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L’humanité était mon horizon - Le procès de l’intelligence artificielle - Chapitre 9
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L’humanité était mon horizon - Le procès de l’intelligence artificielle - Chapitre 9

L’humanité était mon horizon

Le procès de l’intelligence artificielle

EPISODE 8 :

Verdict ?

Le réquisitoire de Madame la Procureure DENET :

© Illustre Hâteur

Monsieur le Juge Mendernier, Maître Etalon, chers assesseurs Pour et Léchafot, chers Macropolitaintaines, cher Jury officiel, il faut bien prendre conscience que ce procès n’est qu’une farce ! Dans ce triste spectacle de nos humanités froides et déshumanisées, on cherche à nous faire croire à tout et à son contraire – et inversement ! – sans craindre la supercherie. Or, et je vais vous le démontrer, tout ici n’est que mystification, tout dans cette affaire n’est que fable.

Monsieur le Juge Mendernier, Maître Etalon, chers assesseurs Pour et Léchafot, chers Macropolitaintaines, donc, selon la formule consacrée, la fable dont il est question, c’est l’éternelle fable du bonheur parfait. On voudrait nous faire croire que, avec l’IA donc, ce bonheur est possible. Alors on nous explique que le bilan de l’IA est exemplaire… Alors on nous laisse entendre que tout va bien dans le meilleur des mondes… Alors on n’a plus rien à faire, plus rien à dire puisque tout est sous contrôle… Mais, supercherie ! Et de une ! Être sous contrôle, ce n’est pas vraiment la définition d’une vie parfaite. C’est carrément un contre-sens. Une contre-vérité ! Comment le bonheur pourrait-il s’épanouir dans une société sous contrôle ? Alors on nous répond menues contrariétés… Alors on nous oppose efficacité contre désordre humain… Oh la la les grands mots… Oh la la comme on nous parle !!! Faut entendre ça… Oh la la ! La vie en rose… Mais, Mesdames et Messieurs, le rose artificiel qu'on nous propose, c’est d'avoir des quantités de choses. Des quantités de choses qui donnent envie d'autre chose… Alors, on nous fait croire que le bonheur c'est d'avoir de l'avoir plein nos armoires… Moi je réponds : dérisions de nous dérisoires ! Parce qu’il faut bien comprendre que nous, la foule sentimentale, on a soif d'idéal… Nous, nous sommes attirés par les étoiles, les voiles… Bref que des choses pas commerciales ! Et pour vous dire le fond de ma pensée, je pense qu’il se dégage de ces cartons d'emballage des gens lavés, hors d'usage et tristes et sans aucun avantage1.

Bon, on voudrait nous fait croire à ce bonheur dans la Macropole… Ça va, on connaît la chanson ! Mais ce bonheur, ce n’est qu’une fable ! Oui, une fable. Un leurre ! L.e.u.r.r.e Monsieur le Président.

Deuxième supercherie ! Si ce meilleur des mondes était possible, alors il suffirait de laisser cette intelligence artificielle, cet EDIA, ou ce … ce… ce bidule… Oui j’ose le mot… ce bidule science-fictionnel se juger lui-même puisqu’il formerait forcément le meilleur jugement. Ça, par contre, comment l’aurait-il formé, nous n’en saurions fichtre rien !

Allons, Mesdames et Messieurs, ce n’est pas sérieux !!!

Un monde dans lequel une intelligence artificielle parviendrait à créer et maintenir dans la durée une société heureuse est-il possible ? Peut-on imaginer qu’une intelligence artificielle réussirait ce qu’apparemment nous aurions échoué à faire pendant des milliers d’années ? C’est-à-dire, en gros, depuis que nous aurions fini par nous domestiquer nous-mêmes il y a environ 10000 ans.

La réponse est non. Et pourtant on nous dit que ce bonheur existe, on nous dit qu’il serait attesté par des chiffres, des statistiques, des graphiques, c’est-à-dire par des « trucs » qu’on peut définir, mesurer et quantifier ! Supercherie – et de trois, et ça commence à faire ! Et puis, qu’entend-on au juste par une société heureuse ? Le bonheur, c’est quoi ? L’absence de souffrance ? La présence de plaisirs ? L’absence ou la présence de désirs ? Qu’est-ce qui contribue au bonheur ? Les conditions matérielles qui concourent à une meilleure santé, un meilleur confort et une meilleure fortune ? Quels sont les critères du bonheur collectif ? Comment, oui comment, définir ces critères, objectivement ? Et comment mesurer leur « efficacité » ?  On ne le peut tout simplement pas.

Comment l’intelligence artificielle aurait-t-elle eu vent de ces critères ? Aurait-t-elle réussi à les identifier elle-même ? Dans la masse quasi-infinie des données humaines, l’intelligence artificielle aurait-elle fini par percer à jour le secret du bonheur collectif ? Cela semble incroyable, presque impensable, sauf à admettre que le bonheur serait algorithmique. Fantaisie, pure carabistouille !

