Avec « Le Requiem des Souvenirs » (Laffont collection R), sixième volume de sa magnifique saga « Vampyria », Victor Dixen conclut magistralement les aventures de Jeanne Froidelac qui, sous le nom de Diane de Gastefriche, était devenue Ecuyère du Roy Louis l’Immuable, Roy des Ténèbres, afin de venger la mort de sa famille et s’était retrouvée au cœur de la Fronde qui luttait depuis des siècles pour renverser l’ordre vampirique.
Il est difficile de résumer ces six volumes extrêmement riches et foisonnant d’idées et d’action où, avec son talent habituel, Victor Dixen est parti d’une idée originale, à savoir renverser l’histoire : Louis XIV, le Roi Soleil, dans sa quête de gloire, est devenu immortel par une opération alchimique qui l’a rendu vampire et a assis ainsi son règne éternel, transformant ses alliés (la vice-reine Anne d’Angleterre et le vice-roi Carlos II d’Espagne plus de grands et moins grands seigneurs prêts à tout pour vivre éternellement) en monstres assoiffés de sang, figeant le monde dans un état de servitude où s’impose chaque mois à tous les roturiers la dîme du sang. Le monde s’est ainsi figé, les ténèbres et la misère gagnant du terrain, des créatures monstrueuses envahissant de plus en plus les marches des empires vampiriques.
A travers les différents volumes, nous découvrirons avec Jeanne non seulement ce qui se passe en Europe mais aussi aux Amériques entre colonies françaises, anglaises, espagnoles et territoires indiens (les deux volumes du cycle des Desperados). Comme toujours avec l’auteur, les personnages sont bien décrits, évoluant psychologiquement en réalisant que tout n’est pas blanc ou noir mais qu’il y a du gris au milieu, que chacun a ses forces et ses faiblesses, Jeanne en étant un parfait exemple mais aussi son amie japonaise Naoko ou le malheureux Rafael de Montesueño. Et les « méchants » sont peut-être encore plus réussis : le Roy, bien sûr, Alexandre de Mortanges (pour lequel on ressentirait presque de la pitié par moments) ou Exili, Grand Archiatre de France (l’homme par qui tout est arrivé) par exemple. La richesse en détails de cette Terre alternative est extraordinaire, que ce soit géographiquement ou culturellement, le mélange vampirisme-sorcellerie-technologie fonctionne parfaitement bien ; et l’auteur nous glisse des messages subtils quant à la liberté et à son prix, à celui aussi des renoncements, à l’acceptation des différences des autres, à la force de l’union justement renforcée par ces différences, au danger d’une société statique cultivant ignorance et fanatisme.
« Vampyria » est une très grande réussite, un cycle prenant d’une richesse incroyable, à mon avis un futur classique de la littérature d’imaginaire française. A lire absolument, dans l’ordre de parution des tomes afin d’en apprécier toute la puissance !
Et pour les fans collectionneurs, je ne peux que recommande la fort belle édition collector « Grand Siècle », toilée, avec une nouvelle inédite dans chaque volume (Noël se rapproche…).
Je viens de lire « Le Voleur d’étoiles » (Editions Sabran), premier tome de la « Trilogie de la Mer de Sable », d’une autrice koweito-américaine, Chelsea Abdullah, de la fantasy arabisante originale et remarquable Dans un monde désertique, parsemé de quelques oasis, Loulie el-Nazari, connue sous le nom de la Marchande de minuit, vit de la vente de reliques magiques (un commerce strictement interdit) qu’elle excelle à trouver, aidée de Qadir, un djinn qui la protège depuis que sa famille et sa tribu ont été massacrées dans son enfance, et d’une boussole magique. Or les djinns sont pourchassés et exterminés par les hommes quand on en découvre, une spécialité des Quarante Voleurs dirigés par le prince Omar, fils aîné du sultan de Madinne. Or le sultan va l’obliger à partir dans le désert, vers la Mer de Sable qui a recouvert et rendu inaccessible le royaume des djinns, accompagnée par Omar et la meilleure tueuse des Voleurs, Aïcha. Nous allons la suivre dans son périple depuis Madinne, au-delà de la dernière oasis et dans la Mer de Sable, jusqu’au royaume des djinns. Bien entendu, rien ni personne n’est véritablement ce qu’il semble être, nombre de secrets vont petit à petit être révélés par la force des événements.
Toute l’originalité du roman réside dans cette atmosphère orientalisante (ruines mystérieuses, villes, les descriptions que fait l’autrice des lieux (le souk de minuit par exemple), la magie puissante qui règne partout (objets, armes et bijoux magiques, la source de la magie vous prendra comme moi par surprise, une idée très belle), le conflit entre les humains, les djinns et leurs rois effrits, sans parler du concept magnifique de la mort source de vie (je n’en dirai pas plus pour ne pas spoiler). Les personnages sont attachants dans leurs faiblesses et leurs secrets, que ce soit Loulie, Qadir ou Aïcha ainsi que le prince cadet Mazen, et l’on est intrigué par les manoeuvres du peu sympathique prince Omar (mais dont l’autrice nous permet de comprendre les motivations à défaut de les approuver).
En lisant ce roman, j’ai retrouvé l’émerveillement qui m’avait saisi lorsque j’avais lu enfant les Contes des Mille et Une Nuits (auxquels l’autrice fait nombre de références), une sorte de version modernisée mais toujours aussi enchanteresse. Vivement la suite !