Actusf : Quels sont vos trois romans préférés et pourquoi ?
Estelle Faye : Trouver mes trois romans d’imaginaire préférés, pour la lectrice compulsive que je suis, c’est vraiment mission impossible. Donc je vais tricher un peu, je vais parler de trois romans et une nouvelle, vers lesquels je reviens souviens pour les deux premiers, qui m’ont particulièrement touchée pour les deux autres. Voilà, c’est une liste absolument non exhaustive, et qui fait écho aussi, en partie, à ce que j’écris en ce moment.
Bien sûr je vais citer Hadès Palace, de Francis Berthelot, l’un des romans que j’ai le plus relus, qui me revient régulièrement en mémoire, qui parle très bien de théâtre, avec une vérité évidente, ce qui n’est pas toujours facile. C’est un roman avec une voix, un style que je n’ai jamais vus ailleurs, et qui en même temps a quelque chose d’universel. C’est un roman à la fois très sombre et très humain, un de mes fondamentaux, bref je recommande chaudement. Et le fantastique y est somptueux.
En fantasy, le roman que j’ai le plus relu ces dernières années, c’est sans doute A la pointe de l’épée, d’Ellen Kushner. Pour le quartier des Bords-d’Eau, Riverside en anglais, qui n’est pas et de loin le plus riche de la ville, mais qui est l’un des lieux imaginaires où j’aime le plus me promener, au fil des mots. Pour toute la richesse philosophique, politique, artistique de son monde, qu’elle arrive à glisser mine de rien au fil du texte. Pour ses personnages complexes, charismatiques, tellement attachants et tellement humains. On n’est pas dans le énième royaume médiéval fantastique, la énième lutte contre le mal… On est ailleurs et dans un monde tellement crédible en même temps. Et elle parle très bien de rapières.
J’ai eu la chance, cet été, qu’Ellen Kushner m’offre la suite de ce roman, The privilege of the sword, qui pousse encore plus loin les enjeux, les personnages, sans jamais perdre leur sincérité. Une suite qui introduit aussi l’un des plus intéressants personnages de jeune fille que j’ai lu ces dernières années, et enfin qui, grâce à tout un jeu et une réflexion sur le roman et la vraie vie, apporte encore une dimension supplémentaire à cet univers.
Si quelqu’un lance une pétition pour qu’il soit traduit en français, je serai une des premières à la signer, pour qu’il soit accessible à plus de lectrices et de lecteurs ici.
Je ne peux non plus dans cette liste ne pas parler de Nathalie Dau, et de la nouvelle Notre Dame des algues, probablement la nouvelle fantastique qui m’a le plus marquée. Un texte poignant qui parle de théâtre (encore !), de relation entre frères, tout en subtilité et tellement évocateur…
Pour le troisième et dernier roman, je mettrais volontiers Jarvis, le messager de la grande île, de Christian Léourier, parce que je n’allais pas conclure cette liste sans parler de grande SF, d’horizon lointain, et d’océan. Il y a tout ça dans Jarvis, plus une atmosphère prenante et inoubliable, et un véritable humanisme. C’est un de mes premiers gros coups de cœur dans le genre. Je le lisais quand j’étais enfant dans une petite bibliothèque sous les combles, à l’île de Ré, tandis que la pluie et le vent battaient l’unique fenêtre dans le toit. C’est l’un des premiers livres qui m’ont fait comprendre à quel point la SF pouvait vous entraîner ailleurs.
Ah, et en ce moment je relis les Livres de Sang, de Clive Barker, ceux que j’ai déjà lus, et je découvre ceux que je n’avais pas encore lus. Ce sont des ouvrages que je conseille souvent aux jeunes auteurs, pour comprendre l’incarnation en littérature.
Voilà, il y a encore beaucoup de livres que je pourrais citer, de ceux qui m’ont formée, qui ont contribué à façonner mon écriture, des grands classiques comme des livres très récents… Mais j’ai déjà assez triché ! Merci pour la question !
Le Mois de l'Imaginaire d'Alex Nikolavitch
Le Mois de l'Imaginaire d'Olivier Paquet.
Le Mois de l'Imaginaire de Thomas Geha.
Le Mois de l’Imaginaire de Sara Doke.