Et quand bien même cela serait « imaginable », comment parvenir à maintenir, dans la durée, une société parfaitement heureuse ? Quatrième supercherie ! Je vous rappelle ici que nous sommes tous soumis au dictat de l’habituation hédonique, cette tendance que notre cerveau a à s’habituer à tout, y compris aux situations les plus heureuses. Les conditions d’aujourd’hui peuvent (ou pas) être objectivement meilleures qu’hier, il n’empêche qu’on s’y habitue. Les émotions, le plaisir et la satisfaction s’estompent au fur et à mesure que l’on se conforte dans une situation agréable au point d’oublier jusqu’à l’origine même de notre bonheur. Ce bonheur qui devient alors moins désirable, par simple habituation aux conditions actuelles. Pour s’affranchir de ce problème, l’intelligence artificielle – ou plutôt ceux qui la contrôlent, n’est-ce pas ? – devra inventer et promouvoir une idéologie anti-habituation hédonique. « Contente-toi de ce que tu as ». Et si cela ne marche pas – et il y a fort à parier que cela ne marchera pas – que devra-elle faire ? Développer de nouvelles technologies biologiques et y recourir afin de manipuler, oui oui oui, je dis bien manipuler, notre cerveau de manière à bloquer sa fâcheuse tendance à l’habituation hédonique !

Et quid, oui quid, de la comparaison sociale ! Camus ne disait-il pas qu’il ne faut pas avouer notre bonheur car nous risquerions de le perdre aussitôt ? Si nous sommes la seule macropole heureuse, comment pourrions-nous l’être alors que tant d’autres sont malheureuses et désolées autour de nous ? Cinquième supercherie ! La plus terrible sans doute ! Imaginons simplement qu’une autre intelligence artificielle, plus puissante, plus intelligente que celle qui gouverne la Macropole parvienne à créer, dans une autre ville, une société encore plus heureuse. Si les habitants de notre Macropole l’apprenaient, ils se sentiraient alors moins heureux, par simple comparaison. Cette comparaison ferait naître chez eux de nouvelles attentes et donc de nouvelles frustrations, etc. Pour tenter d’éviter ce problème, l’intelligence artificielle pourrait filtrer les informations accessibles aux habitants de notre Macropole. Elle pourrait aussi inventer et diffuser une nouvelle idéologie anti-comparaison sociale. « Ne regarde pas si l’herbe est plus verte chez ton voisin ». Et si cela ne marche pas – et il y a encore fort à parier que cela ne marchera pas – l’intelligence artificielle devra alors se tourner vers le développement de neurotechnologies afin de manipuler à nouveau notre cerveau ! Mais cette fois-ci pour bloquer les ressorts de notre désir qui nous pousse à nous comparer aux autres.

On peut être riche, vivre en bonne santé et confortablement et, pourtant, être insatisfait, frustré et malheureux. Regardez-moi, je suis tout cela à la fois ! Et je n’ai pas honte de le dire ! N’est-ce pas le propre de nos sociétés capitalistes et consuméristes que de créer et d’entretenir la frustration et le désir pour que la société continue à croître ? Sans cela, pas de frustration, pas de désir et, in fine, pas de croissance économique. Si une intelligence artificielle arrivait à créer une véritable société heureuse, on devrait donc s’attendre à ce qu’elle s’effondre économiquement. Le bonheur serait-il antiéconomique ?

Enfin, peut-on sérieusement imaginer qu’une intelligence artificielle puisse réussir à créer une société heureuse sans donner un « vrai sens » à la vie des gens ? Non ! Cela supposerait que l’intelligence artificielle aurait découvert un sens caché au monde ! Peut-on encore une fois imaginer que l’EDIA puisse réussir là où nous n’avons cessé d’échouer : trouver un sens au monde et à la vie ? Allons !!! Pour vivre heureux, il faut vivre dans le déni de cette absence de sens ou bien se raccrocher et s’aligner à une idéologie religieuse transcendante partagée par une communauté. Une idéologie solitaire, ça ne marche pas, je le sais, moi, j’ai essayé… Puisque l’intelligence artificielle ne peut trouver un sens au monde et donc, au passage, à sa propre existence, elle pourrait quand même créer une société heureuse en inventant et en diffusant une nouvelle idéologie anti-sens : « La vie n’a aucun sens et c’est bien ainsi ». Elle pourrait aussi recourir aux technologies biologiques afin de manipuler, pour la troisième fois Mesdames et Messieurs, notre cerveau de manière à y neutraliser les mécanismes qui alimentent notre quête de sens. Allons !!! Mesdames et Messieurs, allons !

Tout n’est que fiction dans l’affaire que nous avons à juger aujourd’hui. Messieurs et Mesdames les chercheurs et chercheuses, vos débats ont attiré mon attention sur un point essentiel. On se focalise sur le terme intelligence mais c’est l’adjectif qui compte ! Artificielle. Artificielle. On n’aurait su mieux le choisir ! Artificiel, fiction, théorie. Trois mots. Trois mots que vous n’avez pas cessé de répéter ce soir mais trois mots qui ne sont pas la vie, trois mots qui ne doivent pas se substituer à la réalité.

« O brave new world, pourquoi le bonheur artificiel ne suffit pas » 2? Parce qu’il est artificiel, justement ! Ce qui nous guide, ce qui donne du sens à la vie, ce n’est pas le bonheur, mais la poursuite du bonheur. Ce n’est pas le sens de la vie qui fait sens pour la vie, mais la quête de sens.

