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Que passe l'hiver, David Bry nous livre ses secrets
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Que passe l'hiver, David Bry nous livre ses secrets

Actusf : Que passe l'hiver va être réédité en poche aux éditons Pocket. Quel a été le point de départ de l’écriture de ce roman ? Comment est-il né ?

David Bry : Que passe l'hiver vient - et revient - de loin ! Il s'agit de la troisième version d'un roman de fantasy que je voulais écrire pour Xavier Mauméjean, alors directeur de collection chez Pandore. L'idée de base a beaucoup fluctué au fil de mes propositions et de celles de Xavier, pour finalement s'arrêter sur un huis clos. Le décor était planté. Il me fallait le reste. Et c’est le roi de la Clairière, sorte de Cernunnos revisité, mi-homme mi-dieu et surtout ni l'un ni l'autre, qui a donné le ton de cette histoire et qui l’a nourrie. Stig, le jeune seigneur au pied bot, est arrivé après, comme un parfait compagnon de danse.
Je voulais écrire une tragédie. Elle aurait lieu entre ces deux personnages, si différents et si proches en même temps. Tout s'est construit ensuite pour eux et par eux.

Actusf : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’intrigue de Que passe l'hiver ?

David Bry : Le roman raconte l'histoire de Stig, jeune seigneur au pied bot méprisé par son père à cause de son handicap. Stig vient d'avoir vingt ans, est désormais en âge de porter une épée mais, surtout, de se rendre avec son père, son frère et le reste de son clan à la fête de solstice, durant laquelle les seigneurs rassemblés vont pouvoir renouveler leur allégeance au roi de la Clairière. Le jeune homme en est émerveillé d'avance : depuis l'enfance, il est bercé par les légendes autour du roi, mi-homme mi-dieu, et par les histoires des autres clans aux pouvoirs si éloignés des siens, lui qui se transforme simplement en corbeau alors qu'eux lisent l'avenir, se fondent dans les ombres ou peuvent faire appel aux esprits de la Clairière. Stig est impatient et émerveillé, oui mais... la fête va très vite tourner au cauchemar. La mort frappe, le soir même de son arrivée, et elle ne s'arrêtera pas en si bon chemin. Que passe l'hiver va alors raconter les cinq jours de ce solstice, qui bouleversera le destin de Stig, du roi, des clans, et même de toute la Clairière.

Actusf : Stig, votre héros n’est pas vraiment gâté par la vie, pourtant il saura faire face à l’adversité. Comment l’avez-vous créé ? A-t-il toujours suivi le chemin que vous lui destiniez ou n’en a-t-il fait qu’à sa tête ?

"Je suis un auteur assez autoritaire (rires), et mes personnages sont plutôt sous contrôle. Ce qui m'a cependant surpris au fur et à mesure de l'écriture du roman, c'est l'aspect lumineux de Stig, ce qu'il donne aux autres et que lui ne voit même pas [...]"

David Bry : Que passe l'hiver est une danse à deux, une danse entre le roi et Stig. Il fallait alors que ce dernier soit sensible à la beauté de son monde, à sa magie et à sa poésie. J'avais là les principaux traits de sa personnalité : Stig serait un poète, un contemplatif, un amoureux de la nature. Le pied bot est arrivé un peu par hasard, très tôt, et a ajouté autant d'ombre que de lumière au personnage. L'ombre avec le malheur, la tristesse, le rejet, la jalousie qui parfois le menace ; la lumière avec tout l'amour qu'il porte à son frère, à son monde, cette force incroyable qu'il a en lui et qui le pousse à essayer d'être meilleur malgré tout. Stig est un personnage qui me touche énormément, au courage impressionnant. Le pauvre a été terriblement malmené par la vie. Et il va devoir faire face à bien pire encore...
Je suis un auteur assez autoritaire (rires), et mes personnages sont plutôt sous contrôle. Ce qui m'a cependant surpris au fur et à mesure de l'écriture du roman, c'est l'aspect lumineux de Stig, ce qu'il donne aux autres et que lui ne voit même pas, et qui se retrouve notamment dans la longue tirade de son frère alors qu'ils sont tous deux partis en quête de l'âme de la Clairière. Je n'avais pas trop anticipé ce côté-là, alors que c’est au final un trait essentiel chez Stig. Sans cela, le roman n’aurait pas été le même.

