Le Maître du Haut Château

Le Maître du Haut Château

Philip K. Dick (1928-1982) est un auteur américain prolifique connu pour ses romans, ses  nouvelles et ses essais de science-fiction. Il a écrit plus d’une soixantaine de nouvelles et de nombreux romans dont certains ont été adaptés au cinéma pour devenir des films cultes, comme Blade Runner, Total Recall, Minority Report, Planète hurlante ou A Scanner Darkly et, plus récemment, la série télévisée The Man In The High Castle.

Mais c’est la parution du Maître du Haut Château, en 1962, qui a révélé son talent. Ce roman obtient le prix Hugo et Philip K. Dick devient un des écrivains majeurs du genre.

Une uchronie effrayante

En 1947, les Alliés capitulent sans condition face aux forces de l'Axe. L’Europe tombe sous le joug des Allemands qui mènent jusqu’au bout leur politique de la solution finale. Les Juifs sont totalement anéantis, les rares rescapés slaves sont parqués dans les réserves au centre de l’Asie, l’Afrique est devenue un vaste désert dépourvu de toute vie et les Noirs survivant sur d’autres continents sont réduits en esclavage. La Méditerranée est asséchée pour en faire une étendue cultivable.

Les Japonais accaparent la moitié de l’Asie, toute la zone Pacifique, la majeure partie de l’Amérique du Sud et la côte pacifique de l’Amérique du Nord. Ils tablent sur le développement économique des zones conquises, englobant les peuples autochtones dans leur politique. La situation y semble un peu moins désespérée.

L’action du Maître du Haut Château se passe dans les États-Unis divisés en trois zones : l'Est, rattaché au Grand Reich allemand, est complètement soumis à sa politique de génocide ; le Centre, sorte de zone neutre, forme un pays vassalisé et exsangue ; l'Ouest, le long du Pacifique, appartient à l'Empire japonais et sert de cadre à l'essentiel du récit.

Un roman dans le roman

Le récit amorce plusieurs histoires qui s'entremêlent, sans que leurs protagonistes ne se rencontrent jamais. La plupart des personnages se laissent guider dans leur choix par un oracle. Il s'agit du Livre des transformations, ou Yi King, un traité chinois triplement millénaire qui permet d’obtenir des réponses en interprétant par tirage au sort 64 hexagrammes.

Un autre livre devient un véritable protagoniste du récit. Il s’agit du Poids de la sauterelle, un ouvrage de science-fiction qui décrit une réalité où les Alliés remportent la victoire en 1945. Apparemment, son auteur s’est servi du Yi King pour l’écrire. Ce livre est interdit et, évidemment, tout le monde se l’arrache.

Un chef-d’œuvre

Le Maître du Haut Château, considéré comme un chef-d’œuvre, m’a vraiment fait peur. La réalité qu’il décrit est tout simplement insoutenable. Le point de vue des gens qui ont complètement intégré la philosophie nazie est terrifiant. De plus, certains traits de la société qu’il présente sont étrangement similaires à ce qu’on peut voir dans notre monde contemporain… Mais, il y a aussi des personnages qui tentent de résister au mal ambiant et cela dans les deux camps : les vaincus et les vainqueurs.

Ce roman traite également d'un sujet cher à Philip K. Dick et qui apparaît dans ses nombreux récits, à savoir la notion de réalité. Ainsi Le Poids de la sauterelle ne décrit pas, comme on pourrait le croire, notre réalité, mais une autre encore où ce sont les Anglais qui ont pris le contrôle de la planète dans le prolongement de leurs pratiques coloniales. Un des protagonistes du Maître du Haut Château visite pourtant brièvement notre monde et le trouve effrayant. Il y a donc trois réalités distinctes dans ce roman, qui s’entremêlent et qui font douter de nos certitudes. À travers ces jeux de miroirs, le roman de Philip K. Dick pose la question de la définition même de la réalité, de sa frontière avec la fiction, de notre existence et de son incertitude, thème qu'il mènera à son paroxysme dans Ubik.