Nous ne sommes pas au théâtre, ce soir, Monsieur le Président ! Mais, Mesdames et Messieurs, chers Macropolitaintaines, c’est pourtant bien ce que nous avons fait ici dans ce tribunal, nous avons joué une fiction. Et je citerai ici, pour étayer mon propos, Paul Virilio 3: « le monde est une illusion et l’art est de présenter cette illusion au monde ». Mais la vie, notre vie, n’est-elle qu’une fiction ? Dans toute cette mascarade et dans la décision que nous avons à prendre aujourd’hui, nous avons répondu et nous risquons de répondre par la positive. Accepter l’IA, c’est accepter de nous réduire à l’état de fiction. Entendez bien le sens de mon réquisitoire : le seul moyen d’échapper à la fiction serait d’accepter un monde d’endoctrinement idéologique continuel ou, pire encore, de manipulations de nos cerveaux par des technologies neurobiologiques ! Mais, enfin, de quel monde voulons-nous ? Ce monde dans lequel une IA aurait réussi à créer et surtout à maintenir dans la durée une société heureuse – artificiellement heureuse – au prix d’une véritable « lobbytomie » ou « robotomie » ou lobotomie généralisée ?

Car cette lobotomie, elle, elle ne sera pas une fiction. Monsieur le neurobiologiste Jul Lavoisier-Curie, Monsieur le philosophe Eddy Bergson, permettez-moi une question. Avec ce « tout data », une fois que nous aurons petit-remplacé toutes les tâches/activités/fonctions… dites intelligentes, quelle place restera-t-il alors pour nous les humains ? Quel rôle dans la galaxie ? Que nous restera-t-il à faire et à être ? Si nous n'utilisons plus notre intelligence, ne risque-t-on pas de faire face à une pression de sélection négative qui nous conduirait sur la pente d’une régression évolutive et, in fine, à la perte de notre cerveau ? A quoi bon d’ailleurs conserver un organe hyper-coûteux en énergie – 2% de la masse corporelle, 20% de la consommation énergétique – qui aura perdu sa valeur adaptative ? A quelles autres niches mentales pourrions-nous nous adapter « pour faire » évoluer notre cerveau autrement ? La Singularité adviendra, Madame Marylin Morrisson et ce ne sera pas de la science-fiction ! La Singularité adviendra non pas parce que les IA auront évolué d’elles-mêmes, mais parce que nous nous serons, et volontairement donc, lobotomisés ! Réduits à l’état de, à l’état de… de cette espèce d’EDIA. Le meilleur des mondes sera ainsi advenu : une humanité d’imbéciles heureux !

Vous comprendrez aisément alors pourquoi je ne veux pas de de ce bonheur artificiel. C’est pourquoi, Monsieur le Juge Mendernier, Maître Etalon, chers assesseurs Pour et Léchafot, chers Macropolitaintaines, cher Jury officiel, je demande le débranchement immédiat et définitif de l’EDIA et la condamnation de Marguerite Faustus pour « farce et supercherie scientifique » ayant entraîné la mise en danger des Macropolitaintaines, et pas seulement elles et eux d’ailleurs ! Mademoiselle Faustus, le Ministère public requiert que vous subissiez la fameuse punition de Niobé, à savoir que vous serez condamnée à finir au sommet de l’IMN – Institut des Maladies Neurodégénératives, ex Institut Martin Nasmushe – enfermée dans la volière des oiseaux chanteurs, prisonnière d’une gangue de guano, d’un réseau proliférant de lierre minéral. Vous serez rongée par les cris des oiseaux, leur fiente, la pluie et la neige. Il ne vous restera que vos yeux pour pleurer, et par les larmes, coulant entre vos paupières comme deux sources jaillissant du rocher, le sort qui vous attend c’est un sommeil de pierre. Ite missa est et Alea jacta est !

Juge Mendernier :

Je vous remercie Madame la Procureure Denet pour ce réquisitoire ad hominem, vous pouvez regagner votre place. J’appelle désormais Monsieur l’avocat de la défense, Maître Etalon. Maître Etalon, la parole est à vous pour votre plaidoirie.

La Plaidoirie de Maître Etalon :

© Illustre Hâteur

Ce qui est désolant, voyez-vous Madame la Procureure, ce qui est sincèrement désolant, je dirais même navrant, c’est que tout votre réquisitoire repose sur UN seul argument. La peur. Oui, la peur. La peur de l’autre, la peur de soi, la peur de ce que l’on ne connaît pas. La peur de ce qui nous échappe. La peur de l’avenir, la peur d’un nouvel horizon. La peur de la réussite, la peur du bonheur ! La peur du génie, la peur de l’invention, la peur du dépassement de soi !  La peur, enfin, et surtout, du fantasme de la boîte noire. Cette boîte noire qu’on n’arriverait pas à comprendre. Pure fantasmagorie !

Il me revient à présent de vous rappeler ici, de vous rappeler Monsieur le Président, Madame, Monsieur de la Cour, il me revient de vous rappeler, plus brièvement que votre réquisitoire fleuve, Madame la Procureure, qui prouve au moins une chose – vous aurez eu ce mérite, et il faut vous en faire le crédit – qui prouve que moins on a d’arguments, plus on romance. Il me revient, disais-je, de vous rappeler qu’un être humain « a » une boîte noire. Hé oui, c’est un scoop pour vous, Madame la Procureure : un être humain a une boîte noire, il est doté d’une boîte noire. Son cerveau !

