
Je connaissais Oliver Peru pour l'intéressante série de fantasy jeunesse des "Haut Conteurs" qu'il avait co-signée avec Patrick McSpare et pour son premier roman "Druide". Il revient en force - et quelle force ! - avec un livre de fantasy très achevé qui s'intitule "Martyrs Livre 1" (J'ai lu).
En près de 700 pages d'une densité et d'une intensité qui ne s'allègent jamais, il nous introduit dans le monde et la vie des frères Helbrand et Irmine Lancefall, deux jeunes gens orphelins qui survivent en étant des assassins hors pair, leur hérédité d'Arserker les aidant grandement dans leur métier puisque les Arserkers, les anciens tueurs de dragons, furent les guerriers les plus redoutables du Reycorax avant d'être écrasés et exterminés avec femmes et enfants près d'un siècle auparavant par le roi Siegtrie le Clément qui acheva dans le sang l'unité du royaume. Il faut dire que leurs dons - force, agilité, longue vie etc... - les rendaient dangereux et arrogants et les rares survivants et descendants de leur peuple continuent d'être éradiqués à vue par les Fauconniers, des fanatiques impitoyables tout dévoués à leur roi, le petit-fils de Siegtrie, Karmalys dont le corbeau symbolise la dynastie. Les Lancefall habitent la plus grande ville du monde, la Marchande autrement dit la cité-souveraine d'Alerssen, la seule qui échappe à l'autorité du roi par suite du traité signé par son grand-père : en échange de la reddition de la ville, celle-ci continuait d'être administrée par son Intendant, aujourd'hui Rol Guyarson, homme madré et redoutablement intelligent, tout dévoué à sa ville, alors que les seigneurs d'Alerssen seraient confinés dans l'enceinte de leur château avec interdiction d'en sortir. Karmalys veut donc soumettre à son autorité la ville alors que Kassis, dame des Ronces et dernière descendante des seigneurs, ne rêve que d'échapper à son emprisonnement doré et voir sa ville et le monde. Les intrigues politiques des uns et des autres et le destin des Lancefall en la personne de l'énigmatique borgne Arserker qui semble connaître l'avenir et intervenir quand besoin est pour les tirer d'un mauvais pas vont mettre en route une série d'événements qui vont faire se rencontrer ces différents personnages et modifier profondément les équilibres du Reycorax.
Oliver Peru met en scène une galerie de personnages principaux dont la force est d'avoir une psychologie particulièrement fouillée et une profondeur rarement égalée dans des romans de fantasy. Ici pas de guerrier dont seule la force au combat lui permet de vaincre - il y en a aussi quand même - mais des personnages à l'intelligence remarquable : outre les frères Lancefall, qui associent des dons physiques particuliers dus à leur hérédité à un esprit brillant et à un instinct de survie fort développé, et qui petit à petit vont découvrir des sentiments inconnus comme l'amour, l'amitié, la confiance, le roman est dominé par la figure extraordinaire de Karmalys, monarque monstrueux au physique comme au mental, torturé par le fait d'avoir hérité d'une couronne dont il ne voulait pas, dont la boulimie est le reflet de son intelligence acérée qui ne peut que voir complots et trahisons autour du trône, jamais rassasiée d'intrigues compliquées. Quant à sa soeur, Akinessa, la douce princesse qui contrebalance la haine et le mépris porté au roi, elle est aussi une belle figure, toute de douceur et d'amour cachant un autre esprit de première magnitude. Kassis, la jeune dame des Ronces, apprend elle aussi la vie, étant à cet âge charnière entre l'enfance et l'âge adulte, avec la découverte de l'amour et du monde extérieur, alors qu'elle était jusque là surprotégée par son ami et figure paternelle, l'Intendant, lui aussi un personnage attachant et intrigant. Et tous les autres personnages plus ou moins secondaires, comme Huparn Cavall, le révolté de l'Ouest qui va embraser le royaume, Opimer dit le Père Carnage, grand maître des Fauconniers, le nain Jarud, Eorten Delysten, l'Arserker mystique et cruel, Optany le vieux soldat, sont tout aussi attachants et pleins de vie et de sentiments : le grand talent de l'auteur est de nous faire comprendre et partager leurs motivations, de nous faire réaliser qu'il faut parfois très peu de choses pour faire basculer l'ordre établi, une simple erreur d'appréciation, le mépris du petit peuple, la projection sur son interlocuteur de ses propres motivations, et surtout la peur de l'autre, de la différence.
Quant au monde du Reycorax, il est tout aussi riche que les personnages qui le peuplent : là aussi l'auteur s'est attaché à le rendre très réaliste, avec une foultitude de détails. Il s'agit d'un monde où, soudainement, sont apparus des milliers de fantômes, plus ou moins matérialisés, plus ou moins malfaisants, qui hantent des villes comme Tanterelle au point d'avoir fait fuir ses habitants. Est apparu aussi ce livre de "l'Ecriture" qui prophétise des événements qui tous sont soit déjà réalisés soit en train de se réaliser, ayant causé l'apparition d'une nouvelle religion très populaire ce qui entraîne naturellemetdes tensions graves avec la religion établie, celle de Ceux-qui-tissent, les dieux des Mille Songes. Il n'y a guère de magie, celle des Arserkers relèvent plutôt de dons héréditaires, mais certains humains ont des talents comme la vieille Abiselle qui peut attirer et renvoyer les spectres !
Oliver Peru a écrit là un grand roman de fantasy adulte, rempli de sang et de fureur, de combats et de complots, parfois très dur dans ses descriptions quelque peu graphiques des sévices ou des blessures reçus, où l'on se laisse immédiatement emporter par l'action et les intrigues, d'une écriture achevée, il est difficile de s'arrêter une fois entré avec Irmine Lancefall à Tanterelle (province du Centre du Reycorax), cette ville abandonnée des hommes, en l'An 977 du calendrier du Corbeau.
Londres une physionomie d'André-François Ruaud

