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Gros Temps

Jean Bonnefoy (Traducteur), Bruce Sterling ( Auteur)
Aux éditions : 
Date de parution : 30/04/01  -  Livre
ISBN : 2070418340
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Eric   - le 20/09/2018

Gros Temps

Gourou du cyberpunk, plus encore que William Gibson, Bruce Sterling s'est, lui, toujours considéré comme un prospectiviste. Plus proche peut-être de Brunner que de Ballard, le cyberpunk n'a été pour lui qu'un moyen de dénoncer un monde où l'apparente facilité d'accès à la connaissance et à la technologie ne serait qu'une nouvelle opportunité d'asservissement. Et à l'heure où la réalité prend le pas sur la fiction, le tranchant prophétique de ses analyses s'émousse. Aussi, écrivain engagé, Bruce Sterling s'est-il choisi un autre combat : l'écologie. Si la démarche reste évidemment cohérente, et si la cause est honorable, hélas, la force du propos n'est pas tout à fait à la hauteur.

Des vents de 500 km/h

Nous sommes en 2031, et la Terre a déjà subi de nombreux dérèglements climatiques, dérèglements qui connurent leur apogée durant la première décennie du troisième millénaire. Mais le pire reste à venir. C'est en tout cas la ferme conviction de Jerry Mulcahey, mathématicien brillant et météorologiste gourou, qui traque la dépression le long de Tornado Alley, à la tête d'une bande de tekno freaks baptisée Le Front de Tempête. Jerry est persuadé que toutes les conditions climatiques sont réunies pour que naisse la mythique F-6. Une tornade, un vortex plutôt, d'une puissance encore jamais atteinte, et dont les vents dépasseraient les 500 km/h. Un tel cataclysme serait même capable, selon lui, de projeter dans l'atmosphère tellement de débris, qu'un hiver nucléaire pourrait s'ensuivre. On arrive mal à se représenter les dégâts qu'occasionnerait une F-6, et Jerry lui-même en est réduit à des conjectures. C'est pour affiner ces modèles qu'il traque les fronts dépressionnaires dans tout le Texas et l'Oklahoma. Pour se faire il s'est entouré d'une bande d'allumés notoires : casseurs, déracinés, avocats en faillite, victimes d'intempéries ou gosses de riche. Ainsi Jane Unger, qui partage avec Jerry bien plus que la passion des ouragans, et qui a copieusement dilapidé l'héritage familial pour améliorer l'ordinaire du Front. C'epst lorsqu'elle ramène au camp de base de l'équipe son frère Alex, pauvre petite chose hypochondriaque et fouteur de merde patenté, que tout va s'accélérer…

Bof...

…Ou du moins que tout est censé s'accélérer. Car il faut bien l'admettre, il ne se passe pas grand-chose de palpitant dans ces chasses au vent. Bruce Sterling semble n'avoir pas vraiment de plan directeur, et laisse vivre tranquillement son intrigue. Le background de l'histoire, d'abord confus, est finalement sous-exploité, la formidable galerie de portraits que constitue cette communauté cyber-baba ne dépasse guère l'anecdotique. Et finalement, le propos est assez facile. Car si l'on n'apprend rien sur la fumeuse F-6, l'acte d'accusation est, quant à lui, des plus clairs. Le genre humain paie le prix fort pour ses négligences envers la Terre Nourricière. C'est la prise d'otage classique de la pensée écologique : qui ne trouverait pas pertinente la mise en garde contre les actes qui vont finir par conduire l'humanité à vivre sur une terre inhospitalière ?

Alors non, le thème n'est pas vain, mais en l'occurrence le traitement est un brin convenu. Le personnage de Ciel Brûlant de Minuit de Silverberg, qui envisage très sereinement de supplanter le chlore à l'hémoglobine du sang afin d'adapter le genre humain à la pollution de l'air, fait bien plus efficacement mouche que le monomaniaque Jerry Mulcahey.

S'il ne fait désormais aucun doute que la littérature de SF va désormais s'intéresser de plus en plus à l'écologie, Gros Temps ne permettra pas à Bruce Sterling de devenir le gourou de cette nouvelle tendance.

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