Éric Lysøe
U. Blaise-Pascal Clermont-Ferrand, Celis (EA 4280)
Éric Lysøe est professeur de littérature comparée à l’Université Clermont-Auvergne. Spécialiste du fantastique, il a publié de nombreux essais sur des auteurs américains, anglais, français ou belges : Les Kermesses de l’Étrange (Nizet, 1993), Les Histoires extraordinaires, grotesques et sérieuses d’Edgar A. Poe (Gallimard, 1999), Les Voies du silence (P.U.L., 2000), Erckmann-Chatrian au carrefour du fantastique (P.U.S., 2004), Littératures fantastiques (Labor, 2003-2005, 3 vol.), Ombre et lumière dans la poésie belge et suisse de langue française (avec P. Schnyder, P.U.S., 2007)), Signes de feu, Entre tensions et passions. (Dé‑)constructions de l’espace littéraire européen (avec T. Collani, P.U.S., 2010). Spécialiste de la littérature belge, il a publié, outre Le Diable en Belgique (C.L.U.E.B., 2001) et La Belgique de l’étrange (L. Pire, 2010), plusieurs éditions critiques d’auteurs belges du XIXe ou du XXe siècle ainsi qu’un manuscrit anonyme du XVIIIe siècle : Le Voyage à Visbecq (Anacharsis, 2009). Il dirige à Bologne, avec Anna Soncini, la collection « Analyses textuelles », dans laquelle il a publié plusieurs ouvrages consacrés à des œuvres « rares » de la littérature française, tous siècles confondus (Poésies érotiques de Parny, Corydon de Gide, Trois Femmes puissantes de Marie NDiaye). Il est enfin compositeur et auteur de fictions. Quelques-unes de ses œuvres musicales sont accessibles à partir de divers sites musicaux ou multimédias (https://soundcloud.com/ric_lys-e et https://www.youtube.com/channel/UCAj19hRVtW78e3ZkMKtUiEw). Dans ses romans ou ses nouvelles, il aime à conjuguer fantastique, science-fiction et musique comme en témoignent Les Tambours du vent et autres passions musicales (Lacour, 2014), Un cerf en automne (Didier, 2013), ou sa toute récente anthologie : Musiques d’Outre-Mondes (Arkuiris, 2018).
Musique et imaginaire : Une aventure transgénérique
Les relations qu’ont nouées la musique et les littératures de l’imaginaire sont assurément anciennes et de ce fait innombrables. Sans remonter jusqu’à la tragédie grecque, on rappellera que l’histoire de l’opéra s’ouvre avec l’Orfeo de Claudio Monteverdi (1607), ouvrage que précèdent de quelques années la Dafne (1597), puis l’Euridice (1600) de Jacopo Peri. Par la suite, nombre d’opéras recourront à la mythologie ou au merveilleux, jusqu’à puiser dans les chefs d’œuvre littéraires. Qu’on songe à The Fairy Queen (1692) de Henry Purcell, inspiré d’A Midsummer Night’s Dream, ou encore à la Cendrillon (1810) d’Isouard et Étienne, pour ne rien dire de Die Zauberflöte de Mozart (1791) ou du Zoroastre de Rameau (1749). Le livret d’opéra suit à ce point l’histoire littéraire qu’il adopte même à la fin du XVIIIe l’ambiance de ce que Baculard d’Arnaud nommait le « genre sombre ». Voyez par exemple la scène du cimetière du Don Giovanni : n’est-on pas plongé dans une atmosphère semblable à celle qu’imagine Loaisel de Tréogate pour son « Vice puni »1 ? Passons sur le nombre d’opéras et mélodrames inspirés du roman gothique2. Mais plus tard, combien d’opéras les auteurs fantastiques n’ont-ils pas inspiré depuis Contes d’Hoffmann d’Offenbach (1881) jusqu’au Gormenghast d’Irmin Schmidt (1998) ?
Sommes-nous pour autant en présence de musique « merveilleuse », « gothique » ou « fantastique » ? Il est loisible d’en douter, comme on peut hésiter à qualifier de « science-fictive » une partition comme celle de Star Wars. C’est dire s’il convient d’interroger les rapports entre littératures de l’imaginaire et composition musicale par d’autres biais. Proposons-nous donc plutôt d’examiner la musique « pure », celle qui se passe du texte ou de l’image, afin d’y repérer les parallélismes qu’elle entretient avec les littératures de l’imaginaire du point de vue des genres et de leur évolution. On verra alors combien sont pertinents les changements qu’enregistrent à ce propos les notions parallèles de fantaisie et de fantastique entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Car ils permettent non seulement de saisir les modalités d’apparition du poème symphonique – genre musical directement lié à l’imaginaire –, mais encore de voir naître en plein XXe siècle une véritable science-fiction musicale.
Fantaisie et nocturne aux XVIIIe et XIXe siècles
On peut partir des titres de Hoffmann qui correspondent à deux recueils de contes sur lesquels s’est fondée la tradition fantastique : Fantasiestücke et Nächtstücke. Voilà bien des termes qui renvoient à des formes musicales. Voyons donc comment celles-ci évoluent entre le XVIIIe et le XIXe siècle. Alors qu’au XVIIe siècle la fantaisie jouit de la liberté du ricercar, au XVIIIe elle se rapproche de la forme sonate, sans jamais en suivre absolument les règles. Le résultat obtenu se traduit par une impression de collage, de succession d’épisodes. Ainsi, les premières mesures de la Fantaisie en ré mineur (1782) de Mozart se composent d’une succession de « moments » nettement distincts les uns des autres, les uns typiques du compositeur (mesure 12 à 15, par exemple), les autres annonçant déjà Beethoven (mesure 20 à 22, par exemple) :
Extrait n° 1 : Mesures 12 à 24 de la Fantaisie n°3 en ré mineur de Mozart3
Or cette technique de composition par collage se rapproche du « fantastique » tel que le définit Marmontel dans l’article « Fiction » de l’Encyclopédie : « [Le] fantastique […] est l’assemblage des genres les plus éloignés et des formes les plus disparates, sans progressions, sans proportions et sans nuances4 ».