Londres est sans doute la grande capitale où la plupart des Français sont allés au moins pour un week-end rapide et un dépaysement assuré ! C'est aussi la ville associée à Sherlock Holmes, à Jack l'Eventreur et au brouillard, sans parler d'Hercule Poirot et de Harry Dickson. Mais c'est bien plus que cela et André-François Ruaud, grand connaisseur et amateur de cette ville, a eu l'excellente idée de réunir, sous le titre "Londres une physionomie" (Les Moutons électriques), un ensemble de textes de différents auteurs et de différentes époques, traçant ainsi un portait à la fois géographique, historique et littéraire sans équivalent et tout à fait sympathique de cette grande métropole au caractère unique.
Nous y trouvons d'une part des textes de visiteurs découvrant la ville à différentes époques avec, en ouverture, un texte de 1842 de Théophile Gautier aussi savoureux que critique tout en étant admiratif et je ne peux résister au plaisir malicieux de citer cette phrase, toujours d'actualité me semble-t-il : "... [les Anglais] ne pourront jamais faire un chapeau qu'une grisette française voulût mettre sur sa tête." (p. 29) Les textes d'autres visiteurs sont tout à fait passionnants, de Paul Morand à Arthur Machen et à Chiang Yee (qui donne une vision non occidentale très lucide de la ville et de ses habitants), montrant à la fois la richesse la plus extravagante et la pauvreté la plus abjecte se côtoyant simplement en traversant une rue. Encore plus passionnant, des textes tous fort bien écrits et très complets nous font découvrir le Londres de différentes époques littéraires : le Londres de Dickens au début de l'ère victorienne et celui de la fin de cette ère avec Sherlock Holmes, celui moins bien connu de la brève période édouardienne, celui des "Roaring Twenties" centré autour du quartier de Mayfair et le Londres chic de l'Entre-deux-guerres qu'Hercule Poirot domine de ses petites cellules grises, puis les mois terribles du Blitz, les années difficiles de l'après-guerre dans les années 1950 avant le retour triomphal de la domination londonienne avec le "Swinging London" des années 1960 (sans parler de la mode immortalisée par Mrs Peel et Tara King : qui ne se souvient de "Chapeau melon et bottes de cuir", la quintessence de tout ce qui est britannique !).
De plus, un certain nombre de chapitres sont des études sur un aspect particulier de la capitale anglaise : j'ai grandement apprécié celui de Harry Morgan, "1882 - Society for Psychical Research", sur la vogue du spiritisme et de la métapsychique dans la société de l'époque et sur les détectives de l'occulte à qui cela a donné beaucoup de travail. Quant à Xavier Mauméjean, il nous fait une recension très complète de tous ces clubs si typiquement "british" dans leur excentricité et leur exclusivité. Autre chapitre remarquable pour tout amateur d'"urban fantasy", le "Londres des failles" où, grâce à Patrick Marcel, nous découvrons les réseaux d'énergie, les "ley lines" de cette ville magique, et l'exploitation qui en a été faite par certains.
En fin d'ouvrage, nous pouvons suivre plusieurs promenades afin de découvrir l'une des multiples facettes de cette métropole tentaculaire : si celle des "visionnaires et révolutionnaires" est tout à fait intéressante et celle "tout au long de l'eau" plutôt amusante - je n'avais pas réalisé avant de lire ce livre l'importance de l'eau et des canaux à Londres -, j'avoue que marcher "dans les pas de Sherlock Holmes" constitue la tentation suprême, avec quelques arrêts pour boire une pinte de bière et manger un "steak and kidney pie" ou un "fish n'chips". Voilà un livre qui m'a donné envie, bien que je ne fasse pas partie des anglophiles les plus enragés, de retourner à Londres et de découvrir certains aspects de cette ville qui m'avait échappé lors de mes nombreux séjours et visites, alors que je pensais assez bien la connaître: ce n'est pas le moindre mérite des 370 pages de cet ouvrage !

