On le sait pour l’avoir lu dans diverses anthologies, Léa Silhol possède une bonne plume capable d’égaler les meilleurs. En tout cas, assez bonne pour voir d’un œil bienveillant et un peu gourmand la sortie de son premier recueil de nouvelles. D’ailleurs, pour ceux qui avaient déjà eu le loisir de lire ses textes, le sommaire n’est pas tout à fait inconnu. Plusieurs histoires ont été préalablement publiées chez différents éditeurs.
Mais avec ce livre, elles prennent une dimension différente. Léa Silhol a décidé de les inscrire dans un même ensemble, dans une même recherche sur les légendes et les mythes des cultures nordiques, celtes et grecques. Par exemple, elle a relié les deux petits chef d’œuvres que sont Mille ans de servitude* et Tous des Anges** dans une même trame qu’elle dévoile à la nouvelle suivante, le tout faisant partie d’un mini cycle de textes sur la religion. Les lecteurs de Jour de l’an 1000 et Jour de l’an 2000 (chez Nestiveqnen) où ils sont parus devraient jubiler…
Pour le reste, ce recueil contient une bonne dizaine d’inédits avec quelques petits bijoux comme En tissant la trame, Runaway Train ou La Loi du Flocon.
Si le premier est relativement classique (l’histoire d’un tisserand qui accepte d’échanger son premier enfant à naître contre un fil magique lui permettant de gagner le cœur de la Reine en lui fabriquant la plus belle robe ayant jamais existé), les deux autres sont plus originaux et bien agréables à lire.
Avec tendresse, Runaway Train nous conte la fuite en avant d’une jeune adolescente et de son frère, cherchant à échapper à leurs parents. Ils sont persuadés que le garçon est un " Changelings ", c’est à dire une être différent, pas véritablement humain. C’est assez pour les décider à l’envoyer dans un centre, genre hôpital psychiatrique en bien pire. La sœur a elle une autre idée : l’emmener vers Frontier, la ville des Changelings où il pourra vivre une vie " normale ". Mais pour y arriver, ils leur faut fuguer et passer inaperçus dans un monde d’adulte… Pas facile quand on a 13 ans et un petit frère de 4 ans. Même prendre un simple billet de train devient très vite une épreuve… Un texte fort et poignant qui nous éloigne un peu du moyen âge qu’arpente en général Léa Sihol.
La Loi du Flocon joue dans un registre différent. Empruntant des éléments à la culture japonaise, cette nouvelle nous ramène à l’affrontement d’un homme et d’un spectre des neiges. Chaque hiver, pour protéger sa famille, le samouraï part se mesurer à l’entité, jouant tout simplement sa vie dans ces rencontres mortelles. Les batailles lui laissent toujours un unique souvenir : un flocon de neige tatoué sur son corps, donnant à sa peau l’aspect d’une piste de ski au fil des ans. Là aussi il s’agit d’un texte tout simplement passionnant.
Au final on dira que sans être un chef d’œuvre ultime, les Contes de la Tisseuse est un recueil honnête qui contient de très bons passages. En tout cas, ils valent largement son achat et devrait vous faire passer un excellent moment, foi de chroniqueur !