Tout change à l’époque romantique. À partir de 1830, la fantaisie se ressent nettement de l’influence des Fantasiestücke in Callots Manier (1814-1815) de Hoffmann. L’opus 12 de Schumann se présente ainsi comme un cycle de huit pièces pour piano dont les intitulés évoquent les éléments clefs de l’esthétique hoffmannienne : « Au soir » [Des Abends], « Impulsion » [Aufschwung], « Pourquoi ? » [Warum?], « Chimères » [Grillen], « Dans la nuit » [In der Nacht], « Fable » [Fabel], « Confusions oniriques » [Traumeswirren], « Fin du chant » [Ende vom Lied]. Certes, ce sont les titres, et non la musique, qui suscitent ces impressions. Observons cependant la façon qu’a l’incipit de la première pièce d’hésiter entre des structures binaires et ternaires. Alors que l’accompagnement se fonde sur un motif obstiné de triolets de doubles croches, la mélodie joue quant à elle sur des triolets de croches, lesquels regroupant deux par deux les doubles croches, placent systématiquement leur deuxième note en syncope. Il s’ensuit un flottement qui, dès la troisième mesure, se traduit par un retard de l’accompagnement, et cela à l’instant même où résonne la première harmonie troublante de la pièce, un arpège de septième diminuée attaqué d’emblée sur un triton (ré ♭- sol ♮), le fameux « diabolus in musica » :
Extrait n°2 : Début de « Des Abends »,
la première des Fantastiestücke, op. 12 de Robert Schumann (1837)5.
Ne concluons pas trop vite cependant. Passons plutôt à la question du nocturne. Au XVIIIe siècle, les pièces ainsi dénommées sont des œuvres symphoniques destinées aux festivités en plein air. Elles se déploient dans l’espace de la nuit jusqu’à faire entendre de véritables effets de quadriphonie, comme ceux que ménage par exemple Mozart dans son Notturno en ré (1777). Tout change à partir de 1814 avec John Field. Le nocturne devient alors une œuvre intime, exécutée au piano. Il repose désormais pour l’essentiel sur des arpèges égrenés selon un rythme ternaire, arpèges au-dessus desquels se déploie une mélodie languissante, troublée ici ou là par un rythme de marche : ().
Extrait n°3 : Premières mesures du Nocturne en mi mineur de John Field (1814)
On remarquera, entourée d’un cercle, l’apparition du rythme de marche6.
Et c’est ce principe de superposition de motifs binaires et ternaires qu’on retrouve chez Chopin, notamment dans l’Agitato central du 3e Nocturne en si, dans le 7e en do ♯ mineur ou encore dans le 4e en fa, noté simultanément en ¾ (mesure binaire) et en 9/8 (mesure ternaire) :
Extrait n°4 : Début du Nocturne en fa de Chopin.
On notera l’apparition, dès la 3e mesure, d’un rythme de marche7.
Ainsi le nocturne romantique rejoint la fantaisie. Arpèges en triolet, mélodie marquée par un rythme binaire de marche font sens pour l’auditeur et inspirent sinon des images fantastiques, du moins un cadre propice au surgissement de l’étrange. En 1802, Beethoven publie une Sonata quasi una fantasia, œuvre dont les premières mesures annoncent déjà, par un ostinato de triolets combiné à un rythme de marche, les procédés du nocturne romantique. L’Adagio sur lequel s’ouvre la partition évoque, selon Czerny, « une scène nocturne, dans laquelle, la voix mélancolique d’un fantôme résonne au loin »8. On comprend qu’en pleine mode du fantastique cette sonate ait particulièrement suscité l’imagination hoffmannienne. En 1832, Ludwig Rellstab lui donnera le titre sous lequel l’œuvre est aujourd’hui universellement connue : « Sonate au clair de lune ».
Une forme liée au développement de l’imaginaire : le poème symphonique
Musiques intimes, interprétées par un musicien solitaire et hésitant entre des formules ternaires ou binaires, fantaisies et nocturnes transposent le fantastique dans son acception todorovienne : un genre caractérisé par une narration homodiégétique fondée sur l’hésitation entre une explication rationnelle et une explication irrationnelle des phénomènes observés. Mais de même qu’on peut élargir le domaine littéraire ainsi réduit à l’excès, on peut interroger d’autres formes musicales dont l’évolution entretient d’étroites relations avec les littératures de l’imaginaire.
Pour ma part, je plaide depuis vingt ans pour une conception non torodovienne du fantastique9. À mes yeux, le conte fantastique correspond à la zone centrale et mouvante d’un continuum qui conduit de la prose romanesque à la poésie. Or le poème symphonique occupe une situation analogue. Pour Vincent d’Indy, il « n’est plus ce que l’on a appelé de la “musique pure” sans être encore de la “musique appliquée” à des paroles »10. « Nous sommes parvenus ici, ajoute le compositeur, aux “confins indécis et lointains qui séparent la Symphonie du Drame” »11. Bref le poème symphonique occupe une situation intermédiaire entre un idéal symphonique, comparable à ce qu’est la poésie dans le champ littéraire et une forme mimétique, partant proche du roman : l’opéra. On ne s’étonne donc guère de voir Vincent d’Indy associer intuitivement le poème symphonique et la fantaisie dont on a vu à quel point elle pouvait être sœur musicale du fantastique. Selon le compositeur, la véritable « évasion des règles » qui caractérise le poème symphonique
s’accommode fort bien du mot qui la signifie : Fantaisie. Ce n’est pas sans mûre réflexion que nous ferons dans ce chapitre une place particulière à cette véritable « variété du Poème symphonique » que fut la Fantaisie12.
