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Trois bonnes raisons de lire Le Prieuré de l'Oranger de Samantha Shannon
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Trois bonnes raisons de lire Le Prieuré de l'Oranger de Samantha Shannon

Nous voici réunis pour discuter du roman Le Prieuré de l’Oranger, ouvrage de Samantha Shannon, sorti en 2019 chez De Saxus pour la France. Je commencerai par dire que ce livre fut pour moi une belle surprise. Il est juste superbe. Intégral de plus de 1000 pages, une couverture jaune-orangée qui attire l’œil. Un nom qui intrigue. Si ce n’était que ça. Voici mes trois bonnes raisons de lire ce livre !

L’UNIVERS COMPLÈTEMENT NOUVEAU

Avec Samantha Shannon, l’univers classique sur le modèle médiéval fantasy ne sera pas à la carte. Cette autrice crée son propre univers, son propre type de fantasy. Nous avons d’un côté l’Ouest : l’Inys, royaume de la maison Berethnet. Un reinaume plus précisément fait de tapis d’orient, d'écorce d’orange, de grandes fenêtres pour faire passer l’air du climat étouffant. Les déserts barrent la route des voyageurs et les empêchent de rejoindre les villes, les caravanes seules se risquent sur les étendues de sable brûlant. La magie utilisée par la société secrète du Prieuré est proscrite par les Berethnet. Les dragons eux, sur le modèle de nos dragons médiévaux, ont disparu depuis bien longtemps, après la mort du Sans-Nom, tué par un ancêtre des Berethnet.

À l’opposé, par delà un océan immense, appelé l’Abysse, se trouve l’Est. Le clan des Miduchi, prestigieux dragonniers. L’eau est omniprésente, les consonances asiatiques flottent dans l’air, les dragons sont similaires à ceux de la mythologie chinoise, longs serpents sans ailes. Ici, ils sont respectés, comme des dieux.

Ces particularités qui nous frappent dès les premières pages se complètent avec une minutie historique folle. Samantha Shannon n’oublie rien : nous passons des différentes dynasties sur plusieurs générations aux fonctionnements politiques, aux contes et légendes qui varient selon l’Est et l’Ouest, ou aux différentes religions. C’est un univers vaste et documenté dans lequel on prend plaisir à plonger. Il peut déstabiliser au départ, mais une fois le pas franchi, vous ne le regretterez pas.

LES PERSONNAGES DANS DE LA FANTASY AU FEMININ

Le Prieuré partage ses chapitres entre quatre personnages : deux hommes, Loth, proche de la maison Berethnet et ami d’enfance de Sabran, la reine. Niclays, que l’on découvre à l’Est, vieil homme exilé. Mais surtout deux femmes, Tané et Ead. La première est promise à une carrière prestigieuse de dragonnière, le rêve de sa vie. La seconde, travaillant à la cour de Sabran sous le déguisement d’une domestique, est une mage du Prieuré, là pour protéger la reine à son insu. Ce sont clairement ces deux personnages féminins qui prennent l’aval sur l’histoire, et sur leur deux homologues masculins. De par leur force de caractère, leur capacité à dépasser leur limite, leur puissance magique, leur talent au combat. Elles sont tout simplement fascinantes et, pour le dire franchement, badass. Toutefois l’autrice n’en fait pas des personnages foncièrement féministes, ou des héroïnes parfaites. Elles restent avant tout humaines. C’est ce qui fait l’attachement que l’on peut leur porter. Tané se voit déchirée entre ses ordres et ses propres désirs. Ead, elle, verra son rêve ébranlé. Elles traversent des doutes, ont peur de l'échec, se questionnent sur l’avenir, font des erreurs. Loth et Niclays aussi passent par ces étapes qui les font grandir. On s’attache même au personnage que les autres détestent, n’est-ce pas Niclays ? Un homme que l’on peut qualifier de responsable de bien des maux, mais qui apparaît aussi comme un pauvre vieil homme qui traîne ses erreurs de jeunesse, vivait heureux avec celui qu’il aimait, mais qui a tout perdu et reste figé dans un souvenir qui n’est plus.

UNE HISTOIRE AU RYTHME EN CRESCENDO

Le roman commence somme toute assez calmement. Ead surveille la chambre de la reine, la nuit. Une image de tranquillité, paisible. Tané est dehors, entre mer et étoiles. C’est la veille de son test pour devenir dragonnière. Nous commençons avant l’étincelle des grands événements, la veille de l’action, même si leurs racines prennent déjà : Tané fait une découverte et s’inquiète que sa sortie interdite soit signalée, la reine Sabran cauchemarde sur les dragons. L’histoire accélère au fur et à mesure que les deux histoires, Est et Ouest, assez divergentes au départ, finissent par se rattacher et créer une intrigue commune. Le rythme n’en finit de grimper jusqu’à atteindre son point culminant, durant la bataille navale, accompagnée des dragons. Une fois entamé, on ne le lâche plus !

Dans ce rythme, il faut aussi parler du style d’écriture de l’autrice, partie intégrante. Dans le Prieuré, il est assez poétique. Les parties, qui organisent le livre, commencent par exemple avec des citations. Des auteurs japonais anonymes, des extraits de pièces Shakespeariennes. A travers le texte, nous lisons des phrases comme “ne cherche pas le soleil de minuit sur terre, car il est en toi” ou “Mon cœur connaît ton chant, et il en va de même pour le tien. Je te reviendrai toujours. Une poésie un brin lyrique selon les scènes, pour les personnages de la cour. La situation change lorsque ce sont les pirates qui discutent, avec des abréviations, et un langage plus cru, terre à terre. Shannon jongle entre les niveaux de langues et les figures à y assimiler. C’est un style accueillant, chaleureux, qui fait entrer le lecteur sans difficulté, sous une plume qui fait plaisir à lire.

Au discours de qui a-t-il bien pu se fier pour ainsi se lancer sur la mer redoutable aux vagues hurlantes”. Il s’agit d’une citation d’un anonyme japonais, placé en début de partie par l’autrice. Tout comme le “il” de cette phrase, jetez vous à l’eau et n’hésitez pas un instant pour découvrir l’univers déroutant de ce livre de fantasy orientale et asiatique, ces personnages féminins de premier plan et ce rythme qui monte crescendo !

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