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Les Pépites de l'imaginaire : Opération Jabberwock de Nicolas Texier
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Les Pépites de l'imaginaire : Opération Jabberwock de Nicolas Texier

A l'occasion de la parution des Pépites de l'Imaginaire 2019, découvrez une interview de Nicolas Texier, auteur d'Opération Jabberwock, second tome de Monts et Merveilles, à paraître le 7 février aux Moutons Électriques.

De plus Nicolas Texier sera à la Dimension Fantastique le 23 février prochain en compagnie de Thibaud Latil-Nicolas (Chevauche-Brumes - Mnémos) et Colin Heine (La Forêt des araignées tristes - Actusf).

Actusf : Quel a été l’idée à l’origine de cette nouvelle aventure de l’enchanteur Carroll Mac Mael Muad ?

Nicolas Texier : Après une première aventure dans laquelle les protagonistes avaient été embarqués un peu sans le vouloir, l’idée était qu’ils soient eux-mêmes à l’origine de la quête dans laquelle ils se lancent. Or dans le premier volume, Carroll a l’occasion de dialoguer avec les fantômes de ses parents, disparus dans son enfance, et d’apprendre que leur décès au cours d’un naufrage n’est sans doute pas accidentel comme il l’avait toujours cru. Il retourne donc dans la demeure familiale, sous le prétexte d’obtenir le consentement de son oncle pour son mariage, mais en profite pour mener des recherches. Un vieil automate enchanté par son père, retrouvé dans le grenier, lui apprend qu’ils s’étaient lancés dans une quête, avant d’y renoncer à sa naissance compte tenu des risques, mais qui semble avoir fini par les rattraper, alors que Carroll était encore enfant. Ayant enfin appris la vérité, il décide alors de reprendre le flambeau, d’autant que cette quête concerne un objet qui peut s’avérer crucial pour l’avenir de son pays dans la guerre qui s’annonce entre les Alliés franco-britanniques et le Nouvel Empire romain germanique.

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur ce deuxième tome de Monts et Merveilles ?

"J’ai eu envie d’une histoire qui se déroule aux États-Unis. D’abord parce que c’est un territoire qui transporte énormément de mythes dans l’imaginaire occidental, tout en étant une terre d’élection pour différentes littératures de genre, comme le polar, le récit à la Lovecraft ou le western."

Nicolas Texier : J’ai eu envie d’une histoire qui se déroule aux États-Unis. D’abord parce que c’est un territoire qui transporte énormément de mythes dans l’imaginaire occidental, tout en étant une terre d’élection pour différentes littératures de genre, comme le polar, le récit à la Lovecraft ou le western. Ensuite parce que je me suis toujours beaucoup intéressé aux sociétés amérindiennes. L’histoire s’est donc naturellement construite ainsi autour de trois pôles. Une partie dans le Providence des années 1930, dans un récit horrifique dont on n’aura pas de mal à trouver l’origine. Une deuxième partie dans un Chicago gothique et corrompu, dans une ambiance un peu à la Gotham, entre le polar « hard-boiled » et le récit fantastique. Enfin une dernière partie dans les Grandes Plaines, dans la ville de Deadwood, puis dans les territoires sioux et cheyennes, où le western rejoint l’épopée arthurienne. Tous ces éléments se sont conjugués très facilement, et manipuler toute cette matière généreuse a été pour moi un vrai bonheur.

Actusf : Vous avez créé de nombreux personnages dont votre héros. Ont-ils tous suivis la route que vous leurs aviez tracé ou certains vous ont-ils surpris ?

Nicolas Texier : Disons que je connais suffisamment bien les deux personnages principaux (puisque Carroll partage l’affiche avec Julius Khool, le narrateur de leur histoire et qui est bien plus qu’un sidekick) pour qu’ils ne m’aient pas pris au dépourvu. En revanche, des personnages secondaires (comme le couple que forment une fille naïve et morte-vivante, et un jeune cowboy défiguré) se sont révélés beaucoup plus marquants que je n’avais pensé, et ont acquis une densité qui ont amené des modifications, mais aussi beaucoup de richesses au récit.

Actusf : Votre héros est un personnage plein de ressources, un quasi super héros, puisqu’il doit sauver le monde de la guerre. Pouvez-vous nous parler un peu de lui ? A-t-il évolué dans cette nouvelle aventure ?

Nicolas Texier : En ce qui concerne Carroll, oui, il évolue très nettement. Pour la première fois, le jeune apprenti sorcier insouciant qu’il était, décide d’accomplir quelque chose par lui-même. Et il va se révéler très opiniâtre dans la poursuite de sa quête, quitte à mettre des tiers en danger, et peut-être plus par orgueil que par patriotisme, parce qu’il conserve néanmoins quelque chose d’un peu adolescent. Il ira même jusqu’à consentir à des sacrifices importants, puisque, sans trop dévoiler l’intrigue, il devra abandonner son identité dans un marché conclu avec un spectre.
Le jeune garçon irresponsable qu’il était assumera ainsi progressivement sa vocation, à laquelle il n’avait pas vraiment adhéré jusque-là, parce qu’elle était associée pour lui à son oncle acariâtre, aux secrets de sa famille et à l’obligation qu’il aurait un jour d’aller s’enterrer au fin fond de l’Irlande pour reprendre la charge familiale d’enchanteur. Sa pratique reste en revanche encore très hésitante, parce que même s’il se montre doué, il est resté mauvais élève et ne dispose que de capacités très limitées, qui sont loin de faire de lui un superhéros ! Sans le soutien du vieux soldat qu’est Julius Khool, il aurait échoué très rapidement. L’association de l’apprenti sorcier et du maître d’armes se révèle en revanche assez performante…

Actusf : Avec Monts et Merveilles, vous vous êtes lancé dans une véritable fresque uchronique. Il y a une raison en particulier ? Est-ce un genre qui vous permet de vous exprimer plus facilement ? D’aborder des sujets qui vous tiennent à cœur ?

