalité.
Il rend là hommage à la ville qu'il avait citée quand le Wofford College de Spartanburg (Caroline du Sud) l'avait questionné sur la ville réelle ayant l'aura de fantasy le plus marquée. Il avait alors décrit la capitale anglaise comme un "patchwork chaotique d’histoire, d’architecture, de style,(…) pleine de parcs et de jardins, qui ont toujours été des endroits magiques, l’une des villes les plus vertes au monde, mais d’une tonalité très sale de vert."
Toutes ces zones urbaines composent une fascinante mozaïque de villes, où bien souvent le chaos le dispute à l'ordre, Quartiers, villes et cités en disent long sur leurs habitants, leurs dirigeants, leurs détracteurs ou encore leurs protecteurs.
Bien plus qu'un décor, la ville devient parfois un personnage ou un univers contraignant avec des règles strictes. Cauchemar, refuge, chacune de ces villes vous invite à de palpitants voyages.