En octobre dernier, j'avais découvert et partagé avec vous les deux premiers volumes de la superbe trilogie de fantasy intitulée "Les sept lames", de David Chandler. Après "L'Antre des voleurs" et "Un voleur dans la nuit", nous n'avons pas eu à attendre longtemps pour lire la conclusion avec "L'Honneur des voleurs" (tous trois chez Milady). Notre vieil ami Malden, ce voleur de Ness si talentueux, détenteur de l'une des Sept lames tueuses de démons et ne sachant pas s'en servir, va devoir faire face avec Croy, le chevalier-modèle psycho-rigide, et Cythère, fiancée de Croy et amoureuse de Malden, dilemme cornélien que ses pouvoirs ne l'aident guère à résoudre, au résultat de leur action d'éclat du tome 2, l'anéantissement de Fendciel, ce verrou naturel dans la chaîne de montagnes de Murblanc servant de rempart naturel au royaume de Skrae contre les barbares assoiffés de sang et de pillages. Résultat : des milliers d'entre eux, toutes les tribus fédérées par Mörg, le Grand Chef père de Mörget, le traître détenteur d'une autre des sept lames, déferlent sur le royaume et prennent les grandes villes très vite. Seule Ness résiste, ce sera à Malden de faire ce qu'il peut pour sauver sa ville, aidé de Crassier, ce nain de génie exilé, car il fait partie de ces voleurs qui ont un honneur.En un gros volume de près de 700 pages, l'auteur nous fait retrouver, outre notre trio de héros, tous les personnages que nous avions croisé précédemment : l'énigmatique Tailleserpe, le patron de la Guilde des voleurs et de Malden, dont nous comprendrons enfin une partie des actions, l'immortel burgrave de Ness, le redoutable et sanguinaire Mörget et sa tout aussi redoutable et sanguinaire soeur Mörgain, l'ignoble naine Balint, l'incompétent roi Ulfram V et sa fille Bethane et une foule d'autres personnages qui font toute la richesse de ce roman. Malden va accomplir son destin, entraperçu par Coruth, la sorcière mère de Cythère, et apprendre en même temps qu'elle que le chemin entre libre arbitre et destinée déjà écrite est excessivement étroit et que les meilleures intentions peuvent avoir des conséquences aussi dramatiques que mauvaises pour ne pas dire épouvantables ; il apprendra aussi à son corps défendant que récupérer la force de la religion pour s'en servir dans un but politique est à double tranchant et que c'est le terreau naturel du fanatisme qui devient vite incontrôlable, un jeu dangereux et un message évident de l'auteur sur notre propre monde. Le ton général de ce troisième volume est plus désabusé et amer que celui des précédents, ce qui s'accorde à la situation désespérée du pays et de nos héros qui ont encore mûri psychologiquement ; en revanche, au niveau de l'intrigue et de l'écriture, l'auteur met en scène batailles épiques et soldats valeureux ou pathétiques, massacres sans gloire et actions d'éclat, grands du royaume égoïstes et petit peuple héroïque, sans temps mort - y compris pendant les sièges des villes ! Une belle conclusion pour une belle trilogie mais qui peut nous laisser espérer que David Chandler nous emmènera de nouveau dans l'univers de Malden.

