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Les Moutons Electriques fêtent leurs 15 ans !
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Les Moutons Electriques fêtent leurs 15 ans !

En 2019, la maison d'édition Les Moutons Électriques souffle ses 15 bougies.
A cette occasion, André-François Ruaud, son fondateur, revient sur sa création.

Actusf : En 2019, les éditions Les Moutons électriques ont 15 ans. Pouvez-vous s’il vous plaît nous dire en un mot comment l’aventure a commencé ? Imaginiez-vous, il y a 15 ans, arriver où vous en êtes aujourd’hui ?

André-François Ruaud : Sincèrement, je ne sais pas, ou plus, ce que je m’imaginais il y a 15 ans… Comme le dit bien notre confrère des éditions Do : « On a beau savoir que cela va être très difficile, qu’on a de très bonnes chances de ne jamais décoller, que si on décolle on a des chances meilleures encore de se rater à l’atterrissage, on a beau savoir tout cela, on y va quand même. » Ancien libraire, je voulais changer d’activité tout en restant dans le livre, j’avais donc créé cette maison avec Patrice Duvic, un grand directeur littéraire parisien (la collection « Pocket Terreur » c’était lui, par exemple), et plein, mais alors plein, d’autres amis, graphistes, écrivains, traducteurs, lecteurs… L’idée était assez simple : faire en sorte que je puisse gagner ma vie tout en publiant de la science-fiction, de la fantasy, du roman policier, bref des « littératures de genre ». Et c’est ce que nous avons fait, n’est-ce pas ? Avec en permanence cette ligne de crête : la passion pour l’imaginaire et la culture « geek ».

Actusf : Aujourd’hui, combien de titres sont au catalogue des Moutons ? Cela représente combien d’auteurs ?

André-François Ruaud : Il n’est pas si facile de compter… En nombre de titres, la dernière fois que j’ai regardé on était à 365 volumes. Les auteurs ? Une bonne centaine, juste pour les auteurs d’un volume, sans compter toutes les nouvelles, les traductions, les articles, les illustrations…

Actusf : Est-ce que votre ligne éditoriale a évolué ? Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

"Ce qui n’a pas changé, finalement, c’est à la fois notre attachement à des textes de qualité, et l’idée selon laquelle lorsqu’on est un petit éditeur indépendant, il ne faut porter que des livres que l’on aime, vraiment."

André-François Ruaud : Une ligne éditoriale ne cesse d’évoluer, de se métamorphoser, au fil des envies et du contexte, et c’est donc notre cas. Un autre éditeur, Le Sonneur, l’a très bien exprimé : « Bien souvent, le sens d’une maison n’apparaît, y compris à ses fondateurs, qu’avec le temps ». Ainsi avons-nous débuté avec en collection principale « La Bibliothèque rouge », qui réunissait des essais biographiques sur la littérature policière et populaire ; le diffuseur que nous venons de quitter ne parvenant pas à bien vendre cette collection, laquelle avait pourtant très bien marché auparavant, nous l’avons interrompue. Entre temps, nous avions développé la « Bibliothèque voltaïque », pour les romans des littératures de l’imaginaire, et rapidement nous nous sommes orientés vers une spécialisation de création d’œuvres francophones originales. De même, la « Bibliothèque des Miroirs » était une collection d’essais sur les importants aspects et les thématiques de la « culture geek », nous la redéveloppons maintenant sous la forme de beaux livres grand format en couleur. Ce qui n’a pas changé, finalement, c’est à la fois notre attachement à des textes de qualité, et l’idée selon laquelle lorsqu’on est un petit éditeur indépendant, il ne faut porter que des livres que l’on aime, vraiment.

Actusf : Quel bilan tirez-vous de ces 15 ans ? Qu’est-ce qui a changé dans le monde l’édition de l’imaginaire sur cette période ?

"Alors, on lutte, on ne se laisse pas faire : l’initiative du « Mois de l’imaginaire » va dans ce sens, celle du collectif éditorial des Indés de l’imaginaire (avec ActuSF et Mnémos) également, celle du partenariat étroit avec une autre petite maison, Moltinus (Les Saisons de l’étrange, le Rayon Vert) aussi."

André-François Ruaud : J’ai le sentiment que tout a changé, dans le sens d’un étrécissement, d’un durcissement du métier. Allez, tenez, je cite encore un confrère, les éditions Le Temps qu’il fait : « Assumant pleinement leur statut de petit éditeur, elles poursuivent […], non sans faire, avec plusieurs autres, ce constat quelque peu désabusé : le rétrécissement de leur rôle (poisson-pilote ou voiture-balai), la raréfaction des grands lecteurs, l’accroissement des coûts réels de diffusion, la diminution de la reconnaissance médiatique ne sont que les symptômes apparents d’un profond bouleversement de la vie du livre — dont il incombe à chaque acteur, de l’auteur au lecteur en passant par tous les médiateurs possibles, de retarder la déconfiture, avec acharnement. » Alors, on lutte, on ne se laisse pas faire : l’initiative du « Mois de l’imaginaire » va dans ce sens, celle du collectif éditorial des Indés de l’imaginaire (avec ActuSF et Mnémos) également, celle du partenariat étroit avec une autre petite maison, Moltinus (Les Saisons de l’étrange, le Rayon Vert) aussi. À plusieurs, on est plus forts, sans rien lâcher de notre indépendance.

