Il est des carrières qui débutent tardivement, mais ce ne sont pas forcément les moins intéressantes. Ce fut le cas pour Charles Sheffield qui, avant de devenir l’un des auteurs de hard SF les plus en vue des années quatre-vingt-dix, eut une carrière scientifique bien remplie. Fin connaisseur de la question des champs gravitationnels, un domaine de la physique dans lequel il fut amené à travailler pour la NASA, il se tourna avec succès vers la science-fiction. Parmi ses romans traduits en français, on retiendra La toile entre les mondes et, surtout, Le frère des dragons, une dystopie écologique, évoquant le futur sinistre vers lequel l’humanité se dirige à grands pas…
Trous noirs et propulsion compensée…
La manipulation des trous noirs pour en faire des sources d’énergie est l’un des sujets qui passionnent le professeur McAndrew, au point qu’il passe ses vacances à bord du vaisseau de Jeanie Roker dans le but d’affiner ses théories. La curiosité de notre capitaine est tout aussi grande puisqu’elle n’hésitera pas, pour accompagner son brillant ami aux confins de l’espace connu, à demander un congé de… neuf ans ! Le professeur McAndrew a en effet mis au point un procédé permettant de voyager sous une accélération de cinquante G sans que les passagers se fassent écrabouiller par cet énorme champ gravitationnel. Neuf années peuvent sembler longues, mais la relativité permettra à nos deux intrépides voyageurs de ne vieillir que de trois mois. Quant à leur mission, elle consiste à rejoindre un vaisseau générationnel parti soixante-quinze ans auparavant et dont le dirigeant projetait de créer une utopie eugéniste exclusivement constituée d’hommes et de femmes supérieurement intelligents. Il semblerait qu’il y soit parvenu car à son bord se trouverait un physicien génial, dit-on, qui aurait découvert de quelle manière exploiter l’énergie que produit le vide, un concept que seul McAndrew avait jusque-là été capable de théoriser et d’appliquer !
Un beau voyage aux confins des espaces théoriques...
De tous les genres apparentés à la science-fiction, la hard science est bien le plus difficile à aborder pour un lecteur novice. Pourtant, si l’on parvient à accepter de fournir l’effort intellectuel qu’elles demandent, les merveilles que recèlent les textes d’auteurs tels que Stephen Baxter ou Greg Egan agissent souvent comme des accélérateurs poétiques sur les réflexions des plus rêveurs des lecteurs. Charles Sheffield, rigoureux au point de proposer un appendice d’une vingtaine de pages sur les concepts abordés dans son recueil, ne manque cependant pas d’humour. Les relations entre la Capitaine Jeanie Roker et McAndrews apportent un peu d’humanité à leurs échanges parfois arides sur les questions d’astrophysique qu’ils abordent, et donnent envie de s’accrocher à mesure que les problèmes s’intensifient. Courtes, mais denses, ces Chroniques de McAndrew nous emportent dans un voyage qui ne fait regretter qu’une chose aux plus infortunés d’entre nous : ne pas avoir fait d’études scientifiques…