Certains d'entre vous avaient peut-être lu le coup de coeur (novembre 2011) que j'avais eu pour une série de bit-lit qui m'avait particulièrement enthousiasmé par son originalité, à savoir "Jane Yellowrock" de Faith Hunter dont trois volumes étaient sortis chez la défunte maison d'éditions Eclipse. Celle-ci a été reprise, avec la majeure partie de son catalogue, par Panini et l'un des premiers volumes de leur nouvelle collection Crimson est la reprise, dans une traduction révisée, de "Tueuse de vampires", premier tome de la série. Et je ne peux faire mieux non plus que reprendre ce que j'écrivais sur ce premier volume.
Nous entrons dans l'un de ces univers de bit-lit que j'aime car il utilise d'une manière novatrice des concepts classiques plus un, à ma connaissance, peu utilisé: celui de ce personnage redouté des légendes amérindiennes, le "skinwalker", traduit dans la série par "porteur de peau", autrement dit un humain sorcier/chaman qui a le pouvoir de se transformer à volonté en animal. Et c'est ce qu'est Jane Yellowrock, indienne Cherokee qui abrite dans son esprit la Bête, la personnalité d'une femelle cougar, suite à une opération magique involontaire mais interdite dont elle supporte le poids de la culpabilité; accessoirement ce pouvoir sert à Jane pour s'éclater avec succès dans son travail quotidien, à savoir chasser et tuer des vampires renégats. Elle vit en effet dans un monde où les vampires ont vu être révélée officiellement leur existence en 1962, suite à un incident désagréable impliquant Marilyn Monroe essayant de mordre le président, un pieu manipulé par un garde du corps zélé et une tentative maladroite de faire croire au suicide de l'actrice pour camoufler la vérité ! Nous apprenons cela dans le premier volume et cette existence n'est pas sans toujours susciter des remous dans la société américaine, en particulier au niveau de la citoyenneté et des droits. Dans une Nouvelle-Orléans écrasée par la chaleur et l'humidité, par son passé ancien - l'esclavage et la Confédération - et récent - l'ouragan Katrina vient d'y exercer ses ravages, sans pouvoir être contenu par les covens de sorcières louisianaises, ce qui a créé un certain ressentiment - Jane va, à la demande de Katherine Fonteneau, vampire ancienne et respectée car patronne de la maison close la plus exclusive de la ville, mener son enquête pour retrouver et exterminer un vampire paria, s'attaquant aux autres vampires et à la population, ce qui est toujours mauvais pour le tourisme et les affaires. Comme rien n'est jamais simple, Jane va se retrouver aux prises avec les intrigues politiques internes des familles de vampires de la ville, les rivalités de personnes - ah ces vampires arrogants et comploteurs, ne parlons même pas de leurs domestiques nourriciers humains ou des pensionnaires du "Katie's Ladies" - , la nature du paria qu'elle chasse qui va la faire remettre en question la sienne et se remémorer qui elle est vraiment.
Faith Hunter, à travers une intrigue basée sur les légendes amérindiennes, le chamanisme et l'histoire douloureuse des Cherokees, nous livre là un roman de bit-lit fascinant: son personnage principal, duel et tourmenté, contrôlant parfois difficilement l'animal, au sens littéral du terme, qui l'habite, et essayant de survivre au lourd passif de son enfance et de sa jeunesse. Jane n'est d'ailleurs guère aidée par sa fascination-répulsion-amour-détestation du premier domestique nourricier, Georges Dumas dit "Gros-Bras", du maître vampire Léonard Pellissier - relations difficiles et ambigües avec celui-ci -, son intérêt croissant pour ce mauvais garçon de Rick Lafleur - mais est-il si mauvais que cela ? Heureusement que sa meilleure amie, Molly, sorcière de Caroline du Nord, et sa fille Angelina, qui est la filleule de Jane et une enfant aux dons puissants déjà à l'âge de 6 ans, lui téléphonent de temps en temps.Le reste de l'entourage de Jane est tout aussi fascinant que bien campé: les vampires divers dont Sabina, prêtresse vampire hors clan d'un âge impressionnant ou Katie , les humains sympathiques comme Jodi Richoux, inspectrice de police s'occupant des cas surnaturels, ou "Troll", le portier garde du corps de la maison close, sans parler de l'équipe d'intervention d'anciens d'Iraq et d'Afghanistan ou de Rinaldo, le chauffeur de taxi attitré de Jane.
Les deux tomes suivants, déjà traduits et publiés une première fois, tout aussi excellents, devraient sortir dans cette même collection Crimson et j'espère bien que Panini publiera ensuite les trois volumes suivants, la série en anglais comptant six volumes déjà parus.

