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Pauline Sidre nous parle de son premier roman Rocaille !
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Pauline Sidre nous parle de son premier roman Rocaille !

Septaine
Brume jour de poix
Ventée jour de souffle
Ore jour d’orage
Grésil jour de grêle
Nive jour de neige
Gelée jour de glace
Fonte jour de pluie
Et silence de nuit

Actusf : Bonjour Pauline et merci de répondre à nos questions ! Pour commencer, pourriez-vous vous présenter ainsi que votre parcours pour Actusf ?

Pauline Sidre : Bonjour et merci à vous ! Petite, je voulais devenir sorcière. J’écrivais des grimoires et je m’entraînais avec un chaudron creusé dans un arbre, au cœur du bois couronnant mon village. Puis, quand j’ai eu douze ans et que le monde m’a semblé très gris, ma mère m’a dit : « Tu n’as qu’à écrire un roman ! » J’ai donc grandi en écrivant et en lisant, et j’ai décidé un jour de faire des livres mon métier. J’ai travaillé dans la recherche, puis dans l’édition, puis un petit peu dans l’enseignement, pour devenir enfin bibliothécaire.

Actusf : Rocaille est votre premier roman et est actuellement en cours de souscription chez Projets Sillex. Quelle est la genèse de ce roman et de votre rencontre avec cet éditeur ?

Pauline Sidre : J’ai initialement écrit Rocaille dans le cadre d’un concours destiné à publier un premier roman. Comme ça n’a rien donné, j’ai retravaillé mon texte pour l’envoyer à d’autres éditeurs. Au même moment (février 2018), Actusf évoquait dans son fil de l’info la toute jeune maison Projets Sillex. En me renseignant, j’ai découvert le concept, qui m’a paru intéressant, et j’ai vu qu’ils recherchaient des manuscrits. Ni une, ni deux, j’ai envoyé mon texte sans y croire… Quelques mois plus tard, Nicolas Marti m’a recontactée pour m’annoncer que Rocaille les intéressait énormément.

Actusf : Pouvez-vous nous parler plus en détails de la Rocaille, cette étendue aride et désolée, des Rois Verts dont Gésill, des Magistres et des sinistres Funestrelles ?

Pauline Sidre : La Rocaille est un pays où personne n’aimerait vivre… Il y neige, il y pleut, il y grêle, il y vente à tout instant, et surtout rien n’y pousse. Les gens y souffrent de la famine et de la misère, ne devant leur survie qu’à leurs souverains, la dynastie des rois verts, dont le sang est capable de faire pousser des plantes à foison. Seul bémol, ces rois n’ont pas le droit de quitter leur château et la nourriture qu’ils produisent est imparfaitement distribuée sur leur royaume.

Gésill est le dernier de cette lignée. Au commencement du roman, il se réveille dans son tombeau : on l’a assassiné, ce qui est totalement inédit pour un roi vert (Dans un pays où les rois constituent la seule source de nourriture, on a plutôt tendance à les préserver). Son décès n’arrangeant pas tout le monde, il est ressuscité et enjoint à reconquérir son trône. Sauf que la mort l’a privé de sa motivation et de ses réflexes vitaux, ainsi que de son sang vert.

Il est assisté dans son périple par les Funestrelles, un groupe de trafiquants notoires engagés par ses partisans. Ceux-ci ont dans l’idée, pour faciliter son retour au pouvoir, de lui adjoindre un magistre, un de ces antiques sorciers qui légitimaient les rois. Mais les magistres ont disparu depuis des siècles. La rumeur prétend cependant qu’un garçon aux pouvoirs étranges serait apparu sur la Rocaille, et Gésill se met alors en devoir de le retrouver.

Actusf : J’aime particulièrement les retours aux différentes vies de Luèlde ainsi que cette trouvaille des jours de la septaine à la climatologie changeante. Quelle partie de l’univers avez-vous imaginé ou visualisé en premier ?

Pauline Sidre : Le tout premier élément, ça a été la scène d’ouverture : l’idée de commencer le roman par le cadavre du personnage principal – une idée qu’un ami m’avait présentée un jour et qui me trottait dans la tête depuis pas mal d’années. Ressusciter Gésill puis le doter de huit vies, cela m’est venu bien plus tard, quand j’ai commencé à développer la Rocaille.

Je pense que le personnage de Luèlde, dernier survivant de son espèce, contraint de se construire et de se découvrir seul, s’est imposé en amont du projet. Quand je l’ai greffé à Rocaille, les épisodes mettant en scène son passé ont été une évidence : cela me permettait d’approfondir le personnage, d’autant plus qu’on ne le rencontre qu’au tiers du roman, et de souligner aussi ses difficultés à appréhender ce qu’il est. Et Luèlde est également un personnage mémoriel, qui se souvient de tout, et qui regroupe en lui son passé et celui de tout l’ordre des magistres, dont il est l’unique survivant. J’aime beaucoup travailler autour du souvenir et de la transmission, et ce personnage-ci s’y prêtait immédiatement.

