Actusf : Replis est paru en juin chez Mü Editions. D’où vous est venue l’idée de ce roman ?
Emmanuel Quentin : En fait, après Où s’imposent les silences, j’étais parti sur tout à fait autre chose et Replis n’était même pas dans les tuyaux. À vrai dire, je voulais traiter des Soldats de l’image sous le prisme du voyage dans le temps. Mais j’ai été rattrapé par quelque chose de plus personnel, et je me suis imaginé ce que cela ferait d’abriter la conscience d’un parent en soi avant qu’il ne meure. L’idée ne m’a plus lâché. Ensuite il a fallu échafauder tout ça pour gagner en cohérence.
Actusf : De quoi cela parle-t-il ?
"De famille, de mensonge [...], de notre époque, de la montée des populismes, des travers de notre monde..."
Emmanuel Quentin : De famille, de mensonge (il y a beaucoup de mensonges dans Replis, il faut se méfier de tout et de tout le monde!), de notre époque, de la montée des populismes, des travers de notre monde...
Nous sommes en 2072. Pour faire face à une course qui mène l’Humanité droit dans le mur à cause d’un mal inconnu qui a ravagé les sols et la végétation (Les Terres Brûlantes), il est désormais possible d’avoir recours à l’Assimilation, laquelle consiste à transférer la conscience d’un parent dans le corps de son enfant, uniquement. Cela n’est envisageable qu’en fin de vie, le but étant de conserver les savoirs et les connaissances de chacun. Dans Replis, nous suivons le parcours de Daniel Sagnes, monteur/ menteur vidéo pour le compte du ministère de la Défense, un artisan de la fake news, qui voit sa vie chamboulée lorsqu’on lui demande avec insistance de s’assimiler à son père qu’il déteste. Pour lui, hors de question de céder. Il n’a pas d’autre alternative que la fuite.
Daniel est un personnage cynique, désabusé, égoïste et misanthrope. Charmant, non ? Pour tout dire, au départ, je n’avais pas prévu qu’il soit ainsi. En fait, je n’avais pas de plan pour Replis, j’avais l’idée générale, mais je ne savais pas comment les choses allaient tourner. Ce n’est qu’une fois les premiers chapitres écrits que Daniel s’est dessiné dans ma tête. Et plus que moi-même, c’est le contexte de l’histoire, le monde dans lequel il évolue qui l’ont conditionné ainsi. Malgré tout, j’espère être parvenu à apporter quelques nuances à la description que je viens d’en donner. Au final, j’ai voulu en faire un personnage auquel on s’attache, mais qu’on finit forcément par détester. Quant à savoir s’il est une partie de moi… allez, oui, par certains aspects bien sûr.
Actusf : Avez-vous dû faire beaucoup de recherches pour écrire ce roman ?
"Le Courrier international a pour moi été une mine d’informations, par exemple. Pour prendre la température du monde dans sa globalité."
Emmanuel Quentin : Pas de recherches à proprement parler dans l’optique d’écrire Replis. J’ai surtout beaucoup lu la presse. Le Courrier international a pour moi été une mine d’informations, par exemple. Pour prendre la température du monde dans sa globalité.
Actusf : Avez-vous eu des sources d’inspirations en particulier ? Littéraires, cinématographique, séries ?
Emmanuel Quentin : Oh, sans doute, mais je ne saurais pas précisément dire lesquelles, à part peut-être la trilogie climatique de Jean-Marc Ligny (AquaTM, Exodes et Semences) que je trouve d’une maîtrise remarquable, avec un background incroyablement effrayant et des personnages d’une densité folle.
Actusf : Écrire de la littérature de l’imaginaire, vous permet-il d’aborder certains sujets qui vous tiennent à cœur ? De dénoncer certaines choses ? Je pense notamment à tout le contexte politique du récit.
"À ma manière, dans Replis, j’ai illustré [...] ce que j’ai pu observer ici ou là, sans pour autant (j’espère) tomber dans la démonstration ou la dénonciation pure et simple. Avant tout, j’ai voulu raconter une histoire, mon moteur est toujours là."
Emmanuel Quentin : Houla oui. Là j’avais vraiment à cœur d’aborder la thématique de la famille et du mensonge. Les mensonges que l’on nous assène, dont nous sommes les victimes parfois ignorantes et les mensonges que l’on se fait à soi-même. Et pour le contexte politique, oui, bien sûr, c’était incontournable. Pas besoin d’aller bien loin pour être confronté à la démagogie et au populisme racoleur : des maires de certaines communes qui s'inscrivent dans la communication de trottoir, militent pour la création de brigades citoyennes, lancent des applications où vous pouvez signaler des comportements que vous jugez inappropriés uniquement en appuyant sur un bouton ; ces mêmes personnes à qui on déroule le tapis rouge de plateaux de télévision, qui se revendiquent de la Vérité et qui se plaignent ensuite d’être ostracisées. Bref, la matière ne manque pas, ni les indignations, et il y aurait encore bien des choses à dire à ce propos. À ma manière, dans Replis, j’ai illustré (notamment dans les séquences de montage vidéo) ce que j’ai pu observer ici ou là, sans pour autant (j’espère) tomber dans la démonstration ou la dénonciation pure et simple. Avant tout, j’ai voulu raconter une histoire, mon moteur est toujours là.
Actusf : Sur quoi travaillez-vous actuellement ?
Emmanuel Quentin : Je suis dans l’écriture d’une nouvelle pour une anthologie de SF, j’ai en projet l’écriture d’une novella dont j’ai posé la base, je continue l’écriture de nouvelles pour l’exposition Ruines en collaboration avec mes compères explocréateurs Pascal Casolari et Emmanuel Régis. Et j’ai rédigé le prologue de mon prochain roman dont j’ai l’idée générale. Il n’y a plus qu’à !
Actusf : Où peut-on vous rencontrer dans les mois à venir ?
Emmanuel Quentin : Je ne sais pas encore mais j'espère bien participer à certains rendez-vous !
Actusf : Une question pour la fin, spéciale « vacances », quel livre emporteriez-vous sur une île déserte ?
Emmanuel Quentin : J’ai toujours tendance à emporter beaucoup de livres avec moi quand je me déplace, mais, OK, je joue le jeu : un livre plein de rires, de larmes et de joies, Les Quatre sœurs de Malika Ferdjoukh.