Chimères et gargouilles de Serge Lehman et Stéphane Créty
Il y a exactement un an (mars 2012), j'avais partagé avec vous mon coup de coeur pour "Anomalies", le premier tome de "Masqué", une nouvelle série de super-héros à la française sur un scénario de serge Lehman et un dessin de Stéphane Créty. Il y a eu ensuite "Le Jour du Fuseur" et maintenant le tome 3, "Chimères et gargouilles" (tous trois chez Delcourt, collection Neopolis). Nous y retrouvons le sergent Braffort, ce militaire français qui a endossé le costume du Fantôme, ce tueur masqué du 20e siècle, et qui vient de défaire dans le tome précédent le monstrueux Fuseur qui avait kidnappé sa soeur. Alors que les "Anomalies" continuent de se multiplier dans Paris - dont une p. 19 et 20 qui est un bel hommage au Surfeur d'Argent ! -, ce tome nous en apprendra plus sur le super-préfet Beauregard, l'homme qui a remodelé Paris en lui imposant sa volonté : redonner à la ville non seulement son rang de capitale mondiale mais aussi lui faire retrouver son âme d'où ce retour à un passé réinventé (l'habillement des habitants par exemple) ce qui permet à Créty de nouveaux dessins somptueux de ce Paris du futur au design volontairement rétro. C'est aussi le moment que choisit cette nouvelle créature, la Gargouille, pour apparaître et recruter des adorateurs en faisant avouer sans coercition visible la vérité aux malfaisants : quel est son but ? Et, en plus, Braffort et sa soeur Raphaelle vont devoir passer du temps avec leurs parents, des humanitaires complètement décalés et fanatiques au point de ne guère s'occuper de leurs propres enfants, qui sont de passage en ville. Cela donne un tome 3 qui met l'accent sur un aspect plus mythique et plus mystique dans ses explications, sur l'âme de la ville et ses incarnations. C'est aussi réussi et aussi beau que les deux précédents ! A lire en attendant le dernier tome, "Le préfet spécial" ( et ô combien spécial !), qui conclura cette tétralogie magistrale.

