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Regarde, fiston, s'il n'y a pas un extra-terrestre derrière la bouteille de vin
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Regarde, fiston, s'il n'y a pas un extra-terrestre derrière la bouteille de vin

Philippe Curval est l’un des auteurs français les plus originaux et sa longue carrière contient de nombreux joyaux, disséminés sans parcimonie dans la longue liste de ses nouvelles et les quelques dizaines de romans qu’il a publiés. On se souviendra de Cette chère humanité et L’homme à rebours, sans oublier des romans relativement récents comme Lothar blues, qui témoignent du talent toujours fécond de cet auteur éminent. Rien que le titre du présent recueil est déjà un chef-d’œuvre de dérision hexagonale. Regarde, fiston, s’il n’y a pas un extra-terrestre derrière la bouteille de vin fait évidemment pressentir une lecture originale du mythe extra-terrestre. Philippe Curval confirme rapidement cette impression et expose son propos dans une préface à la fois drôle et pertinente qui résout de façon lapidaire le paradoxe de Fermi : « Les extra-terrestres existent, je n’en ai jamais rencontré »

Que nous veulent donc tous ces aliens ?

Ils ont tant de fois envahi la Terre que nous avons fini par ne plus nous poser la question. Un réflexe anthropomorphique fréquent consiste à leur prêter les défauts propres à l’humanité, ce qui n’a pour effet que de mettre ceux-ci en relief. Les extra-terrestres sont souvent si différents de nous qu’ils ne comprennent pas plus nos motivations que nous ne comprenons les leurs. Et pourtant, tout aussi fréquemment, cette conviction s’effondre : non seulement ils nous comprennent, mais ils nous utilisent... Nous possédons cependant un point commun : une irrésistible fascination pour notre mode de reproduction sexué, un point sur lequel l’auteur insiste particulièrement. Il se pourrait bien, après tout, que le sens de la vie ne soit pas à chercher ailleurs ! Classiques par leur thème commun, les nouvelles de Regarde, fiston… le sont un peu moins par leur traitement, qui lorgne davantage en direction de Robert Sheckley que vers les civilisations créées par Jack Vance ou Vernor Vinge, jusqu’à devenir parfois surréaliste dans un texte comme « Le tyran suspendu ». 

Un sens de l’humour goguenard qui oscille entre sensibilité et provocation.

Si l’influence de Robert Sheckley est donc patente dans la plupart des récits composant le recueil, c’est avec la longue nouvelle éponyme que l’humour de Philippe Curval fait escale dans un registre plus tendre et intimiste. Dans cette histoire d’amour filial, avec ses zones troubles, la présence extra-terrestre crée un lien extrêmement fort entre ce père alcoolique et son fils de douze ans, sur fond de jungle amazonienne. Le cadre de l’histoire, la Guyane, et l’importance qu’occupe la base spatiale de Kourou, rappelle que la France aussi est en contact avec les étoiles. La science-fiction possède là un point d’envol que nos auteurs hexagonaux négligent trop souvent. Après sept histoires d’extra-terrestres, le recueil s’achève sur une nouvelle insolente dont le propos s’éloigne du thème principal et inaugure un genre prometteur : la polémique-fiction. Même si elle est un peu hors sujet par rapport à l’ensemble, il eut été dommage de nous en priver car elle est excellente !   

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