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L'Hypothèse du lézard - Le mot de Patrick Marcel
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L'Hypothèse du lézard - Le mot de Patrick Marcel

Alors que le projet a dépassé la barre des 100% durant le week-end, découvrez l'avis de Patrick Marcel au sujet de L'Hypothèse du lézard.

Actusf : Quel regard portez-vous sur cette histoire ? Vous plait-elle ?

Patrick Marcel : Oui, je l'aime beaucoup. Pour autant qu'il m'en souvienne, c'est le premier texte en prose de Moore que j'ai lu. Je le suivais dans les comics depuis son séjour sur Swamp Thing. Plus exactement, depuis son premier épisode de Marvelman dans le magazine britannique Warrior, sauf que je n'avais pas accroché à Warrior, qui de plus était compliqué à se procurer en France; donc j'en étais resté au n°1!

Et là, j'ai découvert la nouvelle dans une anthologie. Le premier volume de The Year's Best Fantasy and Horror compilé par Ellen Datlow et Terri Windling, pour autant qu'il m'en souvienne. J'avais été très frappé par l'ambiance étrange de l’historique, et surtout par le fait qu'elle échappait beaucoup aux caractéristiques habituelles d'une nouvelle de fantasy, a fortiori quand il s'agissait d'une nouvelle située dans un univers partagé.

Actusf : Est-ce qu'Alan Moore c'est difficile à traduire ? Et particulièrement cette nouvelle ?

"Moore est quelqu’un qui joue beaucoup avec les mots, qui suit des idées au travers du vocabulaire et les pousse dans leurs derniers retranchements, ce qui peut poser de sérieux problèmes au traducteur, parfois."

Patrick Marcel : Moore est quelqu’un qui joue beaucoup avec les mots, qui suit des idées au travers du vocabulaire et les pousse dans leurs derniers retranchements, ce qui peut poser de sérieux problèmes au traducteur, parfois. Cette nouvelle en elle-même, non, elle n’était pas d’une difficulté énorme, par bonheur. Il fallait être attentif, il y a parfois des expressions ou des jeux sur les mots plus délicats à rendre, mais elle est plus axée sur le style que sur une pyrotechnie de concepts enchâssés. On ne quitte pas le domaine de la difficulté gérable. J'ai eu nettement plus de mal lorsque j'ai traduit son premier roman, La Voix du feu, avec ses jeux sur le langage, la ponctuation et les différentes époques!

Actusf : Quelles sont ses qualités ?

"Son ambiance très singulière, cet emploi de la magie et du fantastique pour jouer sur les ressorts psychologiques de l'intrigue."

Patrick Marcel : Son ambiance très singulière, cet emploi de la magie et du fantastique pour jouer sur les ressorts psychologiques de l'intrigue. Il emploie en fait des ressorts de fantastique pour traiter en littérature générale une nouvelle de fantasy! C’est une torsion assez osée des conventions. L’imagination, aussi. Il y a des trouvailles qui caractérisent tout de suite un univers, qui établissent un climat. C'est vraiment un texte qui tranchait avec la production de l'époque, et qui demeure assez singulier. Dans son imagerie, ses décors, il conserve encore quelque chose de l'esprit des comics que Moore avait écrits jusqu'ici, une sorte d’ambiance visuelle, mais c'est indéniablement de la prose, et écrite d'une main douée. Je ne connais pas l’univers de Liavek, mais je ne serais pas étonné que la nouvelle tranche aussi sur le reste des nouvelles situées là.

"Dans son imagerie, ses décors, il conserve encore quelque chose de l'esprit des comics que Moore avait écrits jusqu'ici, une sorte d’ambiance visuelle, mais c'est indéniablement de la prose, et écrite d'une main douée."

Actusf : Et quel est votre rapport avec Alan Moore que vous avez traduit par ailleurs pour La Voix du Feu ?

"L'Hypothèse du lézard est plus compact, forcément, mais cette première publication en prose pour Moore reste un petit bijou baroque ciselé d'une main déjà sûre par un Moore qui sait très bien où il va."

Patrick Marcel : J'aime beaucoup ce qu'il fait: j'ai suivi ses comics au fil du temps et j'attends d'avoir un peu plus de temps libre pour attaquer son mammouthéen Jerusalem – j'en ai déjà lu le prologue, que j'ai bien aimé, mais c'est un trop gros morceau pour je m'y plonge actuellement, alors que je ne dispose que de plages réduites pour mes lectures (plaignez-moi, plaignez-moi!).

La Voix du feu reste un souvenir éprouvant mais exaltant, une sorte de recueil de nouvelles située à la même période de l'année au fil de l'histoire de Northampton, de l'âge du bronze jusqu'en 1996, avec des échos qui résonnent entre les histoires, pour finir en une puissante invocation de Moore lui-même, en appelant à l’esprit de la terre. Le chapitre situé à l'âge de bronze, avec sa syntaxe déstructurée reste un de mes moments mémorables de traduction.

L'Hypothèse du lézard est plus compact, forcément, mais cette première publication en prose pour Moore reste un petit bijou baroque ciselé d'une main déjà sûre par un Moore qui sait très bien où il va.

Vous pouvez participer à ce financement jusqu'au 7 juin prochain.

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