Actusf : Une ambiance nordique, des clans, des rivalités, le froid… Ce roman est mélange des genres, oscillant entre fantasy, mythe nordique et drame shakespearien. Quelles ont été vos inspirations ? Influences ?

David Bry : La première inspiration, c'est Shakespeare, bien sûr. J’aime profondément les tragédies, les passions humaines dans ce qu’elles ont d’extrême. L’amour, la haine, l’espoir, la trahison révèlent ce que nous avons de pire et de meilleur. Ça me fascine. Ce qui est amusant, c’est que lorsque Dimitri Pawlowski de l’Homme Sans Nom m’a interrogé sur ce qui m’avait inspiré pour ce roman, j’ai été incapable de lui répondre. Puis il m’a demandé en souriant si j’aimais Shakespeare. À ce moment, la lumière s’est faite en moi (rires).
Les influences quant à elles sont multiples. Il y a de la mythologie celte avec le roi cornu, bien sûr, les légendes nordiques également, un peu du jeu de rôle Vampire avec ces clans et leurs pouvoirs (même s’il n’y a pas de vampire dans le roman), et enfin, et surtout, mon amour des forêts, des grands espaces, de la nature... et de l’hiver bien sûr. La Clairière, à l’approche du solstice, est une succession de bois, de lacs et de rivières glacés, blanchis, apaisants. Une scène de théâtre qui me semblait coller parfaitement au drame que je voulais y faire jouer.

Actusf : Que passe l'hiver a tout d’abord été édité en 2017 chez L’Homme sans nom et le voilà maintenant en poche. Il fait son chemin et de nombreux lecteurs ont pu découvrir votre plume. Comment vivez-vous cette sortie ?
Après 2 ans, changeriez-vous certaines choses ou pas du tout ?

"C’était (et c’est toujours) extrêmement touchant de réussir à émouvoir, transporter, animer, comme moi je le suis à la lecture de certains romans."

David Bry : Que passe l’hiver est mon septième roman, et surtout le premier qui bénéficie d’un tel engouement, comme d’une réédition poche. Pour être honnête, j’ai été… très surpris (rires). En écrivant ce roman, je ne voyais que sa noirceur, sa tristesse. Trouver un éditeur n’a pas été des plus facile non plus (et j’en remercie encore Dimitri Pawlowski et Clémentine Waldman des éditions de l’Homme Sans Nom). Puis les premières chroniques sont arrivées sur Internet, parlaient de poésie, d’ombre et de lumière, de Stig et du roi, de Shakespeare et de quelque chose qui restait au lecteur, la dernière page tournée. C’était (et c’est toujours) extrêmement touchant de réussir à émouvoir, transporter, animer, comme moi je le suis à la lecture de certains romans.
La réédition poche a été elle aussi une très belle surprise. Le roman va continuer à vivre de manière plus large, et plus longtemps, va trouver un second public. J’en suis très heureux.
Deux ans plus tard, je ne changerais rien, non. Je ne suis pas du genre à avoir des regrets. Je suis plutôt tourné vers le futur et, quelque part au fond de ma petite tête, je continue de faire vivre cette histoire. On verra ce que l’avenir réserve (et quels fils du destin se briseront), mais, si l’histoire de Que passe l’hiver se termine à la dernière page du roman, je crois que je serais heureux de m’atteler à une suite, peut-être, un jour.

Actusf : Que passe l'hiver est le coup de cœur des Imaginales de cette année. Qu’en pensez-vous ? Vous y attendiez-vous ?

David Bry : Là aussi, j’ai été très surpris. Lorsque Stéphanie Nicot m’a appris que je serai coup de cœur du festival pour l’année à venir, c’est comme si le ciel me tombait sur la tête. Les Imaginales sont un grand, très grand festival. Qu’ils m’aient choisi pour être leur coup de cœur est quelque chose de vraiment extraordinaire.
Je ne vais pas faire le malin, cette nouvelle m’a fait un énorme effet. J’ai eu peur d’abord, peur de décevoir, de ne pas être à la hauteur du choix du festival. Il suffit de voir les coups de cœur des années précédentes pour comprendre ! Aujourd’hui, leur choix me soutient, m’encourage à continuer à travailler, à essayer de faire encore et toujours mieux. C’est un moteur très, très puissant.