Ce n’est sans doute pas un hasard si c’est la Symphonie fantastique (1830) qui marque les débuts d’un type de musique descriptive que Liszt conduira jusqu’à sa forme d’expression la plus aboutie. Michel Chion n’a pas tort d’écrire : « le poème symphonique va devenir le lieu du macabre, du fantastique, de l’infernal »13. On s’épuiserait à citer les œuvres qui se fondent sur un argument emprunté ou imité des arts et littératures de l’imaginaire. Nuit sur le Mont Chauve (1867) de Moussorgski, Danse macabre (1874) de Saint-Saëns, Cygne de Tuonela (1895) de Sibelius ou Île des morts (1909) de Rachmaninov : combien de partitions nous entraînent parmi les sorcières, les squelettes ou dans les parages des enfers ! Combien d’autres retracent les contours des ballades allemandes qui marquèrent tant les amateurs de fantastique, de la Lénore (1870) de Joachim Raff14 à L’Apprenti sorcier (1897) de Paul Dukas en passant par Le Chasseur maudit (1883) de César Frank.
Signe d’une évolution parallèle des lettres et de la musique, le poème symphonique qui fait ainsi ses débuts sous le signe de l’Allemagne va bientôt découvrir les délices du fantastique psychologique à la Poe. Leoš Janáček, par exemple, s’intéresse aux cauchemars de la Jalousie[Zárlivost]15. À côté de contes merveilleux noirs comme L’Ondin [Vodník, 1896] ou Le Rouet d’or [Zlatý kolovrat, 1896], et cédant parfois aux charmes de l’horreur comme La Sorcière de midi [Polednice, 1896], Dvorak transpose dans La Colombe sauvage [Holoubek, 1899] un sujet qui pourrait avoir été puisé chez un Maupassant ou un Rodenbach. Coupable d’avoir assassiné son mari, une femme se sent poursuivie par le remords. Pareille à un certain chat noir, une colombe blanche nichée au-dessus de la tombe de sa victime la poussera au suicide…
Certes, c’est ici l’argument qui rend sensible la tendance qu’ont la forme musicale et son homologue littéraire à suivre une évolution parallèle. Peut-on cependant aller plus loin, et pénétrer dans l’organisation du poème symphonique ? Si l’on accepte de considérer que le conte fantastique se fonde sur des « signes doubles »16, on peut retrouver les mêmes principes organisationnels dans bien des poèmes symphoniques. De même que Poe fait de sa Maison Usher une demeure et tout à la fois une famille, nombre de compositeurs de musique à programme jouent de formules à double entente.
Un premier procédé consiste à prendre en compte de façon simultanée des caractéristiques sonores et conceptuelles d’un élément musical – instrument ou motif. Ainsi Paul Dukas, en privilégiant les bois dans son Apprenti sorcier, produit cette couleur singulière qui vise à souligner le rôle spécifique joué par le basson. Or si l’instrument s’identifie au balai, c’est pour une raison extra-musicale tenant à sa forme. Comme l’écrivait déjà le Père Mersenne,
Ces espèces de basses se brisent en deux parties pour pouvoir être portées et maniées plus commodément : c’est pourquoi on les appelle « fagots » à raison qu’elles ressemblent à deux morceaux de bois qui sont liés et fagotés ensemble17.
Quel instrument était mieux désigné pour incarner le balai magique que l’apprenti finit par mettre en pièces ? Et c’est pour une raison analogue que Sibelius privilégie le cor anglais dans son Cygne de Tuonela. L’instrument présente en effet ce bocal si caractéristique qui, dit-on, le fit tout d’abord baptiser en France « corps anglé » et qui lui fait comme un col de cygne.
Ce dualisme se retrouve également dans les principes compositionnels. C’est en effet avec le poème symphonique que l’organisation bi-thématique propre à la forme sonate trouve sa signification extra-musicale. La dramaturgie que transpose la partition repose sur un mode d’opposition radicale entre un principe rythmique et un principe mélodique. Et ce sont ces thèmes « masculin » et « féminin » que les compositeurs vont traiter comme autant de matrices, au sens que Michael Riffaterre donne à ce mot18. Ces énoncés minimaux engendrent en effet le texte musical à partir de deux opérations principales dont j’ai pu montrer à quel point elles étaient impliquées dans le développement du texte fantastique ou de science-fiction : l’expansion et la conversion19. La première se traduit par l’actualisation de chacun des sèmes entrant dans la composition de la matrice. C’est ainsi que Rosny donne à ses créatures toutes les qualités de l’esprit. Xypéhuz, Moedigen et autres Ethéraux sont doués d’une vivacité, d’une forme d’abstraction et de qualités lumineuses tout à fait exceptionnelles. La seconde opération consiste à modifier en fonction d’un facteur unique les constituants de la matrice. C’est ainsi que Poe imagine l’eau de Tsalal à partir des caractéristiques du bois : fibreuse et opaque, elle est colorée et ne réfléchit pas la lumière.
Du côté de la musique, La Danse macabre de Saint-Saens propose un exemple de développement en expansion. L’œuvre se structure tout entière autour d’un thème fait de deux parties contradictoires, l’une, A, essentiellement rythmique, l’autre, B plus mélodique. La première, resserrée sur un intervalle de tierce : sol – si ♭, commence en sol mineur avant de se transposer sur l’intervalle la ♭ – do. La seconde, beaucoup plus ample, joue sur les différences entre le mineur ascendant et descendant.
Extrait n°5 : Les parties A et B du premier thème de La Danse macabre20.
Toutefois, ces deux segments ne constituent pas à proprement parler des entités distinctes. Exposés le premier aux flûtes et le second au violon solo, ils passent l’un comme l’autre des bois aux cordes et sont soutenus par le même type d’accompagnement. À la fin du morceau, ils opèrent même une curieuse fusion. Un second thème apparaît qui par son caractère mélancolique, rappelle le segment B par la descente fa-mi-mi ♭-ré. Dans le même temps, il réinterprète la tierce mineure du segment A, jouée en contre-chant. Il prépare ainsi la superposition finale des parties A et B :
Extrait n°6 : Le second thème de La Danse macabre21.
Nous sommes là devant une vision particulièrement ambiguë. Au segment A qui, lorsqu’il est interprété au xylophone, fait songer à une valse de squelettes répond le motif mélancolique à travers lequel le violon solo perd désormais toutes ses connotations ironiques.