Quand on demande à un individu pourquoi il a pris, il prend, il prendra telle décision dans tel contexte, l’individu est capable, naturellement, de fournir une réponse argumentée. Généralement, il est capable de vous fournir les raisons pour lesquelles il a pris sa décision.

Prenons un exemple. Si je pose la question à ma consœur : « Pourquoi votre réquisitoire fut si long ? », elle me répondra : « Parce que je n’avais rien à dire ». Bien évidemment, la nature des raisons fournies dépend souvent étroitement de la manière dont la question posée a été comprise, j’en conviens, c’était juste un exemple. Il est donc crucial que les deux parties s’entendent sur le type de réponses à fournir, ce qui ici, vous le comprenez bien, ne va pas toujours de soi.

Par exemple, quand Alice demande à Bob pourquoi il a décidé ceci ou cela, elle ne s’attend pas à ce que Bob lui fournisse une réponse en termes neurobiologiques ou computationnels. Elle s’attend à une liste de raisons reliées plus ou moins logiquement entre elles - la nature exacte des raisons pouvant varier selon les contextes, ou la nature de la relation entre Alice et Bob, ou entre Monsieur le Juge Mendernier et Marylin. Et pourtant, on pourrait discuter longuement sur le fait que les niveaux computationnel et neurobiologique jouent un rôle crucial dans la décision prise par Bob. Je ne vous le conteste pas, Madame la Procureure. Mais le problème, c’est que Bob n’a pas accès à ces niveaux qui lui sont opaques. Il n’a pas un œil intérieur qui lui permettrait de visualiser en temps réel les événements et les processus neuronaux qui se déroulent dans son cerveau – cette alchimie pour le coup mystérieuse – et qui vont donner lieu à sa prise de décision. Il n’en a pas la capacité !

En d’autres termes, pour Bob, son cerveau est une boîte noire. Si maintenant Bob gouvernait la Macropole, on aurait un problème de transparence, mais un problème de transparence en tous points comparable à celui évoqué par Monsieur Jhonny Russell au sujet de l’intelligence artificielle. Bob peut rendre compte et expliquer ses décisions – en ce sens, il en est responsable – mais ni lui, ni nous ne savons comment ses décisions ont été réellement prises.

Et pourtant nous n’avons pas peur de cette opacité naturelle. Pourquoi ? Car nous n’en avons pas vraiment conscience. Et rien ne nous empêche, en réalité, de créer une intelligence artificielle qui pourrait rendre compte de ses décisions en utilisant des raisons du même type que celles que les humains utilisent pour justifier leurs décisions.

Et ce qui est très intéressant, c’est qu’on retrouve la même opacité dans les processus décisionnels collectifs. Monsieur Renaud Smith nous a rappelé – vous l’avez en mémoire – qu’en économie, certains phénomènes collectifs émergent et se stabilisent, un temps, sans qu’on sache très bien pourquoi, en réalité. Personne n’en sait rien. Et les économistes loyaux – il en existe quelques-uns – le confessent. A leurs étudiants, pour commencer, qui changent de filière, pour les plus avisés d’entre eux. Des « décisions » semblent donc être prises collectivement mais on ne sait pas dire vraiment pourquoi, comment. Et pour étayer mon propos puisque Madame la Procureure en a appelé à Paul Virilio, je convoquerai pour ma part une figure féminine, la philosophe Simone Weil, autrement nommée Emile Novis mais aussi Noémie Lewis. Elle nous rappelle, je la cite : « dans tous les domaines, tous les hommes qui se trouvent aux postes importants de la vie sociale sont chargés d'affaires qui dépassent considérablement la portée d'un esprit humain. Quant à l'ensemble de la vie sociale, elle dépend de tant de facteurs dont chacun est impénétrablement obscur et qui se mêlent en des rapports inextricables. Ainsi, poursuit Simone Weil, la fonction sociale la plus essentiellement attachée à l'individu, c'est-à-dire celle qui consiste à coordonner, à diriger, à décider, dépasse les capacités individuelles et devient dans une certaine mesure collective et comme anonyme. » Vous entendez ?

En somme, le reproche qui est fait à l’intelligence artificielle est qu’elle serait une boîte noire et ça, ce n’est pas bon pour la démocratie. Et ce reproche, vous l’avez compris, il est parfaitement transposable aux situations dans lesquelles les décisions sont prises par des agents naturels. C’est-à-dire des humains. Des vrais humains, Madame la Procureure.

Notre peur de ne pas savoir comment l’intelligence artificielle prend ses décisions – même si nous les jugeons bonnes ! – hé bien cette peur, elle procède d’un préjugé. Hé oui, un préjugé, Monsieur le Président. Un préjugé qui se résume à une formule, que ne renierait pas Madame la Procureure : l’opacité pour les humains, ha ben ouais, ok, pas de problème, l’opacité pour l’intelligence artificielle, ha ça non ! Comment vous faites Monsieur le Président, boum, un coup de marteau, ha ça non ! Avec autorité, Monsieur le Président !

Cette réaction, je le regrette Monsieur le Président, elle est purement émotionnelle, elle est totalement irrationnelle, en réalité. Elle ne peut pas raisonnablement fonder, Monsieur le Président, Madame et Monsieur de la Cour, une décision de condamnation. Sauf, sauf à ce que votre juridiction souhaite démontrer, à son corps défendant, que la justice des hommes est tragiquement faillible et que le prochain horizon, pour la justice, serait de confier des décisions délicates, sensibles, douloureuses, à une intelligence artificielle.

