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Melmoth furieux - Les secrets d'écriture de Sabrina Calvo
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Melmoth furieux - Les secrets d'écriture de Sabrina Calvo

A l'occasion à la sortie de Melmoth furieux, Sabrina Calvo revient sur l'écriture de ce nouveau roman paru à La Volte.

Actusf : Melmoth furieux, votre nouveau roman vient de paraître. Comment est-il né ? D’un besoin de révolte ?

Sabrina Calvo : Non, pas d’un besoin. D’un désir.

Actusf : Brûler EuroDisney est symbole très fort. Qu’est-ce que ce lieu représente pour vous ? Pourquoi lui en particulier et pas un autre ?

Sabrina Calvo : A un niveau très superficiel, il s’agit d’un projet personnel lié à mon expérience de l’empire Disney, de l’emprise que Walt a exercé sur moi, et de la façon dont l’industrie du loisir incarne fatalement l’imaginaire dans la fausse pierre. Je me suis débattue avec ce sujet des années, et j’ai fini par me rebeller contre les injonctions de plus en plus insidieuses d’un storytelling qui infuse et sature désormais toutes les strates de la société et de la culture. A un niveau plus profond, c’est une interrogation face aux convergences de l’entertainment et de la répression, voire de la normalisation des aspérités, des mutations fluides de l’imagination.

Actusf : Pourtant, tout n’est pas que violence et l’utopie pacifiste n’est pas loin, un monde où la solidarité et l’espoir ne meurt jamais . Est-ce un rêve, quelque chose que vous aimeriez voir se réaliser ?

Sabrina Calvo : Ça existe déjà. C’est juste qu’on nous bassine avec l’impossibilité de penser et de vivre le monde différemment, parce que tout doit avoir une mesure, une valeur dans ce référent obscène qu’est devenu la notion de réalité. La réussite individuelle, commerciale, nous est renvoyée à la face quand on avance la possibilité d’une solidarité – cette dernière devient alors synonyme d’échec, de renoncement à la méritocratie, de « facilité » par défaut. On en est là : parler de non-violence, de vivant, de soin à l’autre, n’est pas “réaliste” et devient contraire à une soi-disant nature humaine qui n’a rien de naturelle. Il y a la puissance émancipatrice qui fait naître des futurs désirables et la brutalité qui met tout en œuvre pour les empêcher - et nous, on se débat dans ce filet. Alors ok : on raisonne sur des petites échelles de vie, des familles, des quartiers, des communes. Mais l’amitié et la camaraderie existent : il est urgent de la pratiquer, de l’encourager et de lui confier des lieux. J’écris pour créer des refuges. Des cabanes.

Actusf : Ecrire Melmoth furieux est-il une façon de dénoncer notre société et ses travers ? Est-ce plus simple d’en parler à travers de la fiction ? Cela donne plus de liberté ?

Sabrina Calvo : Je ne dénonce rien – je chuchote dans un mégaphone. Cette société, je la vis au quotidien, il y a du très beau et du terrible. C’est un constat depuis un corps politique - et de plus en plus politisé. Je me sers de la fiction pour étendre une lutte, avec plus ou moins d’implication personnelle. C’est l’éternelle question de l’art militant face aux discours sur la supposée neutralité de l’entertainment, en particulier de la SF, qui, comme le pouvoir en place (à qui elle sert massivement la soupe), essentialise ses traditions au nom d’une objectivité qu’on pourrait qualifier de meta-hypocrite. La corruption d’une idée de nature, hijackée par le capital et le darwinisme social, devenue principe de réalité indépassable.

Actusf : Qui est Fi ? Comment l’avez-vous créée ?

Sabrina Calvo : Elle est venue par petits bouts, par empiècements. Je l’ai composée comme j’ai appris à faire des robes, fragments instinctifs coupés sans pitié dans le biais d’un flou intime. Nous partageons toutes les deux beaucoup de choses – nous sommes toutes les deux des connasses narcissiques. Mais je ne suis pas certaine de la connaître vraiment, sa création a été un processus d’apparition progressive : ce qu’elle avait à me dire d’elle, de ses origines, comment elle réagissait aux horreurs que je mettais sur son chemin et des choix hardcore qu’elle a du faire. Elle a fini par me surprendre, beaucoup. Je pense qu’elle est ouverte à pas mal de points de vues, impossible de la ranger quelque part – c’est un mouvement plus qu’une personne.

Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspirations en particulier lors de l’écriture de Melmoth furieux ? Actualités, films, musiques… ?

Sabrina Calvo : J’ai écouté Yanqui U.X.O de Godspeed You! Black Emperor en boucle. J’ai honte de le dire, parce que j’écoute Godspeed depuis leur première démo, mais cet album, je ne l’avais écouté qu’une seule fois à sa sortie en 2002 et j’imagine qu’à cette époque, il était trop différent du précédent pour me toucher. Trop sombre, trop complexe. Et puis, dans cette roulotte en Ardèche où j’ai terminé Melmoth, il a été mon compagnon, et je le considère aujourd’hui comme le cœur de leur trajectoire. La prod d’Albini est juste ouf.

Actusf : Avez-vous d’autres projets en cours ou à venir ?

Sabrina Calvo : Coudre des robes, enseigner la poétique de mode. Continuer le travail sur le terrain avec les collectifs. Écrire.

Actusf : Où pourra-t-on vous rencontrer dans les semaines, mois à venir ?

Sabrina Calvo : A Belleville.

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