Voyage au temps de la Révolution française !
A l'occasion de la parution des Enfants de la Terreur, Johan Heliot a accepté de répondre à quelques questions.
Actusf : Votre dernier roman Les Enfants de la Terreur, vient de paraître chez L’Atalante. Comment est-il né ?
Johan Heliot : Par la volonté d’explorer une période de l’Histoire rarement traitée par les genres de l’imaginaire, après m’être frotté au Grand Siècle chez Mnémos (Trilogie du Soleil), à savoir la Révolution, et plus particulièrement ces quelques mois de Terreur (ça en fait des majuscules, soudain, tout ça !) qui sont devenus chez moi plusieurs années – nous sommes à la toute fin du XVIIIème siècle dans le roman… J’en profite ici pour remercier Mireille Rivalland de s’être rapidement enthousiasmée sur ce projet, présenté en quelques mots, et de m’avoir fait confiance !
Actusf : Pourriez-vous nous en dire quelques mots ?
Johan Heliot : Il s’agit d’un thriller uchronique qui voit se rencontrer deux enquêteurs hors norme, le citoyen Louis Sade, ex-marquis, littérateur autrefois sulfureux et longtemps embastillé, et une certaine Geneviève Déon, ex-chevalier, ex-espion du Secret de Louis XV, duelliste d’exception… Ces deux-là formeront un duo empruntant autant à Holmes-Watson qu’à Bouvard et Pécuchet. Ils se lanceront sur la piste du ou des assassins d’enfants de gueux parisiens dont les disparitions indiffèrent une population préoccupée par sa survie – la famine sévit, l’économie est toute entière conditionnée par le terrible effort de guerre d’une nation entourée d’ennemis (Napoléon, lui, conquiert pendant ce temps-là l’Angleterre !). Paris et la France vivent sous le joug d’une sanglante dictature, Robespierre, toujours vivant, se cache, tandis que l’inquiétant Fouché tire les ficelles dans l’ombre…
Actusf : Dans ce récit, on découvre les aventures du marquis de Sade et du chevalier d’Éon qui forment un duo assez atypique. Pourquoi avoir choisi ces deux-là ? Qu’est-ce qui vous a inspiré chez ces personnages ? En quoi est-ce différent d'écrire un personnage qui a déjà existé par rapport à un personnage inventé de toutes pièces ?
Johan Heliot : L’Histoire offre le plus souvent « clé en main » d’incroyables figures romanesques, impossibles à inventer ! C’est le cas avec celles-là. Sade est pour moi le champion authentique de la liberté la plus absolue (un paradoxe pour quelqu’un emprisonné un tiers de sa vie !) : d’expression et de pensée, d’une modernité à faire encore aujourd’hui rougir plus d’un citoyen ou d’un politique, car il s’élevait contre la peine de mort, clamait l’inexistence de Dieu et autres joyeuses prises de position (sans connotation sexuelle ici, au contraire d’une partie de son œuvre littéraire !) qui auraient dû lui coûter la vie à l’époque. Quand un Voltaire, un Montesquieu ou n’importe quel autre philosophe des Lumières vivait en grand bourgeois, dans le confort, et savait jusqu’où ne pas aller trop loin pour ne pas déplaire au pouvoir, Sade, lui, confondait sa vie à ses engagements, il en a payé le prix fort… Déon, elle ou lui (c’est selon), fut un brillant espion, épéiste sans égal, qui subit l’humiliation de la part du pouvoir royal, dans l’exil imposé en Angleterre. Souhaitant revenir en France, on lui interdit d’y porter l’habit d’homme. Autant « people » que sujet de moqueries, il/elle a souffert d’une situation dont elle/il a par ailleurs tiré certains avantages. Esprit fin, prosateur, grand collectionneur de livres, le chevalier a échoué à convaincre les Révolutionnaires arrivés au pouvoir de l’autoriser à mettre ses multiples talents à leur service… Je lui donne, en fiction, l’occasion de se venger !
Actusf : C’est loin d’être la première fois que vous vous frottez à l’uchronie. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce genre ? Vous permet-il d’explorer des sujets qui vous tiennent à cœur ? Comment choisissez-vous vos points de bascule ?
Johan Heliot : Avant même le sujet, ce sont les personnages qui me motivent, voire les époques où ils évoluent. Le point de bascule finit par s’imposer de lui-même en consultant la documentation. Ici, la nuit du 9 Thermidor qui a vu l’arrestation de Robespierre, suivie de son exécution… J’ai trouvé le moyen de lui éviter l’échafaud en impliquant Sade, ce qui aurait vraiment pu avoir lieu car, et c’est là que la véritable Histoire dépasse l’imagination, le marquis a fréquenté la même section révolutionnaire parisienne que l’Incorruptible (celle des Piques) et ils se connaissaient donc, se sont croisés sur les bancs de la Convention… Ne me restait plus qu’à nouer ces ficelles dans mon intrigue.
A noter qu’à la différence de mes autres uchronies, celle-ci n’implique aucun élément de SF à part cette divergence – pas d’extra-terrestre, pas de vaisseau spatial, rien de tout ça ! De l’Histoire, rien que de l’Histoire (et un peu de fiction empruntée au père Hugo, puisqu’un certain Thénardier fait une apparition à un moment !).
Actusf : Pour Les Enfants de la Terreur, comment avez-vous travaillé ? Avez-vous du faire beaucoup de recherches sur l’époque ou tout simplement sur vos deux célèbres héros ?
Johan Heliot : Un peu des deux. Quelques ouvrages sur la période, pas mal de correspondances de Sade et de textes écrits par Déon pour me couler dans leur manière d’être et de penser, en plus de leurs biographies, évidemment.
Actusf : Savez-vous déjà sur quelle période de l’histoire vous souhaiteriez vous pencher ensuite ?
Johan Heliot : Pas encore, non… Encore que, j’ai quelque chose sur le feu autour de la Grande guerre et… les super-héros ! Et que sortira au mois de septembre chez Critic une sorte d’uchronie autour de Léonard de Vinci, du chevalier Bayard et quelques autres (« La Fureur des siècles »), mais c’est une autre histoire !
Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ? Avez-vous un ou plusieurs projets en cours ?
Johan Heliot : Essentiellement des projets jeunesse, séries en cours (Ours, chez Auzou) ou à venir, ou projets one-shot (dont un « steampunk » chez Fleurus), et quelques autres choses en cours de réflexion et/ou de négociations…
Actusf : Où pourra-t-on vous retrouver dans les mois à venir ?
Johan Heliot : Au Salon du Livre de Paris, aux Imaginales d’Epinal, à Aurillac chez l’ami Marcastel, aux Aventuriales et j’en oublie sûrement…
Actusf : Enfin, auriez-vous trois romans uchroniques à nous recommander ? Et pour quelles raisons ?
Johan Heliot : Fatherland, de Robert Harris, Roma Aeterna de Robert Silverberg et Les Temps ultramodernes de Robert, non, Laurent Genefort, parce que ce sont trois bijoux, voire chefs-d’œuvre, à autant d’époques différentes !