Actusf : Pouvez-vous nous présenter vos toutes dernières publications ? Je pense notamment à Astar Mara.

André-François Ruaud : Astar Mara, sous-titré « les chemins d’eau », c’est le deuxième roman que Brice Tarvel nous écrit : il s’agit d’un vieux routard de l’écriture, un écrivain solide, talentueux, qui n’a pas assez souvent eu l’exposition qu’il mérite, nous semble-t-il. Et tenez, aujourd’hui j’ai décidément plutôt envie de citer les autres… Un lecteur vient juste d’écrire d’Astar Mara, sur Facebook, que « tout amateur de fantastique — avec une touche de SF post-apocalyptique — doit à tout prix lire ce roman d’aventures marines vraiment époustouflant par son inventivité, son style de narration, sa galerie de personnages et de décors incroyables... » Voilà le bonheur de notre métier d’éditeur : créer de l’enthousiasme et de la beauté !

Actusf : Sur quels critères vous basez-vous pour choisir les manuscrits à publier ? Comment se fait le choix final ?

André-François Ruaud : Nous travaillons essentiellement sur commande et par réseau. En 15 ans, nous n’avons retenus que 6 manuscrits « sauvages », il nous semble donc bien plus intéressant et prudent d’accompagner un certain nombre d’auteurs, de provoquer des « naissances » de romanciers (voyez par exemple Alex Nikolavitch, qui était scénariste et essayiste avant que nous lui soufflions de se frotter au roman), de rester aux aguets de nouveaux talents émergents, de discuter avec des auteurs pour savoir s’ils pourraient s’emparer de tel ou tel thème qui nous plairait… Quant au choix final, il est bien simple : après tant d’années, nous avons réalisé qu’à chaque fois que nous avons un tant soit peu hésité sur un texte, il nous fallait le refuser.

Actusf : Les Moutons Électriques se distingue par une charte graphique soignée et originale. Pouvez-vous nous dire comment vous avez mené cette réflexion avec Melchior Ascaride et en quoi elle reflète l’esprit de la maison ?

[...] la rencontre avec Melchior Ascaride a été plus loin qu’une « simple » relation de commande graphique, ce fut véritablement la rencontre avec une esthétique, avec une approche des livres qui nous convenait idéalement."

André-François Ruaud : Nous avions déjà travaillé avec deux graphistes talentueux, Daylon et Sébastien Hayez, mais la rencontre avec Melchior Ascaride a été plus loin qu’une « simple » relation de commande graphique, ce fut véritablement la rencontre avec une esthétique, avec une approche des livres qui nous convenait idéalement. Au point que désormais je codirige les Moutons électriques non seulement avec mon adjoint, Mérédith Debaque, mais aussi avec Melchior Ascaride. Nous discutons de tout, il y a une sensibilité globale, le dedans (texte) et le dehors (couverture) vont de pair, l’habillage graphique intérieur participe d’un livre, aussi, et avec la « Bibliothèque dessinée » (la collection lancée avec Tout au milieu du monde) le dessin se met même à dialoguer intimement avec les mots.

Actusf : Quels sont vos projets en cours et à venir ?

André-François Ruaud : Notre changement de diffuseur (nous entrons chez MDS au 1er octobre) nous apporte une grande bouffée d’air frais, l’impression de pouvoir de nouveau imaginer notre propre avenir. Par conséquent, nous travaillons sur pas mal de projets de beaux livres (celtes, vikings, super-héros, pulps, space opera, etc.) ; nous allons essayer de revenir un peu plus en science-fiction (après nous être beaucoup orientés sur la fantasy) ; nous relancerons la collection « Artbooks féeriques » à la fin 2020 ; nous lancerons officiellement la « Bibliothèque dessinée » en janvier 2020 et avons 4 nouveautés à sortir dans cette collection sur l’année… Bref, ça bouillonne, ça bouillonne !

Actusf : Quels seront les temps forts de cette fin 2019 pour la maison d’édition (salons, rencontres, nouveaux auteurs…) ? Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?

André-François Ruaud : Trois grands rendez-vous : tout d’abord, la soirée d’anniversaire à Bordeaux, le jeudi 3 octobre à la librairie La Zone du Dehors, à partir de 18 h 30 (venez !) ; ensuite, le Salon Fantastique, à Paris, où signeront Melchior Ascaride, Nelly Chadour, Simon Sanahujas, Gwenn Dubourthoumieu, Jean-Philippe Depotte, Victor Lopez, Julie Proust Tanguy, Alex Nikolavitch et Nicolas Texier ; et puis, les traditionnelles Rencontres de Sèvres, où seront Nicolas Texier, Alex Nikolavitch, Julie Proust Tanguy, Brice Tarvel, Francis Saint-Martin, André-François Ruaud, Christine Luce, Melchior Ascaride, Nelly Chadour, Jean-Philippe Depotte, Cat Merry Lishi et Olav Koulikov.

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