Ce mois-ci, dans le cadre du Mois de l'Imaginaire, nous avons invité les autrices et auteurs à nous dévoiler quels étaient leurs titres préférés et surtout... Quelle avait été leur 1ère rencontre avec le genre.
Aujourd'hui, nous vous proposons de découvrir les récits incontournables de Patrick Dewdney, auteur du Cycle de Syffe, paru au Diable Vauvert.
Patrick Dewdney : Vraiment, la question du top trois me semble trop difficile à trancher, donc je préférerais parler de trois textes qui m’ont marqué durablement. Déjà, je pourrais parler de la Stratégie Ender, de Orson Scott-Card, qui est le premier vrai récit initiatique qu’il m’a été donné de lire, et que je trouve, encore aujourd’hui, l’un des plus intelligents. C’était aussi ma première rencontre avec un héros atypique, qui se vainc en prenant appui sur les autres plutôt que sur lui-même.
Ensuite, et probablement sans surprise pour certains des gens qui m’ont lu, il y a l’Assassin Royal et ses suites, de Robin Hobb. Avec Fitz j’ai appris comment on raconte une saga comme un récit-rapporté, comment on impose un rythme résolument moderne à un texte de fantasy, comment les enjeux émotionnels d’un personnage peuvent mener une narration aussi bien, sinon mieux, que n’importe quelle bataille.
Enfin, ben c’est la partie la plus difficile de donner un dernier nom, donc je vais tricher. J’ai adoré Justine Niogret et son Chien du Heaume pour son travail de la langue, le Sentier des Astres de Stefan Platteau pour son souffle, et le travail de ces deux auteurs pour l’horizon littéraire qu’ils ont ouvert pour l’imaginaire francophone. Mais puisque mes deux réponses précédentes arrivaient d’outre-atlantique, alors je vais terminer sur Anne Rice et ses Chroniques Vampires. Une poésie sombre, délicate, lancinante, atroce, existentielle.
Actusf : Quel a été votre 1er contact avec la magie de l'imaginaire ?
Patrick Dewdney : Il y a d’abord eu Tolkien, avec le Seigneur des Anneaux. Ma mère me l’a lu lorsqu’à l’âge de cinq ans, j’étais cloué au lit par une grippe. Pour moi, le personnage de Boromir sera toujours auréolé de fièvre, et d’une horreur enfantine à l’idée que les gentils peuvent devenir méchants, et que parfois, ils peuvent aussi mourir.
Pour Adrien Tomas, auteur dernièrement d'Engrenages et Sortilèges (Rageot) et Zoomancie (Lynks), ses choix se portent sur :
Enchantement d’Orson Scott Card. Une réécriture drôle, touchante et originale de la Belle au bois dormant, une princesse ukrainienne du IXe siècle réveillée par un doctorant en littérature du XXe siècle, tous deux projetés dans le temps et contraints de se défendre contre les manigances de Baba Yaga et du dieu-ours… L’un des premiers romans d’imaginaire que j’ai lus, et toujours l’un de mes plus beaux souvenirs.
L’Homme-Rune de Peter V. Brett. Trois personnages tentent de libérer leur monde de l’emprise des démons, de dangereuses créatures qui surgissent du sol à la nuit tombée et ne peuvent être repoussées que par des runes. Une situation de départ simple, mais une chouette écriture et de très bonnes idées. Je n’ai pour le moment lu que le premier tome, mais ça faisait un moment qu’un roman de fantasy ne m’avait pas autant plu.
Le Puits des Mémoires de Gabriel Katz. Une trilogie fun, entraînante et bien écrite, aux personnages attachants qui cherchent désespérément à retrouver leur mémoire perdue. De la vraie bonne fantasy d’aventure, pleine d’humour, de péripéties de bonnes idées.
Et du côté du 1er contact avec l'imaginaire ?
Adrien Tomas : En fantasy, ça se joue entre Bilbo le Hobbit de J.R.R. Tolkien et la Trilogie des Joyaux de David Eddings. Mais le tout premier auteur d’imaginaire que j’ai lu, bien avant ma découverte des genres fantasy, SF et fantastiques, c’est probablement Roald Dahl.
Après si on va plus loin, j’ai vu pas mal de longs-métrages Disney quand j’étais petit, et à de rares exceptions près, ils sont TOUS dans le genre imaginaire. Donc si je creuse ma mémoire, je suppose que mon tout premier contact avec l’imaginaire, c’est La Belle et la Bête au cinéma, quand j’avais 5 ans.
Pour Franck Ferric, auteur du Chant mortel du soleil, paru chez Albin Michel Imaginaire, le choix est plus complexe.
Franck Ferric : Difficile de n'en sortir que trois ! Comme ça, à froid, je dirais :
Souviens-toi des monstres, de Jean-Luc A, d'Asciano, récemment paru aux Forges de Vulcain. Un roman perché, baroque, érudit, élégant, tantôt dumasien, tantôt lyrique, qui tient autant du roman d'aventure, du fantastique que d'un génial recyclage mythologique. De L'Imaginaire sous la forme qui me plaît le mieux : débridée, turbulente, pleine de diables athées, de prêtres défroqués, de monstres marins, de voisins anarchistes... Un livre absolument pas taillé pour caser sous une quelconque étiquette, qui se fout des genres et sous-genres. Et c'est tant mieux.
Le Seigneur des Anneaux. Parce qu'à chaque fois que j'y retourne, j'y retrouve des chemins familiers. D'autres que j'avais oublié. Et certains encore, que je n'avais jamais remarqué.
Le Meilleur des Mondes, évidement. Près de 90 ans après sa parution, ce livre d'Huxley est toujours autant d'actualité, et même à un point assez critique en nos temps où un certain nombre de choses parviennent à leur terme. Interroger notre réalité présente, chercher un sens au monde, l'imaginaire sert aussi à ça. Et peut-être même n'endosse-t-il sa véritable fonction que lorsqu'il le fait.
Actusf : Et côté 1er contact ?
Franck Ferric : Ça a du commencer suffisamment tôt pour que je ne puisse m'en souvenir : mes parents m'avaient trimballé avec eux au ciné pour voir The Shinning (chose possible dans les salles campagnardes du début des années 80 : on pouvait embarquer son marmot de 2 ou 3 ans voir un film où le sang jaillit des portes, où un homme court après sa femme et son gosse avec une hache à la main...)
Leur bourde rapidement constatée, mes parents bien sûr ont quitté la salle bien avant la fin du film. Mais les fantômes de l'Overlook Hotel ont sans doute été mon premier véritable contact avec l'imaginaire, bien avant que je ne sache lire.
Niveau littérature, je garde un grand souvenir d'un cours de français au collège, ou la prof nous avait fait une lecture de La Peur, une nouvelle de Maupassant. Le moment où le chien sort de la ferme assiégée par l'orage m'avait laissé pétrifié sur ma chaise. Jamais un texte ne m'avait jusqu'alors donné à ressentir un sentiment aussi puissant. Je n'ai pas arrêté de rechercher ça depuis.