Rita Indiana vit à Saint-Domingue. Considérée comme l'un des autrices les plus talentueuses de la littérature caribéenne contemporaine, elle est également musicienne et joue avec son groupe Indiana y los Misterios. Les Tentacules a obtenu le prix de l'Association des écrivains caribéens, il s'agit du premier livre en langue espagnole ainsi récompensé.
Une intrigue dans une société post-apocalyptique
2027, dans une République Dominicaine ravagée par des désastres écologiques sans précédent qui ont détruit toute forme de vie sous-marine et où une technologie ultra-développée gouverne la vie de tous les humains. Nous suivons Alcide, une adolescente fraîchement sortie de la rue après un épisode de prostitution pour le moins sordide. Elle est maintenant la domestique d'Esther Escuderdo prêtresse de la Santeria. Elle cherche à tout prix à gagner suffisamment d'argent pour acquérir la Rainbow Bright, une drogue qui lui permettrait de changer de sexe sans opération chirurgicale.
Dans les années 200, Argenis, un artiste talentueux sur le déclin, vit en résidence artistique à Sosùa où un mécène italien Gorgio Menicucci et sa femme Linda souhaitent créer un sanctuaire sous-marin.
Leurs destins vont alors basculer, Alcide sera propulsée en 1991 et Argenis au XVIIème siècle. Parviendront-ils à changer le cours des choses et empêcher les catastrophes qui ont ravagé leur pays ?
Un roman engagé
Les Tentacules est un ouvrage qui ne se laisse pas appréhender facilement. Ne vous fiez pas au nombre de pages, son contenu est dense, lourd, mais énergique, et il s'y passe une quantité de choses. C'est un roman qui m'a étonné dès les premières pages, par son style d'une part, Rita a une patte hybride et assez brut de décoffrage, ne se refusant aucunement à utiliser des termes d'argot ou un registre littéraire plus raffiné. Et c'est pour le moins déroutant.
C'est un roman qui décrit une catastrophe écologique bien trop prévisible hélas, tellement qu'on se dit que 2027 n'est plus bien loin. Il parle également d'inégalités sociales, d'une société post-coloniale pourrie jusqu'à la moelle, du genre, du bien commun et aussi beaucoup, de l'avenir qu'on voudrait construire pour notre société. A travers le destin d'Alcide qui n'a plus rien à perdre et d'Argenis un prétendu raté, on s'éprend d'affection pour ce tragico-comique qui n'aura pas cessé de me surprendre.
Les différentes chronologies sont casées de manière assez bordéliques, de ce fait, je ne vous conseille pas de vous interrompre au cours de votre lecture par une ou deux conversations, car je peux vous assurer que vous serez vite perdus en y remettant le nez. Cet ouvrage exige une lecture attentive.
J'en suis ressortie un peu chamboulée, mal à l'aise, ne sachant pas trop si par moment je devais m'offusquer ou bien rire de certaines situations. Des allusions sexuelles d'une obscénité cru parsèment également les pages comme les fenêtres pop-up de votre navigateur internet non pourvu de bloqueur de publicité. J'ai passé un curieux moment, de ce fait, je ne saurais encore aujourd'hui dire si j'ai aimé l'expérience ou non. Mais une chose est sûre, c'est un roman qui n'oublierai pas de sitôt.
Avis aux amateurs de sensations fortes, aux aventuriers littéraires, rien que pour le style et ce dépaysement, et surtout, pour cette rencontre avec les divinités afro-antillaises, cette lecture vaut le détour.
