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Les planètes meurent aussi

Michel Deutsch (Traducteur), Pascal Vercken (Illustrateur de couverture), Barrington John Bayley ( Auteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/03/74  -  Livre
ISBN : 2702402771
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fredcombo   - le 31/10/2017

Les planètes meurent aussi

Barrington John Bayley, qui a contribué à l'aventure du magazine New worlds de Michael Moorcock, fait partie de ces nombreux auteurs dont les textes semblent destinés à rester dans les listes-de-romans-dignes-d'intérêt mais qui ne sont pas toujours facilement accessibles en librairie. Pourtant, ce spécialiste du space opera possède un certain nombre d’atouts, confirmés par une nomination pour le Philip K. Dick Award en 1983 et un lectorat fidèle au Pays du Soleil Levant où il a remporté trois fois le prix Seiun du meilleur roman étranger. Avec leur approche libertaire, ses deux romans publiés en France (voir également Le Rayon zen) militent pour le rattachement de la science-fiction aux cultures alternatives et surtout, pour la sortie des cadres souvent trop rigides, voire tatillons, mis en place par nos sociétés humaines et pas toujours très humanistes…

Les bases indémodables du bon space opera : un empire et des rebelles...

Après un coup d'État, Maxime est devenu le maître absolu d'un gigantesque empire galactique. Le prince Peredan, prétendant légitime au trône, s'est réfugié sur l'une des planètes qui lui sont restées fidèles. Un équilibre précaire semble s'être installé provisoirement entre les deux factions lorsque paraît une aberration cosmique biovore : la tache. Ni forme de vie, ni énergie pure, elle se nourrit pourtant des mondes qu'elle rencontre au fil de son périple erratique à travers le réseau de failles spatio-temporelles qui structure l'univers. Lorsqu'ils s'aperçoivent qu'il est possible d'utiliser cette force pour anéantir le camp adverse, chacun des deux partis tentera l'impossible afin de l'employer. Mais peut-on asservir le chaos ? D'autant que Kastor Krakhno, un obscur agitateur anarchiste, est entré en possession d'étranges pouvoirs après avoir été le seul humain à survivre à un contact avec la tache. Doté d'un charisme exceptionnel, il commence à rallier à sa cause les prolétaires opprimés de tout l'univers avec un slogan pour le moins radical : Mort à la vie !

L'ordre mon cul, la liberté m'habite !

Le nom étrange de Kastor Krakhno évoque immédiatement celui de Nestor Makhno, un homme qui vit encore dans l’imaginaire de bien des Ukrainiens comme un équivalent anarchiste de Robin des Bois. Ce héros de la guerre civile fut le partisan enflammé d’une révolution sociale libertaire qui n’aura finalement jamais lieu, d’un communisme non autoritaire qui lui vaudra bien des inimitiés. Aussi increvable que son modèle historique, Kastor Krakhno deviendra lui aussi le chef charismatique de la révolte du prolétariat intergalactique. Si l’ordre politique a pour but de manipuler le chaos social, l’éradication des diverses formes d’oppression (travail, lois, patronat, police…) est censée instaurer l’utopie libertaire d’un désordre créatif. Le nihilisme dont fait preuve Krakhno ne constitue pas une fin mais une force qui démontre que son slogan « Mort à la vie » n’invoque la destruction qu’afin de permettre une renaissance. Les planètes meurent aussi est un livre qui allie le souffle du space opera avec un questionnement sur les fondements de nos sociétés hiérarchisées à outrance, dans lesquelles l’individu n’est plus qu’un rouage facultatif, une ressource humaine… Dans ce contexte, il faut bien reconnaître que Annihilation factor, le titre anglais original, est plus évocateur que celui de la version française. Ce space opera détonnant constitue une vision particulièrement cynique et désabusée des mécanismes du pouvoir, dont on peut tirer plusieurs enseignements susceptibles d’être utiles pour conserver une relative indépendance intellectuelle. Il ne faut pourtant pas craindre de n’avoir à lire qu’un ennuyeux pamphlet politico-utopique, car Barrington Bayley n’en oublie pas pour autant le plaisir d’un roman d’aventures spatiales des plus divertissants. Il est intéressant de noter qu’à côté des innombrables space opera à tendance militariste, les espaces intersidéraux semblent aussi avoir souvent encouragé la création de futurs alternatifs dans lesquels l’autogestion et l’autonomie se trouvent au premier plan (Iain M. Banks, John Varley, Robert Heinlein…) Et si la liberté n’était pas un privilège réservé à une élite ?  

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