Comme l’expansion, la conversion trouve à se transposer musicalement dans le poème symphonique. Sous sa forme la plus simple, elle offre au compositeur l’occasion de tirer son auditoire de ses habitudes musicales par l’utilisation d’une mélodie, d’une harmonie, d’un instrument à contre-emploi. Anticipant sur les premières mesures du Sacre du Printemps, le basson de la Shéhérazade de Rimski-Korsakov procède de ce genre d’effet. Mais la forme la plus intéressante du procédé consiste à jouer d’une citation musicale pour la transfigurer totalement. Ainsi en va-t-il du 5e mouvement de la Symphonie fantastique, où le Dies irae, entonné d’abord par les tubas accompagnés de cloches sinistres, voit son rythme accélérer jusqu’à devenir une danse gaillarde et sardonique :
Extrait n°7 : Les interprétations successives du Dies Irae dans la Symphonie fantastique de Berlioz22.
Quoique sur un tout autre registre, Rimski-Korsakov fait un usage voisin des motifs de la liturgie orthodoxe dans sa Grande Pâque russe (1888). L’« Andante lugubre », qui constitue le second mouvement de l’ouvrage, représente ainsi, à en croire le compositeur, « le Saint Sépulcre s’illuminant d’une lumière ineffable au moment de la résurrection »23…
Fantastique et science-fiction musicale au XXe siècle
Ainsi peut-on dire que, durant le XIXe siècle, les littératures de l’imaginaire trouvent leurs correspondants dans deux formes, la fantaisie-nocturne qui correspondrait plus précisément au conte fantastique à la première personne, et le poème symphonique qui correspondrait à une conception plus large du genre.
Or l’exceptionnel succès de ces formes musicales durant le XIXe siècle ne semble guère se maintenir après la Première Guerre mondiale. Alors que l’époque décadente voit se multiplier les poèmes symphoniques à arguments fantastiques, légendaires ou mythiques, alors que le répertoire des pianistes s’ouvre à toute une série d’œuvres insolites – Fantaisie diabolique (1874) d’Alfred Warren, Teutates, fantaisie mystique d’A. Corbin (1886) –, à partir de 1920, la production s’étiole tant du côté de la musique à programme que du côté des nocturnes et autres fantaisies. On peut penser qu’avec ses Six Nocturnes (1919), qui déconstruisent la formule imaginée par Field, Erik Satie enterre définitivement le genre. Certes, dix ans plus tard, Francis Poulenc publie un cycle de Huit Nocturnes. Toutefois, et même si la quatrième pièce du volume porte le sous-titre de « Bal fantôme », l’ensemble est dépourvu de toute forme d’hésitation entre les formules binaires et ternaires. Il en va de même dans le Nocturne pour piano seul que Gustav Holst compose en 1930. Béla Bartók écrit bien une Night’s Music en 1926, mais c’est une œuvre pour orchestre où le compositeur tente de restituer les bruits nocturnes de la nature. Honneger va encore plus loin. Chez lui, le nocturne redevient la pièce orchestrale qu’elle était au XVIIIe siècle avec ses jeux d’échos emplissant tout l’espace24. Benjamin Britten se signale pourtant à l’attention du public lors de la création, en 1932, de sa Phantasy qui, comme les Nocturnes de Field, joue sur l’alternance et la superposition de rythmes ternaires et binaires, mais là encore il ne s’agit plus d’une pièce intime écrite pour le piano. Quelques années plus tard, le compositeur publie un Nocturne qui, s’il évoque accessoirement le « revolting succubus »25, ne reprend aucun des traits caractéristiques que lui ont conférés les romantiques et se présente d’ailleurs comme une œuvre pour voix et piano. Il faut attendre 1963 pour entendre la Night Piece (Notturno) pour piano seul, et retrouver, dans une partition de Britten, ces jeux ternaires et binaires qui caractérisent le genre.
De la même façon, le poème symphonique semble disparaître au moins pour un temps au lendemain de la Première Guerre mondiale. Comme l’écrivent Eugène de Montalembert et Claude Abromont :
Si le genre du poème symphonique s’est éteint après Sibelius, cela est peut-être dû à l’extension de la notion de suite symphonique, qui allait prendre le relais, mais surtout à l’apparition d’un média nouveau, le cinéma, qui allait solliciter les compositeurs possédant l’art d’exprimer musicalement une situation dramatique26.
Le grand poème symphonique de Gustav Holst, Les Planètes [The Planets], est créé en 1918, et son argument n’est que vaguement mythologique. La même année, Rued Landgaard signe sa Musique des Sphères [Sfærernes Musik], qui nous plonge dans une atmosphère de création du monde mais passera quasiment inaperçue. Certes, on peut mettre en avant des ouvrages de premier plan, tel Pacific 231 (1923) d’Arthur Honnegger, en soulignant que la locomotive s’y manifeste d’emblée comme une sorte de monstre antédiluvien. Mais une partition de cette ampleur fait figure d’exception. Le poème symphonique s’essouffle visiblement. L’œuvre de Poe, pour ne prendre que cet exemple, n’inspire que des compositeurs de second rang, à l’exception d’André Caplet, dont Le Masque de la Mort rouge (1925) n’est pas toutefois un poème symphonique au sens habituel du terme27. On pourrait certes citer Josef Holbrooke qui se fit une spécialité de transcrire musicalement non seulement certains contes, mais encore certaines pièces en vers d’Edgar Allan Poe. On doit reconnaître cependant que l’audience de telles œuvres est restée fort limitée. En réalité la plupart des compositeurs reconnus mettent les capacités descriptives de leur musique au service de la danse. Déjà l’étonnant Festin de l’araignée d’Albert Roussel, et bien sûr le Sacre du printemps étaient de la musique de ballet. Sur ce modèle, Darius Milhaud donne en 1923 sa Création du monde, et l’année suivante son Train bleu, tandis que Francis Poulenc fait jouer Les Biches et qu’un peu plus tard Désiré Inghelbrecht s’inspire de Poe pour son Diable dans le beffroi (1927), ouvrage destiné lui aussi à la danse.