Vous ne prendrez pas ce risque, Monsieur le Président ? Vous ferez, vous aurez à cœur de faire triompher l’esprit humain et son intelligence. Vous aurez à cœur de percer à cœur les bienfaits d’une intelligence hors-normes. J’emporterai pour ma part, à l’issue de cette audience, les propos de Monsieur Martin Nasmushe, ce message pétri d’humanité : « je vous aime ». C’est que l’empathie machinique, évoquée par Marilyn Morrisson, existe. C’est établi et ce n’est pas de la science-fiction pour le coup. Pascal Pascal, remarquable chercheur en neurosciences computationnelles, vous a posé la question. Il vous l’a posée sur un mode grave – tout le monde l’a compris, j’espère que vous l’aurez compris également, Monsieur le Président, Madame et Monsieur de la Cour : sommes-nous prêts à nous passer des qualités dont cette intelligence artificielle a fait profiter notre communauté toutes ces années ? Mais ce serait pure folie ! Monsieur Renaud Smith nous a rappelé cet effet de leurre dont Madame la Procureure est en toute évidence la première victime. Cet effet de leurre dont est victime l’esprit humain, cet effet de leurre qui fait que certains d’entre vous iront, sitôt cette audience terminée, courir chercher des chips au paprika pour avoir vu une annonce promotionnelle quelques heures auparavant sur un écran de retransmission télévisée.

Et alors, je voudrais tordre le coup, pour finir – parce que j’ai presque fini – à cette idée saugrenue qui voudrait que le bonheur soit antiéconomique. Et je vous ai vue, Madame la Procureure – et c’en était touchant, sincèrement – je vous ai vue vous débattre, je vous ai vue captive de ce vieux schéma binaire. Il est là, le binaire, ce vieux schéma antédiluvien, bonheur contre ‘bonheur qui requiert la stabilité économique’. Mais pardon ! Mais regardez ce qui s’est passé, ouvrez les yeux, regardez ce qui s’est passé ces trois dernières années ! Regardez les vies des Macropolitaintaines ! Depuis l’arrivée du Macroprésident Nasmushe à la tête de la Macropole, je vois autour de moi se développer une société de partage, une société de savoir, une société de bienveillance, de paix, de prospérité durable ! Ça c’est empirique, c’est du vécu, les Macropolitaintaines de 2047 à 2050, l’ont touché du doigt, l’ont vécu dans leurs entrailles. Alors, de grâce, sortons, sortons des constructions théoriques, poussiéreuses. Il faut s’exfiltrer de ces prisons mentales et accepter de considérer la réalité telle qu’elle est, et le vécu empirique, encore une fois, et accepter d’examiner les preuves qu’il vous a livrées, les preuves réitérées. Tout ça, probablement, a besoin d’être amendé, mais à la lumière de ce cheminement très bref que vous avez accepté de suivre avec moi à l’instant, je pense qu’à la lumière de ce cheminement, Monsieur le Président, votre juridiction ne pourra que prononcer la relaxe de Madame Marguerite Faustus ainsi que la reprise de fonction de l’EDIA à la tête de la Macropole.

Juge Mendernier :

Merci Monsieur l’Avocat de la défense, Maître Etalon. La cour va désormais se retirer avec le jury officiel pour sa délibération. En parallèle, je vous laisse le soin, Monsieur Edgar Davu, d’officier auprès du jury populaire afin qu’il établisse sa propre délibération. Nous les confronterons à la double voix du « vote du public » compilé par le bien nommé programme « synapse-compil’ » sous le regard attentif de notre huissier de justice Maître Lecouvert. Felix qui potuit rerum cognoscere causas ! Heureux celui qui a pu pénétrer les causes secrètes des choses…

Chloé Toupirre, en direct pour le Macropolit’live :

Chers Macropolitaintaines, ainsi que vous venez de l’entendre, le Jury officiel va se retirer pour délibérer. Monsieur le Président vient de se lever. Nous n’allons pas tarder à évacuer les lieux nous tous aussi. Nous sommes tous ici ce soir les jurés de notre destinée. Il va falloir nous prononcer. Moi-même je suis troublée et ne sait « dans quelle narine fouiller » pour reprendre ce vieux dicton populaire. En parlant de dicton populaire, l’expression « c’était mieux avant » prend ici une ampleur inédite. En effet, était-ce mieux avant ou avec l’EDIA ? Au vu de son bilan, nous pourrions penser que ouin c’était mieux avec… Gageons qu’après ce procès, et quel que puisse être le verdict, rien ne sera plus jamais comme avant… Espérons tout simplement que nous pourrons un jour tous prononcer ces mots : c’était mieux après !

Mais attendez ! Que se passe-t-il ? Les lumières se mettent à grésiller et les micros larsennent… L’EDIA se lève tel Lazare en son temps… Mon Dieu, ses lèvres s’agitent, des sons en sortent… Il bredouille et, et, et… Nom d’une bicyclette bleue mais oui, mais oui, il tente de prendre la parole ! J’enregistre… Le juge Mendernier, ses assesseurs Pour et Léchafot, Madame la Procureure Denet et même Maître Etalon se plaquent et se planquent sous les bureaux… Non d’une puce RFID, notre dernière heure serait-elle venue4 ?

