Avec seulement et une demi-douzaine de nouvelles parues, Kenneth Harker est loin d’être l’auteur britannique le plus connu. Il l’est d’autant moins en France que son seul roman traduit, Les fleurs de février, a été publié au début des années soixante-dix et jamais repris. Quelques chroniques glanées sur le net, pas très prometteuses, ne contribuent certainement pas à s’intéresser à ses œuvres et il semblerait, selon les sources disponibles, qu’il ait rapidement abandonné l’écriture, préférant à la vie d'artiste la sécurité d’un emploi de technicien en isolation sonore et thermique. La curiosité étant néanmoins l’énergie propulsant tous les mois le vaisseau des archives d’ActuSF, il était impensable de ne pas tenter d’en savoir un peu plus…
Des inconvénients du refroidissement climatique…
Depuis l’envoi en orbite de particules cristallines, la situation sur Terre s’aggrave de jour en jour. Un épais anneau entoure notre planète et la refroidit, les réserves alimentaires diminuent à mesure qu’augmente la population mondiale, et les tentatives pour y remédier se montrent plus nocives qu’efficaces comme en témoignent les lois sur le contrôle des naissances et une forme d’eugénisme censée améliorer la résistance de nos descendants. Après l’abandon de ces mesures, soupçonnées d’entraîner une stérilité générale, on assiste à un rebond inattendu de la natalité. Dans ce contexte, le Ministère des Affaires Interplanétaires et le Conseil du Ravitaillement se déchirent pour l’obtention des crédits nécessaires à la réalisation de leurs projets respectifs : envoyer la population excédentaire coloniser Mars à l’aide d’une gigantesque Forteresse Spatiale, ou développer la culture d’un crocus comestible, résistant au froid, et dont l’existence est encore théorique… S’ajoutent à cela une pandémie mortelle, une invasion végétale inexpliquée, des messages d’origine extra-terrestre impossibles à déchiffrer…
Dites-le avec des fleurs…
L’univers dessiné par Les fleurs de février est incontestablement intéressant, mais il reste malheureusement loin des chefs d’œuvres dystopiques de John Brunner, l’indépassable Tous à Zanzibar en tête. Le roman de Kenneth Harker n’en mérite pas moins une bonne place sur la liste des histoires de végétaux hostiles, l’un des thèmes méconnus de la SF. Sans aller jusqu’à l’anthropocentrisme de l’invasion des Triffides de John Wyndham ou d’Audrey, la plante carnivore de La petite boutique des horreurs, les fleurs bleues de notre roman présentent une menace assez sérieuse pour procurer un réel plaisir de lecture. Dans un autre domaine, la pandémie qui décime l’humanité au fil des pages ne manquera pas d’apporter un surcroit d’intérêt aux lecteurs de nos années vingt. Il est des livres qui se démodent et d’autres, plus rares, que l’on voit se bonifier à mesure que l’histoire de l’humanité en confirme les intuitions… Rien que pour cette raison, il est intéressant (et effrayant) d’observer, une fois de plus, à quel point les pires cauchemars imaginés par les auteurs des décennies précédentes deviennent peu à peu notre réalité. Changement climatique, surpopulation, pandémie, luttes de pouvoir, expansion spatiale et technologique incontrôlables font de ces Fleurs de février un roman finalement bien plus intéressant que prévu...