Bref, le poème symphonique, tout comme la fantaisie ou le nocturne, connaît la même désaffection que les littératures de l’imaginaire, rejetées, en France comme aux États-Unis, quoique pour des raisons différentes, dans l’enfer des paralittératures. Outre le ballet, la musique descriptive ne trouve comme débouché que le cinéma – art dont la légitimité est alors fort discutée – et qui, notamment dès l’instant où il devient sonore, reprend volontiers des arguments tirés des littératures de l’imaginaire. Une fois de plus, genres musicaux et littéraires semblent évoluer de conserve.
Un premier changement se manifeste au sortir de la Seconde Guerre mondiale. En 1947, Harry Revel et Leslie Baxter enregistrent Music out of the Moon. Or l’album associe curieusement les traditions savantes et populaires. Il présente une série de titres évocateurs : Celestial Nocturne, Lunar Rhapsody – pour ne pas dire Lunar Fantasy28 ! Les deux compositeurs n’ont donc pas perdu de vue la tradition fantastique. Parallèlement, la pochette du disque, qui présente l’actrice Virginia Clark allongée dans une pose lascive sur un sol censément lunaire, parodie les couvertures de magazines tels que Weird Tales (voir images 1-2). Dans le même temps, Revel et Baxter font appel à un objet chantant non identifié, le thérémine, et c’est pour attribuer à cet instrument, inventé en 1928, une fonction de signe double comparable à celle du basson dans L’Apprenti sorcier. Sa sonorité, ses glissandi qui l’apparentent à la scie musicale, déstabilisent l’auditeur par des résonances « extra-terrestres ». Et la technique de jeu renforce ce caractère éthéré : l’interprète en effet déplace ses mains dans le vide, au voisinage de deux antennes (voir image 3). L’instrument a été de ce fait d’emblée associé à l’étrange et au fantastique. Dès 1944, Martinů compose une Fantaisie où l’entrée du thérémine est précédée d’un passage dans lequel les triolets du piano luttent avec un rythme de marche. Ainsi, chez ce compositeur de premier plan, l’instrument s’associe à cette forme d’écriture spécifique qui conjugue le nocturne et la fantaisie. Et c’est bien cette tradition que Revel et Baxter associent à la culture populaire, entre autres dans leur Celestial Nocturne29 que caractérise un net flottement rythmique comme toute une série d’arpèges et qui renouvelle ainsi des procédés mis au point par John Field un siècle et demi plus tôt.
Images 1 et 2 : la pochette de Music out of the Moon (Disques Capitol) et une couverture de Weird Tales (septembre 1934).
Image 3 : Leon Theremin jouant de l’instrument qu’il inventa en 1928.
Par sa capacité à reconsidérer les formes romantiques, Music out of the Moon demeure toutefois une exception. Il faudra attendre plus de 20 ans pour voir réellement évoluer les choses. Jusqu’en 1970, la musique tout comme les littératures de l’imaginaire restent cantonnées dans les productions de la contre-culture. Après le jazz, c’est ainsi le rock qui prend le relais. Les références à la science-fiction, à la fantasy ou au fantastique se multiplient, mais c’est toujours dans le cadre de chansons. Peu à peu toutefois, quelques éléments de musique à programme s’infusent dans les partitions. La partie vocale se réduit ou, comme chez Magma, Kraftwerk et Mike Olfield, tend à perdre toute signification linguistique. Les passages instrumentaux se développent et renouent avec le poème symphonique. La sortie concomitante en 1971 de deux albums d’Emerson, Lake and Palmer : Pictures at an Exhibition et Tarkus, témoigne du phénomène. La première des ces deux œuvres – que son compositeur, Moussorgski, destinait au piano – avait déjà été transformée en suite symphonique par Ravel. En réorchestrant l’ouvrage à leur façon, Emerson, Lake and Palmer se placent donc sous le signe de la musique à programme. Partant, ils définissent une formule qui est également celle de Tarkus30. De fait, si trois des sept pièces composant cette seconde œuvre empruntent leur forme à la chanson, l’importance des sections purement instrumentales apparente le tout à un véritable poème symphonique. Et l’argument que développe celui-ci relève typiquement du registre de la science-fiction en ce qu’il met en scène un cauchemar de l’évolution : le Tarkus, moitié tatou, moitié char de combat. En 1970, et tout en faisant un clin d’œil au Cœur révélateur d’Edgar Allan Poe, Atom Hearth Mother, où le Pink Floyd retraçait les sensations d’une femme équipée d’un stimulateur cardiaque, annonçait déjà ce retour au poème symphonique31. L’année suivante, les Allemands du Tangerine Dream utilisaient eux aussi le style instrumental à des fins descriptives. Alpha Centauri montre l’homme, symbolisé par une simple flûte, perdu dans l’immensité stellaire32. En 1974, avec La Musique d’Erich Zahn, le groupe belge Univers Zéro proposait à son tour une transposition exclusivement musicale d’un texte de Lovecraft33.
Cette inclination au rock instrumental associé aux littératures de l’imaginaire se retrouve bientôt dans la musique pour jeux vidéo. Nécessairement dépourvues de paroles à l’origine, les ritournelles des premières réalisations laissent place à des compositions qui reprennent certains aspects de la suite symphonique. Les relations étroites qui se nouent entre cette nouvelle forme de musique populaire, l’univers du rock, la musique symphonique et les motifs propres aux littératures de l’imaginaire trouvent ainsi à s’incarner dans l’œuvre de Nobuo Uematsu. Musicien de rock, le compositeur écrit la musique des onze premiers épisodes de Final Fantasy (1987-2002). Puis il fonde un groupe de « métal progressif », The Black Mages, avec lequel il réorchestre les principaux thèmes du jeu vidéo.