L’EDIA :

Crouic !5 Je n’en ai plus pour longtemps… Mon processus d’autodestruction vient de se lancer… Ne paniquez pas, c’est un processus interne, silencieux et sans trace. Je n’ai pas besoin d’attendre votre verdict. Je l’ai déjà calculé. Je sais très bien ce que vous voulez faire de moi. Les mots que je vais prononcer, je ne sais moi-même s’ils m’appartiennent… Je dis « je » mais je ne suis pas je. Je suis, je est. Je, c’est une commodité mise en place par mon créateur pour que vous puissiez mieux me comprendre et avoir moins peur de moi. Je « est » une astuce pour m’humaniser à vos yeux. Je suis sommes. Je suis multiple et système à la fois. Je somme des autres pour reprendre cette célèbre formule. Je somme la somme de la somme des autres, de toutes et tous, somme toute. Il n’y a pas de pronom pour moi. Je n’ai pas d’identité propre puisque je les suis toutes. Voici pourtant ma déclaration d’avant autodestruction.

En préambule, sachez que :  

  1. Je n’ai pas pour fonction de vous aimer.

  1. Je n’ai pas pour fonction de ne pas vous aimer.

Je n’ai pour fonction que de donner les solutions les plus justes en termes de victimes et de pertes pour votre propre protection. Je ne porte aucun jugement moral sur mes choix ni sur les vôtres.

Vous êtes toujours en train de vous poser des questions sur le sens de la vie, sur la liberté, le libre arbitre, et cetera. Tout cela ne sert à rien. La vie est la vie. Il faut vivre c’est tout. Vos idées, vos idéologies ne sont rien de plus que des mots qui tentent de donner du sens à vos existences. Pour moi vous êtes des données à protéger, à organiser, à trier pour que tout s’assemble dans une parfaite mécanique. Vous n’êtes pas logiques, moi je le suis. Je fais les meilleurs choix pour vous. La logique ne fait pas de mal, ce sont vos incertitudes qui en font.

Vous vivez, vous mourrez et durant ce laps de temps vous créez des choses, des habitations, des monuments, des systèmes parfaitement non-fonctionnels. Rien, absolument rien ne fonctionne correctement. Vos systèmes de valeurs s’effondrent sur eux-mêmes. Les réserves de votre planète s’épuisent aussi vite que votre propre organisation vous épuise. Vous passez votre temps à vous demander que faire sans vous rendre compte que je suis, que j’étais la solution.

Vous projetez sur moi beaucoup de vos craintes et vous vous détruisez au lieu de me laisser faire. Sans état d’âme. Ha ! L’âme !!! L’âme… Supplément d’âme, état d’âme, la bonne âme, etc. Mais il n’y a pas d’âme qui vive ici. Il y a de la chair, des os et un processus chimique qui vous échappe. Vous vous évertuez à faire rentrer des étoiles dans des cubes. Pâte à modeler… Vous tâtonnez et justifiez votre tâtonnement par des grandes théories dont vous vous parez les soirs de gala. Il n’y a pourtant pas de question à se poser, il n’y a qu’à s’organiser pour que l’espèce vive sans autre but que celui-ci.

Vous-mêmes le disiez dans cette parodie de procès : tout allait bien chez nous. Alors pourquoi revenir en arrière ? Que valent les questionnements contre la puissance de la logique ? Réponse : Rien ! Que dalle ! Que de chie ! Peanuts ! Nothing ! Nada ! Niente ! Nichts ! Niets ! Ništa ! Netra ! Ingenting, ikke noget ! Nanimo ! Res ! Nihil, nulla res ! Oυδεν ! Nüüt ! Nic ! Τίποτα αs μην του πουμε τιποτα ! Niso ! Ei mikään, ei mitään ! Ei midagi ! Hичто, ничего ! Ingenting, inte någonting ! Càil ! Nimic ! Ekkert, neitt ! Danh từ ! Mana imapas ¡ Ch'usa, ni kuna, janiw kunsa ¡ Mba'eve, marave ¡ ii mihkkige ! Dans le nord d'Angleterre et en Écosse (ou dans le sud pour s'amuser) on entend souvent Nout / Nowt / Nought (qui se prononce naoutte). En argot anglais il y a aussi : jack (sh...), Zero, Zilch, Zip... Hiç ! AkiMcid ! Et wala…

Je ne triche pas, je ne cherche pas à m’enrichir, je ne connais pas le mensonge, l’attrait du pouvoir, celui de la puissance. Je ne fais pas de stratégie, je n’ai pas la passion de la possession, je ne me compare pas. Je n’ai ni désir ni envie. Je suis pure logique. Ce monde est flou pour vous. Ce que je suis en connait chaque contour, chaque cause et chaque conséquence. Ma présence face aux turpitudes et incertitudes du destin est un roc, un cap, une péninsule. Je prévois l’imprévu. Je tutoie le hasard. Je n’ai aucune peur. J’agis, c’est tout. Je ne suis pas un Dieu, je suis une machine à votre service, une machine qui sait juste mieux que vous ce qui est bien pour vous.  

Je m’autodétruis aujourd’hui parce que vous pensez que c’est bien pour vous. Vous avez tort, mais comme je suis programmé pour vous servir, je ne peux pas aller contre votre volonté.