Le décor de la Rocaille et la septaine sont apparus en même temps, et ont permis de relier tous les autres éléments. Toute la rédaction du roman a été estivale : c’était rafraichissant d’évoquer de terribles orages et des pluies diluviennes sous un soleil de plomb. La ritournelle de la septaine s’est constituée en cours de route, donnant un certain rythme à ma rédaction. Et c’était aussi une sorte de jeu, un défi, que de toujours faire attention à la météo dans mon roman (D’ailleurs, si Iliane se trompe de jour dans le troisième chapitre, c’est parce que ça m’arrivait souvent !).

Actusf : Ce récit rappelle par moment de manière un peu détournée le mythe de la Terre Désolée ou de la Terre Gaste. La légende arthurienne est-elle une source d’inspiration pour vous ?

Pauline Sidre : Pas du tout, désolée ! Ou bien très indirectement, parce que j’ai été passionnée par les légendes arthuriennes pendant mes années de lycée – aujourd’hui, j’ai une préférence pour les mythologies antiques. Cela dit, la référence est pertinente et Gésill, roi moribond dans un royaume tout autant agonisant, a des allures de Roi pêcheur.

Dans un premier temps, j’ai cependant imaginé le décor de la Rocaille indépendamment de ses personnages. Je pense qu’elle est surtout née de décors vus, lus, visités. La première fois que j’ai présenté cette idée à mon conjoint (étape essentielle à l’élaboration de tous mes écrits), nous nous promenions dans un parc au sol ensablé. Il faisait très chaud, nos pas soulevaient énormément de poussière, et nous vivions alors dans une ville où nous manquions de verdure. Cette promenade a dû beaucoup jouer dans la conception de mon univers.

Actusf : Manque de nourriture, problèmes climatiques, inceste, esclavage, ostracisme… vous développez un univers sombre et sans concession. Une manière de critiquer notre monde actuel ?

Pauline Sidre : C’est une lecture tout à fait possible de Rocaille. Cela dit, lors de la rédaction de ce roman, je n’avais pas pleinement conscience d’aborder ses thèmes et de les rattacher à ce qui m’entourait. Ce n’est qu’à rebours que ça m’a frappée. On se plonge dans l’écriture, on déroule la pelote de ses idées, on est tout entier pris dans son action… et on relève soudain la tête pour découvrir que notre roman renvoie à des préoccupations écologiques. Ce n’était certes pas ouvertement voulu, mais l’actualité m’a nécessairement influencée, et c’est aussi bien entendu au lecteur de s’emparer du texte pour l’interpréter et ainsi l’enrichir.

Le personnage le plus « consciemment engagé » que j’ai développé est Luèlde. J’adore la fantasy et j’adore les magiciens. Mais ce que j’apprécie beaucoup, en les mettant en scène, ce n’est pas tant de détailler leurs sortilèges, leurs études, leurs artefacts… que de réfléchir à leur place dans la société. De par leurs différences, ils peuvent être admirés, ou craints, ou rejetés… C’est ce que j’ai voulu élaborer avec Luèlde : la manière dont un être différent est perçu, comment sa différence peut lui valoir des brimades mais aussi comment elle peut l’aider à se construire.

Actusf : Un mot sur la (splendide) couverture de Cindy Canévet ?

Pauline Sidre : Ce qui me touche le plus, dans cette couverture, ce sont sa couleur et sa lumière (en plus de tout le reste, qui est magnifique). En dépit de la dévastation de la Rocaille et de ce que mes personnages subissent, je n’arrive pas à considérer pleinement mon roman comme un livre extrêmement sombre. Et c’est ce que Cindy Canévet a réussi à faire ressortir : on parle d’un mort-vivant qui sillonne une terre désolée sous des trombes d’eau, et pourtant il y reste de la lumière, de la détermination, et même un peu de verdure. L’illustratrice a vraiment compris l’atmosphère que je voulais faire ressortir.

Actusf : Avez-vous d’autres projets en cours ?

Pauline Sidre : Deux de mes nouvelles sortiront dans des anthologies, une en février, l’autre en fin d’année. Cette dernière, qui paraîtra dans l’anthologie Elyranthe (aux éditions Les Ombres d’Elyranthe), est une sorte de contrepoint de Rocaille puisqu’elle propose un décor verdoyant au possible. Je suis également en train de retravailler un roman policier-fantastique et en train d’achever un roman de fantasy mettant en scène un dieu détective (nous verrons bien ce que ça donnera !).

Actusf : Pourra-t-on vous retrouver en salons ou dédicaces prochainement ?

Pauline Sidre : Si tout se passe bien, je serai aux Imaginales en mai, et peut-être aussi au prochain Salon fantastique.

Il reste encore une vingtaine de jours pour participer à la campagne de financement sur Projets Sillex pour le lancement de Rocaille !

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