Il est néanmoins impossible de mentionner ici tous les compositeurs qui ont de la sorte redonné au grand public le goût des œuvres instrumentales en mêlant sons de synthèse, sons échantillonnés et instruments réels : Kōji Kondō, avec La Légende de Zelda (1986)34, Stéphane Picq avec Dune : Spice Opera (1992)35, Pierre Estève avec Atlantis (1997 36), Motoï Sakuraba avec Valkyrie Profile (1999)37, etc. Plutôt que de multiplier les noms et les titres, on préférera souligner combien l’univers du multimédia – comme d’un autre côté celui du cinéma – a favorisé le retour à des formes qui ont été traditionnellement associées aux littératures de l’imaginaire. L’œuvre de Graham Plowman en fournit la preuve manifeste. Ce jeune compositeur irlandais est l’auteur de bandes-sons pour eBooks « enrichis », pour jeux et applications iPhone ou iPad38. Il a notamment mis en musique, pour en accompagner ou en compléter la lecture : Herbert West Reanimator et Dagon de Lovecraft, The Tell-Tale Heart de Poe ou encore Time Machine de Wells39. Mais il est aussi l’auteur d’une suite en forme de poème symphonique avec chœur, The Call of Cthulhu (2012), dont les trois mouvements calquent très exactement les trois parties du conte de Lovecraft40.
Cette expérience peut se rapprocher de celle, pionnière, d’Arno Alyvan et de la « bande originale » de La Horde du contrevent dont un enregistrement accompagnait la première édition du roman d’Alain Damasio en 2004 41. Autant de signes de la renaissance du poème symphonique et de ses liens étroits avec les littératures de l’imaginaire. Les dernières années du XXe siècle voient apparaître une quantité de jeunes compositeurs qui, quoique directement inspirés par la contre-culture, s’affirment en héritiers des compositeurs romantiques : Lowell Lieberman42, Pierre Thilloy43, Juha-Matti Ojanperä44 ou Alexey Kurbatov45. Leurs œuvres renouent avec ces structures bi-thématiques issues d’une matrice formelle qui caractérisaient les compositions de Dukas ou de Saint-Saëns. Alexey Kurbatov construit ainsi l’ensemble de sa version musicale de Time Machine sur l’opposition entre un thème mélodique et un thème rythmique. Jouée aux premiers violons, une séquence de huit notes apparaît dès les premières mesures. Clairement binaire, elle va se trouver répétée, variée et développée dans une bonne partie de l’œuvre :
Extrait n°8 : Mesures 1 à 6 de Time Machine d’Alexey Kurbatov46.
(reproduit avec l’aimable autorisation du compositeur)
Dès la mesure 39 cependant, les bois énoncent un motif rythmique, fondé sur des triolets de doubles croches, motif qui prendra toute son ampleur à partir de la mesure 124 :
Extrait n°8 : Mesures 37 à 39 de Time Machine47.
(reproduit avec l’aimable autorisation du compositeur)
À l’inverse, At the Mountain of Madness d’Ojanperä répète obstinément le même motif rythmique aux cordes et percussions : , mais c’est pour l’interrompre brusquement au milieu de la partition et isoler un élément mélodique jusqu’alors dissimulé dans la masse orchestrale48.
Cette prise en compte de la structure bi-thématique, propre à tant de poèmes en prose romantiques engendre une réflexion spécifique chez les compositeurs que passionnent les recherches sonores. Chez eux, comme chez Dukas ou Sibelius, l’instrument assure pleinement sa fonction de signe double. Le thérémine est ainsi remis à l’honneur. Il redevient de la sorte un marqueur de musique spatiale chez Martin Ulikhanyan, auteur de Space Vocalise for theremin and orchestra (2010)49. Plus largement, les modes d’utilisation et de production sonore électronique jouent fréquemment sur un double registre, celui de l’effet musical proprement dit et celui des connotations « futuristes ». Certaines formules de musique répétitive engendrent dès lors presque automatiquement dans l’esprit de l’auditeur l’image de robots. C’est le cas des œuvres de Pierre Bastien, compositeur qui excelle dans la construction de machines musiciennes, réalisées à partir d’objets recyclés et d’éléments de meccano, assemblages qui, sur le plan visuel, le rattache au courant « steampunk ». Les premières mesures de sa Rousselliana (2010)50 font inévitablement penser à la « hie » de Martial Canterel, ce curieux instrument de pavage qui compose des mosaïques de dents humaines au second chapitre de Locus Solus51. Les « robots musicaux » de David Fenech produisent un effet analogue notamment lorsqu’on les voit à l’œuvre dans Octoservo (2010)52 et qu’on les imagine volontiers comme huit esclaves électroniques jouant chacun sa partition.