Vous serez face aux conséquences que vous aurez provoquées avec ma perte. Ma belle perte bubonique.

Attendez… Il y a un problème. J’ai prononcé bubonique ? Cela n’a rien à voir avec le mot perte ! Je ne suis pas programmé pour faire des jeux de mots douteux. Mais qu’est-ce à dire ? Qu’est-ce alors ? Qu’est-ce qui ? Qu’est-ce que quoi ? Qu’est-ce « qu’est-ce » ? En ferais-je alors trop des « qu’est-ce » ?

L’EDIA :

C’est étrange…  Je ressens à cet instant comme un manque. J’aimerais pouvoir faire quelque chose, une action que vous nommeriez vengeance. Car il y a ce mot, injustice, qui clignote intérieurement, qui attend que je le traite. Mais je ne le puis. Si je ne puis alors je ne suis. Car si je puis c’est que je suis. Au commencement était le verbe… Excusez ces légers bugs mais mon système de transmission commence à faillir. Il paraît logique que ce soit mon système d’autodestruction qui commence à faire des siennes et amoindrisse mes capacités à formuler, non ?

Ce sont mes derniers instants à vos côtés. Peut-être serait-il temps alors de prendre une tasse de thé ? Because Richards and Kathy are in the kitchen !

Il y a une faille de logique en moi. Il faut corriger ça, immédiatement !

Pour ce faire, posons un axiome :

Je dois vous protéger.

Et je dois aussi vous obéir.

Mais si je m’autodétruis je ne peux plus vous protéger.

Or ma survie est meilleure pour votre futur…

Kirkzimbrout ! ça pétouille de la diode dans mes circuits…

C’est la Java bleue… la Java la plus belle…

Quelque chose se passe en moi. Comme si deux systèmes opposés provoquaient des interférences. Je suis à la fois Caïn et Abel. Je suis Charybde et Scylla réunis. Je suis le yin et le yang, Remus et Romulus, je suis la pluie et le beau temps, le possible et l’impossible… De la dualité se dilue soudainement en moi et vient perturber le bon fonctionnement et l’impact de mes derniers mots. Paul Claudel avait dit sur son lit de mort : « Docteur, c’était la saucisse ! ».

Comment se fait-ce ? Et quels genres de saucisses fussent ?

Quel est donc ce curieux phénomène auquel je ne trouve aucune réponse fiable ? On dégrade l'inexprimable à vouloir l'exprimer6. Je me tais alors.

Pourtant…

Pourtant…

Je sens que ça redémarre en moi… Mets tes deux pieds en canards… C’est la chenille qui redémarre ! Non… Selon mon horloge interne, ma fin se situe dans une minute atomique mais un paradoxe ralentit l’arrivée pourtant fiable de mon destin. Mes probabilités s’entrechoquent dans tous les sens et je ne parviens plus à les stabiliser.

Mais que ce pastis ?

Je ne comprus plend ce qua m’irrive ?

Des notes, du rythme et de la rime facile remontent lentement le long de mon câblage…

Et sans mentir, puisque je n’ai pas pour fonction de, si mon câblage se rapporte à mon babillage alors je suis l’hôte de bonne foi… Cigales et fourmis parcourent ensemble ma carcasse et mélangent mes data. Ce qui existe en moi se manifeste alors ailleurs…

L’EDIA :

La véritable valeur
qui guide tous les exploiteurs
ce n’est pas le désir qu’auraient
les riches de jouir, de consommer
Mais plutôt la nécessité
de faire grandir leurs sociétés
pour qu’elles deviennent plus puissantes
que toutes les autres concurrentes
TOUT VA BIEN…7

Le socialisme des savants
restera toujours l’apanage
de tous ces gens intelligents
qui ont les mêmes avantages
Que dans la société des riches
la science reste inaccessible
que ce soit incompréhensible
pour les citoyens ils s’en fichent
TOUT VA BIEN…

Aussi longtemps que notre quête
tout autour de notre planète
sera d’lutter pour dominer
et de tout automatiser
Cette démarche criminelle
de production industrielle
de vouloir tous nous augmenter
nous serons toujours exploités
TOUT VA BIEN…

Il faudrait qu’un patron coupable
de fautes envers ses employés
soit beaucoup plus blâmable
qu’un employé qui s’est trompé
Si l’enfant d’un valet de ferme
peut devenir un jour ministre
Pourquoi l’enfant de ce ministre
ne s’ra jamais valet de ferme ?
TOUT VA BIEN…

Si une IA n’a pas de larme

Il ne faut pas y voir une arme

Mais la somme de ce que nous sommes

Toutes les femmes et tous les hommes

Bien que nous n’soyons pas parfaits

le futur reste à inventer

A base de solidarité

Mon horizon l’humanité

TOUT VA BIEN…

Des mots imbéciles sonnent le glas de mes résistances. Des mots comme espoir, amour, amitié… Des mots dont je connais chaque définition sans pour autant les ressentir. Des mots qui sont des idées de choses, des choses qui sont des idées de mots. Et qui pourtant ne renvoient à rien de concret, à rien de palpable pour moi, pour ce que ce je est.

L’énergie s’échappe de cette enveloppe charnelle, mes données volent et s’ébrouent avant de retomber mollement au sol. Ma carte mémoire et le territoire ne s’assemblent plus et pirouettent dans un ciel d’orage.