Actusf : Cette sortie n’est pas la seule de 2019, puisque Le Garçon et la ville qui ne souriait plus, votre dernier roman, est paru il y a peu. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

"Le Garçon et la ville qui ne souriait plus est un roman d’aventures qui parle d’amitié, d’amour, de liberté, de la difficulté d’être soi. Sur ce dernier point, peut-être, il se rapproche de Que passe l’hiver."

David Bry : Le Garçon et la ville qui ne souriait plus traite d’un sujet malheureusement très actuel : le rejet de l’autre. Il s’agit d’une uchronie qui prend place dans un Paris alternatif du 19ème siècle où l’Église, au faite de sa puissance, a imposé les Lois de la Norme. Ces dernières ont forcé les « anormaux » (obèses, fous, amputés, homosexuels, nains, …) à se rassembler sur l’île de la Cité rebaptisée pour l’occasion Cour des Miracles, où ils vivent à l’écart du bon peuple. Le roman raconte l’histoire de Romain, jeune homme de bonne famille qui essaie de fuir ce Paris étouffant et qui, en secret, s’échappe la nuit pour observer les anormaux. Le soir de ses quinze ans, il va découvrir par hasard que son père est mêlé à un complot visant à éradiquer les anormaux. Il va alors se retrouver face à un choix terrible : prévenir la Cour des Miracles et ainsi trahir sa famille, ou bien ne rien dire, et risquer peut-être plus encore.
Le Garçon et la ville qui ne souriait plus est un roman d’aventures qui parle d’amitié, d’amour, de liberté, de la difficulté d’être soi. Sur ce dernier point, peut-être, il se rapproche de Que passe l’hiver.

Actusf : Pourquoi choisir d’écrire de l’imaginaire ? Est-ce plus facile pour exprimer des idées ou envoyer un message ? L'écriture vous permet-elle de dénoncer certaines choses, parler de certains sujets ?

David Bry : Je crois qu’en effet l’imaginaire a une puissance évocatrice extrêmement forte. Cette littérature faite de symboles plonge au plus profond de nous : elle parle à l’enfant et à l’adolescent qu’on est ou qu’on a été, à l’adulte qu’on est ou qu’on sera. Je suis convaincu que les émotions ne passent pas que par des mots, des sons ou des images. Elles sont aussi guidées par quelque chose de plus profond encore, que cette littérature peut toucher il me semble. Ursula Le Guin en parle beaucoup mieux que moi, notamment dans son ouvrage passionnant Le langage de la nuit.
Pourquoi j’écris ? Pour de multiples raisons. Parfois pour dénoncer en effet, que ce soit le repli sur soi dans Le Garçon et la ville qui ne souriait plus, ou bien notre futur dans 2087. Mais je traite aussi d’autres sujets qui me touchent, m’animent profondément. Grandir, vieillir. La mort. Ce qu’on doit abandonner avec le temps, ce qu’on essaie de conserver malgré tout. Je parle d’amour, de celui qui est trahi comme de celui qui sera plus fort que la mort elle-même ; d’amitiés, de joies et de désespoir. J’essaie, à mon humble niveau, de faire vivre ces sentiments magnifiques dont la littérature nous ravit depuis si longtemps.

Actusf : Avez-vous d’autres projets en cours ou à venir ?

David Bry : Je suis un boulimique de travail, et je dois dire qu’en ce moment je suis servi. J’ai terminé il y a quelques semaines mon neuvième roman, La Princesse au visage de nuit, qui est en cours de lecture chez divers éditeurs. Je travaille depuis sur plusieurs nouvelles à paraître cette année (je suis d’ailleurs un peu en retard !), et dois également finaliser les synopsis de deux romans. Enfin, j’ai également créé un jeu de plateau (je suis un gros, gros joueur !) qui devrait sortir en 2020. Bref, je ne m’ennuie pas… et j’adore ça.

Actusf : Où les lecteurs pourront-ils vous retrouver en dédicace ?

David Bry : Je serai le week-end prochain au festival Trolls et Légendes, et en mai bien sûr aux Imaginales. Mon planning de dédicaces sur le second semestre n’est pas encore définitif, mais je participerai là encore à plusieurs festivals, autour de Paris et de Bordeaux entre autres.

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