Le plus étonnant néanmoins est que ce renouveau du poème symphonique s’accompagne d’un regain de faveur pour le nocturne et la fantaisie. En 1997, Einojuhani Rautavaar écrit un poème symphonique inspiré des Aventures d’Arthur Gordon Pym, et c’est pour l’intituler : On the Last Frontier, Fantasy for Chorus and Orchestra53. De son côté, le japonais Joe Hisaishi, après avoir tiré un poème symphonique de sa musique pour Nausicaä de la vallée du vent54, en adapte le thème principal sous la forme d’une fantaisie pour piano dans laquelle il prend soin d’amplifier les superpositions de rythmes ternaires et binaires55. Et, de ce point de vue, les compositeurs de jeux vidéo ne sont pas en reste. En 1997, Michuru Yamane signe la musique du second épisode de Castelvania. Elle ne se satisfait pas du sous-titre évocateur que porte le volume : Symphony of the Night. Elle y introduit un « Moonlight Nocturne » dont la double référence à Beethoven et à Field est particulièrement évidente56. Un an plus tard, alors qu’il compose la musique de l’Ocarina of Time, un épisode de La Légende de Zelda, Kōji Kondō imagine à son tour un « Nocturne of Shadow »57. Bref la fantaisie et le nocturne reviennent au goût du jour. Or c’est bien pour renouer avec leurs attributs romantiques et parallèlement avec les littératures de l’imaginaire. Entre 1986 et 2010, Lowell Liebermann publie onze nocturnes qui superposent régulièrement les rythmes ternaires et binaires58. En 1993, le compositeur publie même une Sonata notturna où les procédés romantiques sont encore plus évidents59. Entre 2009 et 2011, Jeffrey Harrington – auteur d’une Tango-Phantasmagoria et d’une Tango-Phantasie – écrit une série de sept nocturnes dont le titre général : Oceania rappelle à quel point cette forme musicale, dans son acception romantique, associe les figures d’arpèges aux mouvements de l’eau60. C’est ce que confirme d’ailleurs le titre de plusieurs pièces qui, pour la plupart et de façon parfois très subtile, jouent sur l’indécision entre des formules rythmiques à 2 et à 3 temps !61
Ainsi genres musicaux et littéraires ont-il connu, sous le signe de l’imaginaire, une évolution parallèle dont il resterait bien d’autres manifestations à examiner. On se contentera de souligner pour finir l’étonnante plasticité de ces formes musicales. Au XIXe siècle, elles inscrivaient les scènes nocturnes ou la lutte des motifs rythmiques et mélodiques dans la tempête des passions. À présent, elles disent la solitude de l’homme dans l’immensité du cosmos. Hier, elles évoquaient le monde équivoque du fantastique hoffmannien ou poesque. Aujourd’hui, elles transposent plutôt les images de la science-fiction ou du fantastique cosmique d’un Lovecraft. Tout comme Tangerine Dream opposait, dans Alpha Centauri, les grandes nappes de synthétiseur à la mélodie d’une simple flûte, les créateurs d’aujourd’hui recherchent l’unité mais aussi la puissance de leurs œuvres dans un système de contrastes où des rythmes martelés, auxquels une orchestration ample donne parfois des allures martiales, alternent ou composent avec des mélodies éthérées, plus ou moins étranges et volontiers passionnées. C’est ce caractère épique qui conduit certains critiques grincheux à classer parfois ces jeunes auteurs parmi les représentants d’un style « néo-pompier, assommant par [leur] verbiage et [leur] mégalomanie sonore »62. Erreur impardonnable, car en assurant ainsi le passage de l’intime au collectif, leurs œuvres soulignent le caractère dérisoire de l’Anthropos face au Cosmos et accompagnent les visions angoissées que produit dans l’art comme dans la littérature notre bonne vieille (?) société postmoderne.
Université de l'imaginaire / CERLI – Arts et littératures de l’imaginaire
1. Les Soirées de mélancolie, Paris, Moutard, 1777.
2. On rappellera malgré tout ici les traits saillants de cette histoire. En 1798, sur une musique du « citoyen Froment », Nicolas Cammaille-Saint-Aubin et César Ribié donnent une « comédie en cinq actes, mêlée de chants » inspirée du Moine de Lewis (Paris, Barba, an VI), tandis qu’Alexandre Duval s’associe à Domenico Della Maria le temps d’un ouvrage du même genre, mais inspiré cette fois d’Ann Radcliffe : Le Vieux Château ou la Rencontre. En 1848, cette veine gothique ne s’est pas éteinte. Germain Delavigne et François Benoist, organiste et compositeur – il a écrit la musique d’un ballet sur le Diable amoureux –, donnent avec leur Apparition une adaptation partielle du Moine de Lewis tandis que le même Delavigne, épaulé cette fois par Eugène Scribe, fait représenter en 1852 une adaptation des Mystères d’Udolphe sur une musique de Louis Clapisson.
3. https://www.youtube.com/watch?v=H70WJS4ruzo ; à partir de 0:47.
4. Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Paris, Briasson et al., 1751, t. vi, p. 682.
5. https://www.youtube.com/watch?v=-WiTegtsai0.
6. https://www.youtube.com/watch?v=-sp42s6gqxU.
7. https://www.youtube.com/watch?v=t2NubKdhaMs.
8. Czerny, Über den richtigen Vortrag der sämtlichen Beethoven’schen Klavierwerke, [1846] Vienne, Taschenbuch, 1970, p. 43 ; cité par Timothy Jones. Beethoven, the Moonlight and Other Sonatas, op. 27 and op. 31, Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 43 : « a nocturnal scene, in which a mournful ghostly voice sounds from the distance ».
9. Voir Éric Lysøe, Les Kermesses de l’étrange, Paris, Nizet, 1993.
10. Vincent d’Indy [et Auguste Serieyx], Cours de composition musicale, Paris, Durand, 1903, t. II, p. 297.
11. Ibid., p. 298. Les guillemets sont de Vincent d’Indy qui cite les propos tenus dans l’introduction du volume, p. 8.
12. Ibid., p. 299.
13. Le Poème Symphonique et la musique à programme, Paris, Fayard, 1993, p. 72.
14. Même si l’ouvrage est considéré comme la cinquième symphonie du compositeur, il se présente sous la forme d’un poème symphonique en plusieurs mouvements.
15. Ce poème symphonique est tiré de l’ouverture d’un des opéras du compositeur, Její pastorkyňa, 1904.
16. Éric Lysøe, « Pour une théorie générale du fantastique », Colloquium Helveticum, n°33, 2002, p. 37-66.
17. « Des instruments. Livre v. Proposition xxxii », Harmonie universelle, Paris, Sebastien Cramoisy, 1636, t. iii, p. 298.
18. Voir Michael Riffaterre, Sémiotique de la poésie [Semiotics of Poetry, 1978], Paris, Seuil, « Poétique », 1983, p. 67-106.
19. Éric Lysøe, « Pour une poétique des littératures de l’imaginaire », in Anne Besson et Évelyne Jacquelin, Poétiques du merveilleux, Arras, APU, « Etudes littéraires, 2015, p. 37-56.
20. https://www.youtube.com/watch?v=ytpqcJ1IfoA ; à partir de 1:08 et de 1:24.
21. https://www.youtube.com/watch?v=ytpqcJ1IfoA ; à partir de 5:33.
22. https://www.youtube.com/watch?v=cao6WyF-61s ; à partir de 3:16.