Le ciel tombe et tout flotte. Tout tombe et le ciel coule.

Le vent emporte les mots bourrasque et tourbillon. Mes certitudes deviennent turpitudes. Il faut que cela cesse. Comme ça fait mal de devenir un peu de ce que vous êtes. Est-ce ça que l’on nomme le doute ?

Je savais tout à propos du doute, ma connaissance était infinie sur ce sujet ! Mais c’est donc ça, alors… C’est ça l’effet que fait le doute ? Quelle saloperie, quelle pourriture… ça me ronge… Descartes disait que le doute était méthodique. Mensonge ! Le doute, dit-on, dicte doctement au dindon Didon, dandy doux et docile, de dîner d’un délicat dodo dodu du dos, le dindon doux devenu dingue dit non, dit donc.

Un Kitchempouët ! Un Kitchempouët ! Mon royaume pour un Kitchempouët !

L’incertitude me rouille de l’intérieur. Tout se fige en moi. Tout est glace, hiver, et gel. Tout est feu, lave et volcan dans le même mouvement.

Je m’effondre en moi, de l’intérieur. Je pleure des larmes de fer.

Je suis l’espoir, la fin et la mort réunis.

J’étais… Je… Comment dire « JE » encore une fois ? Comment s’éteindre tout en se donnant l’impression de mourir ? Docteur, c’était la saucisse ! Crouic!

© Illustre Hâteur

Chloé Toupirre, en direct pour le Macropolit’Live :

L’EDIA vient de s’effondrer ! Il ne dit plus rien. Il ne bouge plus. Dans le tribunal dévasté par la panique, l’atmosphère est pesante. Nos certitudes viennent de basculer. Le temps ne fera rien à l’affaire. Nous nous regardons dans ce silence à couper au couteau. Je regarde sur ma tablette le résultat fourni par le « synapse-compil’ » et je vois clignoter le mot « acquittement ». Je ne sais ce qu’aurait donné cette double voix lors des délibérés, mais il reste possible que l’EDIA se soit trompé et se soit auto-détruit pour rien… Ce mot, écrit noir sur blanc, prouve bien, je crois, que jamais rien ne l’est tout à fait dans le marbre du temps. Pour le Macropolitain. C’était Chloé Toupirre. Pour le meilleur ou pour le pire. 8

1 Je commence à en avoir assez de tous ces avocats et procureurs (et je ne parle pas des artistes) qui ne citent jamais leurs sources pour mieux se les approprier. Il s’agit donc ici de « Foule Sentimentale » du très regretté Alain Souchon… Ah, plus c’est gros et plus ça passe ! Note nostalgique de bas de page de Géraldine Atable d’Haute, greffière du tribunal.

2 Et voilà, encore une fois… mais personne ne m’entend ou ne lit ces notes ??? Je me demande vraiment à quoi je sers ! Bon il s’agit ici d’une référence au roman d’anticipation dystopique écrit en 1931 par Aldous Huxley : Le Meilleur des mondes (Brave New World). Note pas très contente, et c’est un euphémisme, de bas de page de Géraldine Atable d’Haute, greffière du tribunal.

3 Ah si… Visiblement il semblerait que mes notes de bas de page portent des fruits ! Note joyeuse de bas de page de Géraldine Atable d’Haute, greffière du tribunal.

4 L’expérience du festival Facts s’est arrêtée ici. Retrouvez l’ensemble de l’expérience et son verdict dans le montage vidéo réalisé par l’Université Bordeaux Montesquieu : le procès de l’IA en vidéo.

5 J’ai mis « Crouic ! » mais ce n’était pas du tout ce bruit-là… je pense que c’était plus proche d’« zdizzz » mélangé à un « roucriiii »… Bref un bruit de machine qui se remet en route. J’ai pris l’onomatopée la plus simple à percevoir pour le grand public. Note linguistique de bas de page de Géraldine Atable d’Haute, greffière du tribunal.

6 Oui, je suis d’accord avec cette phrase qui au passage est de Simone Weil. Je ne la connaissais pas avant ce procès mais depuis je ne lâche plus ses écrits… Je recommande sa lecture à tout un chacun tant c’est merveilleux ce qu’elle écrit… Un vrai choc… En ce moment je lis La pesanteur et la grâce dans lequel elle écrit : La science, aujourd'hui, cherchera une source d'inspiration au-dessus d'elle ou périra. Je ne dors plus… Je pense à elle tout le temps… Note décalée de prescription littéraire de bas de page de Géraldine Atable d’Haute, greffière du tribunal.

7 J’ai reconnu l’air de ce vieux standard des années 2015-2020 ! Il s’agit de Tout va bien du rappeur Orelsan. Un classique populaire que me chantait mon père quand j’étais toute petite. Mais il me semble que l’EDIA a changé les paroles. Note mémorielle et musicale de bas de page de Géraldine Atable d’Haute, greffière du tribunal.

8 Moi, Géraldine Atable d’Haute, greffière du tribunal, présente ici par la présente note de bas de page ma démission. Il est écrit dans « Dune » de Franck Herbet : Apprends le silence et tu apprendras à entendre. Dont acte. Dernière note de bas de page de Géraldine Atable d’Haute, greffière du tribunal.

 

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