"L’uchronie permet également de ne pas faire l’impasse sur l’aspect politique des choses, en mettant par exemple en scène une société britannique qui, imprégnée de magie druidique, se révèle également très conservatrice, fortement hiérarchisée et particulièrement rétive à la modernité."

Nicolas Texier : Je me sens surtout plus à l’aise dans une uchronie se déroulant dans les années 1930, parce que l’univers mental est plus proche de nous, et que cela correspond à une période qui m’a toujours intéressé. Si j’avais voulu mettre en scène un univers médiéval-fantastique, je me serais senti obligé de retourner aux sources de l’esprit médiéval, de mettre en scène des mentalités qui sont très éloignées des nôtres et de travailler sur des enjeux qui sont également très exotiques, dès que l’on dépasse les simples enjeux de survie ou de pouvoir. L’uchronie permet également de ne pas faire l’impasse sur l’aspect politique des choses, en mettant par exemple en scène une société britannique qui, imprégnée de magie druidique, se révèle également très conservatrice, fortement hiérarchisée et particulièrement rétive à la modernité. Cela permet aussi de doter les antagonistes (ici, un Nouvel Empire romain germanique) d’une doctrine cohérente, le matérialisme, qui s’oppose à la société britannique non seulement pour des questions de géopolitique, mais également philosophique ou, disons, politique, en faveur du progrès technique et d’une société plus égalitaire.
Placer le roman dans les années 1930 permet également d’évoquer les difficultés de nos sociétés contemporaines, pour ce qui est en tout cas des périls du progrès technique que représentent la pollution ou les armes de destruction massive.

Actusf : Monts et Merveilles, c’est de l’uchronie mais aussi du merveilleux. Qu’est-ce qui vous plaît dans ce mélange ?

"Monts et Merveilles est un cycle sur l’enchantement, dans tous les sens du terme. Il était donc indispensable que cela prenne place dans un univers où le merveilleux est présent, sous la forme d’une magie discrète, de lieux magiques et de créatures fabuleuses."

Nicolas Texier : Monts et Merveilles est un cycle sur l’enchantement, dans tous les sens du terme. Il était donc indispensable que cela prenne place dans un univers où le merveilleux est présent, sous la forme d’une magie discrète, de lieux magiques et de créatures fabuleuses. Cela correspond aussi à une envie très ancienne de construire un récit d’aventure, ce qui n’aurait pas été possible sans les ressorts narratifs qu’offre le merveilleux, en termes d’enjeux comme de péripéties. Et puis je crois que j’aime particulièrement ce domaine, tout simplement, parce que le merveilleux offre des personnages hauts en couleurs ou des scènes riches et amusantes, comme lorsqu’il s’agit d’une partie de poker avec des squelettes de la mafia, une bagarre sur le toit d’un train avec un marshal revenu d’entre les morts, ou d’un voyage dans les terres des légendes indiennes.

Actusf : Quand vous avez construit l’univers de Monts et Merveilles, vous vous êtes senti plus architecte ou jardinier ?

Nicolas Texier : Les deux, je crois. Il y a tout d’abord un gros travail pour construire l’architecture et la mécanique de l’intrigue, le « système des causalités du récit », pour être un peu technique. Je suis très sensible à la vraisemblance des situations comme des motivations des personnages, et donc cela demande beaucoup de réglages, en termes de rythme, de situations, de personnages et de péripéties. Le travail de jardinier vient ensuite, en cours de rédaction, dans la rédaction de petits moments d’enchantements ou de morceaux de bravoure que le récit va offrir, un peu comme un jardin offre des agencements enchanteurs ou de belles perspectives.

Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Nicolas Texier : Je viens de terminer une édition revue et corrigée d’Opération Sabines, pour la souscription Financez le Futur ! des Moutons électriques. Cela m’a permis de gommer certaines imperfections du récit, et d’ajouter une nouvelle, parue dans Carbone no 2, dont Julius Khool est toujours le narrateur et qui me tient particulièrement à cœur. Et puis j’ai commencé à écrire le troisième volume de Monts et Merveilles, qui verra la conclusion du cycle. Mais je songe aussi à plein de projets différents, que ce soit en imaginaire ou en littérature générale. Peut-être quelque chose pour les Saisons de l’Étrange. Peut-être un récit prolongeant Monts et Merveilles, mais dans les années 1960, entre le mouvement hippie, la lutte pour les droits civiques et la guerre du Vietnam. Peut-être et sans doute d’autres choses encore. Le temps manque, malheureusement…

Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?

Nicolas Texier : Le lancement des « Pépites de l’Imaginaire » aura lieu le 23 février à la librairie La Dimension Fantastique, à Paris. Je serai aussi aux Imaginales de mai à Épinal. J’imagine aussi qu’il y aura d’autres salons à venir…

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