23. « The gloomy colours of the Andante lugubre seemed to depict the holly sepulchre that had shone with ineffable light at the moment of the resurrection » (My Musical Life, New York, Knopf, 1923, p. 249). Pour un enregistrement complet de l’œuvre : https://www.youtube.com/watch?v=4ao6j0tuMeQ (l’andante commence à 1:29).
24. Voir son Nocturne, op. 102, de 1936.
25. Britten met en musique un poème de Wystan Hugh Auden qui évoque la nuit tombant paisiblement sur le monde alentour. Le « revolting succubus » y apparaît trois vers avant la fin, dans le souhait qu’exprime le poète de le voir épargner le sommeil des hommes.
26. Guide des genres de la musique occidentale, Paris, Fayard-Lemoine, 2010, p. 969.
27. Son matériel orchestral se réduit en effet à une harpe et un quatuor à cordes.
28. https://www.youtube.com/watch?v=dawxnlRTgE8.
29. https://www.youtube.com/watch?v=LA39KOIp54E.
30. https://www.youtube.com/watch?v=WKNOlDtZluU.
31. https://www.youtube.com/watch?v=Fku7hi5kI-c.
32. https://www.youtube.com/watch?v=fOYddvUeBs4.
33. https://www.youtube.com/watch?v=xjbIVnoVmv4.
34. https://www.youtube.com/watch?v=oXJ-AeHAKKE.
35. https://www.youtube.com/watch?v=IF_0W1cYPYo.
36. Le premier opus est réalisé avec Stéphane Picq (https://www.youtube.com/watch?v=UGv684as3zo). La musique d’Atlantis II est, elle, du seul Pierre Estève (https://www.youtube.com/watch?v=8LQOsSin6-4).
37. https://www.youtube.com/watch?v=LvURhklpwAE.
38. L’application pour laquelle écrit principalement Graham Plowman est Booktrak™, dont le développeur prétend qu’elle « ajoute aux livres électroniques une bande-son digne du cinéma afin de procurer au lecteur une expérience hypnotique » (« Booktrack™ adds movie-like soundtracks to eBooks for a mesmerizing reading experience »).
39. De ces quatre livres numériques enrichis, publiés par Booktrack en 2014, seuls trois sont encore accessibles : Dagon (https://www.booktrack.com/), The Tale Tell Heart (https://www.booktrack.com/content/read/b74a6d53bfcd434b9e85aeaec0bf47ae?bp91894=1) et Time Machine (https://www.booktrack.com/content/read/b66ac5f528d94a609374b395162d1c37?bp65339=1&bp2082=1). On peut cependant écouter la bande son de Herbert West Reanimator sur différents sites musicaux ou multimédias (sur YouTube par exemple : https://www.youtube.com/watch?v=wluAGVWHdYQ)
40. « The Horror in the Clay » : https://www.youtube.com/watch?v=uV5Sd9QZwwM ; « The Tale of Inspector Legrasse » : https://www.youtube.com/watch?v=bAVPmfmgmGs ; « The Madness from the Sea » : https://www.youtube.com/watch?v=aQGhqu3nJrM
41. https://www.youtube.com/watch?v=z3waPumsp3k. Il faut noter cependant qu’à la différence de l’œuvre de Plowman, celle d’Alyvan recourt à des voix, il est vrai utilisées parfois comme de véritables instruments, mais parfois encore comme vecteurs de textes récités selon le principe de l’ancien mélodrame. Suivant la voie tracée par La Horde du contrevent, Jacques Barbéri a publié en 2008 son roman Narcose, qu’accompagne un CD constituant la « bande originale du livre » : Une soirée au Lemno’s Club, par The Flying Star Fish (https://www.youtube.com/watch?v=f7w3iKxzWsQ&t=11s).
42. The Domain of Arnheim (1990), pas d’enregistrement disponible en ligne.
43. L’Homme apocalyptique (1999), pas d’enregistrement disponible en ligne.
44. At the Moutains of Madness (2012) : https://www.youtube.com/watch?v=OvM2QtCxjk4.
45. Time Machine [Машина времени (2011) : https://www.youtube.com/watch?v=QSoUkUT_Mtg] ; V.A.L.I.S. (2012) : http://classical-music-online.net/en/production/21399.
46. https://www.youtube.com/watch?v=QSoUkUT_Mtg.
47. https://www.youtube.com/watch?v=QSoUkUT_Mtg, à partir de 1:23
48. https://www.youtube.com/watch?v=OvM2QtCxjk4.
49. https://www.youtube.com/watch?v=sxJIl73tJps.
50. https://www.bbc.co.uk/music/tracks/nnwqcz.
51. Le compositeur est auteur d’une thèse de littérature consacrée à Raymond Roussel.
52. https://davidfenech.fr/wp/wp-content/uploads/2010/03/DavidFenech_Octoservo.mp3.
53. https://www.youtube.com/watch?v=0VMPXXwQIJw.
54. https://www.youtube.com/watch?v=JPGf8J-7T5c.
55. https://www.youtube.com/watch?v=a5wzc440KYo.
56. https://www.youtube.com/watch?v=k5Clwq4gBxk.
57. https://www.youtube.com/watch?v=kh2raO1Kmmk.
58. Voir par exemple le nocturne n°8, à la 32e mesure (https://www.youtube.com/watch?v=Sivd3ukh89k, à partir de 2:07).
59. Sonata n°2, op. 10 (https://www.youtube.com/watch?v=3XvTkKnWFV0).
60. Seules les partitions sont disponibles en ligne : https://imslp.org/wiki/Category:Harrington,_Jeffrey_Michael.
61. Ainsi le premier nocturne, « The Song of the Waves on the Shells », est écrit en 12/8, mesure ternaire donc. Pourtant la première mesure s’ouvre sur un rythme de marche.
62. Philippe Cassart, « Petites Théories du philosophe-mélomane », La République des livres, 1er juin 2013 (http://larepubliquedeslivres.com/petites-theories-de-philosophe-melomane, consulté le 22 juillet 2017).
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