Tigran de Sylviane Corgiat et Laura Zuccheri
Il y a près d'un an et demi (septembre 2011), je vous avais parlé des deux premiers volumes des "Epées de Verre", une BD de fantasy magnifique scénarisée par Sylviane Corgiat, avec des dessins de Laura Zuccheri. Après une trop longue attente car le lecteur est toujours impatient, le tome 3 "Tigran" vient de sortir (Les Humanoïdes associés comme les deux précédents). La réunion des "Epées de verre" et de leurs porteurs qui, selon une prophétie ancienne, pourrait empêcher le soleil de s'éteindre et le monde de disparaître, se poursuit dans ce volume avec l'apparition de Tigran, forgeron et brave villageois un peu simple parfois, qui devient le détenteur d'une des épées et va devoir réaliser à son corps défendant sa destinée, accompagné de Surian, le sorcier du village, au "look" extraordinairement réussi. Il atteindra lui aussi la ville de Karelane où nous suivons en parallèle la continuation des aventures des héros des deux tomes précédents : Yama, porteuse d'une épee, Miklos, son mentor, Ilango, le jeune garçon dont le père, Orland, est l'un des grands vilains de l'histoire et dont la mère est aussi celle de Yama. L'intrigue développée par Sylviane Corgiat se lit avec un grand plaisir et nous nous laissons prendre par les mésaventures des personnages.
Mais, comme je l'avais écrit précédemment, ce qui fait la force et le charme de cette série, et sa différence par rapport à d'autres, ce sont les pages magnifiques de Laure Zuccheri. J'avais écrit : "les décors sont somptueux - certains plans de Karelane sont à couper le souffle avec ces architectures monumentales -, les costumes des soldats sont superbes - à la fois hiératiques et théâtraux, avec des influences japonaises et aztèques sans parler de celles de Moebius -, les scènes de foule avec tous les animaux étranges - montures humanoïdes géantes, animaux de bât et de trait bizarres, animaux de compagnie aussi mignons que curieux - offrent une vision d'un monde à la fois proche et fort différent du nôtre. Ici pas de dessin un peu flou mais une ligne claire tout à fait séduisante ! Et de vraies couleurs, pas ces bruns, gris et noirs qui couvrent trop de BD actuelles, les rendant souvent, du moins à mon goût, glauques et tristes. Un vrai plaisir esthétique donc, à découvrir sans plus attendre !" Je ne peux que réitérer ces lignes, ce tome 3 est aussi magnifique que les deux précédents et l'on regrette presque l'annonce que le tome 4, "Dolmon", conclura la série.
Le chasseur et son ombre de George R. R. Martin, Gardner Dozois et Daniel Abraham

Piège sur Zarkass de Yann

Le dessin de Didier Cassegrain est très beau, rendant bien les l'atmosphère de Zarkass et j'adore ses chenilles-lions ! Un album à lire donc pour continuer de découvrir "les univers de Stefan Wul", une source de dépaysement constant.
Grisha de Leigh Bardugo

Leigh Bardugo nous dépeint avec une très grande force des paysages grandioses et des décors superbes - le Grand et le Petit Palais d'Os Alta font rêver par leur luxe inouï -, une critique sociale toujours présente - le fossé entre le peuple miséreux et les puissants richissimes ne cesse de s'agrandir, cela ne rappelle-t-il pas la situation contemporaine ? - et surtout, elle sait mettre en scène des personnages d'une grande profondeur comme Alina, le Darkling ou Baghra, la vieille magicienne qui l'éduque, Malyen, bien sûr, et toute une foule de personnages secondaires mais importants comme l'Apparat, le prêtre raspoutinien qui officie à la Cour, Genya, la seule amie d'Alina, si belle et si pathétique, les différents Grisha qui évoluent à la Cour ou dans l'armée, dont David, le Fabrikant perdu dans son propre monde de magie des objets. J'ai été fasciné par la force descriptive et évocatrice de l'écriture de l'auteur qui vous prend et ne vous lâche plus, intégrant avec talent de nombreux éléments du folklore russe. Bien entendu, l'intrigue est passionnante, pleine de rebondissements basés souvent sur la psychologie, et c'est ce que j'ai particulièrement apprécié : bien que plus qu'humains -les Grisha - ou au-dessus des humains - le Roi et les grands aristocrates -, admirés et craints par le peuple, tous se révèlent en fait très prosaïquement humains avec leurs forces et surtout leurs faiblesses, moteurs de leurs actions - la jalousie, l'arrogance, la bêtise, la cupidité, la soif de pouvoir sont universelles -, ce qui nous permet d'apprécier ou détester celles-ci, et toujours de les comprendre. En plus de 300 pages denses, nous verrons Alina grandir et devenir adulte, évoluant de son origine de petite paysanne fragile et peureuse à la stature d'icône du peuple, tout en ne perdant jamais son humanité et sa compassion. C'est un superbe roman de fantasy que j'ai dévoré en une nuit, un autre de ces livres comme nous les aimons, impossible à reposer une fois les premières pages lues. Un premier volume très réussi d'une trilogie qui s'annonce excellente !
Traquée de Jess Haines

WW2.2 de David Chauvel
"WW2.2" (Dargaud) est un projet d'histoire alternative de la Deuxième Guerre mondiale ambitieux puisque son scénariste, David Chauvel, a prévu de le dérouler en 7 tomes, de 1940 à 1944. J'ai donc attendu un peu afin de voir si, après le démarrage passionnant du premier volume, l'intérêt ne retomberait pas. Commençant à lire ce coup de coeur, vous vous doutez donc que ce n'est pas le cas !



Un bien beau projet donc des Editions Dargaud que cette uchronie et un bien beau début de série à lire que cette "WW2.2" dont le quatrième volume, "Eliminer Vassili Zaitsev", devrait paraître courant mars.
Ancestral de Cassandra O'Donnell

Le Baron noir d'Olivier Gechter

Vous l'avez tous compris, Olivier Gechter met en scène avec jubilation le premier volet d'une histoire de super-héros steampunk à la française dans la veine des fascicules de la littérature populaire, une sorte de "pulp" bien de chez nous, et il le fait avec son talent habituel. Je me suis bien amusé à lire cette aventure du Baron Noir, mélange de Batman et d'Iron Man - inspiré sans doute aussi du célèbre Spring-Heeled Jack qui hanta Londres à deux reprises à la fin des années 1830 puis au début des années 1870 -, qui arpente les rues en travaux du Paris du baron Haussmann, avec ses gadgets à vapeur mais aussi électriques. Les descriptions de ce Paris où roulent autofiacres à vapeur dans les rues survolées par ces dirigeables nous laissent rêveur par tous ces petits détails qui les rendent vivantes ; les personnages sont bien trouvés, typiques de cette littérature que nous aimons : super-héros à la double vie, fidèle majordome - un Albert qui évoque irrésistiblement, non au physique mais au psychologique un certain Alfred -, policiers et arsouilles, génie du mal, il ne nous manque que l'ingénue fiancée mais je ne doute pas qu'elle n'arrive dans un prochain épisode car l'auteur a bien intégré pour mieux les restituer tous les codes d'écriture et de narration de l'époque, avec un style alerte. Ma seule remarque sera qu'il sera nécessaire de bien relire le prochain épisode car il reste de rares coquille étranges comme ce malheureux Paul Féval qui est devenu "Favre" (?) p. 6 ou Gibson qui devient "Gibbons" p. 95 sans compter la féminisation de Johan Héliot (Joan p. 96) ou les Editions TallEndier... Mais ce ne sont que des broutilles car ce petit livre se lit avec un immense plaisir et j'attends - je souhaite - avec impatience le volume suivant. Longue vie au Baron Noir !
Démons personnels de Stacia Kane

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