Ce n’est un mystère pour personne, Mike Resnick aime l’Afrique. Comme il le dit dans sa préface, ses légendes et ses cultures sont pour lui une source inépuisable d’inspiration. Et effectivement, peu d’auteurs de science fiction s’y sont référés autant que notre homme dans leurs romans ou dans leurs nouvelles. Peu aussi l’ont fait avec autant de talent. Car il faut bien l’avouer, la meilleure partie de sa production littéraire a un lien direct avec le continent africain. Pour mémoire, on se souviendra des vrais moments de bonheur que sont Santiago (Denoël), Ivoire (Denoël) ou Kiringaya (Folio SF).
Sous d’autres soleils fait d’ailleurs échos à ce dernier. Comme lui, il s’agit en fait d’un recueil de nouvelles aux thématiques africaines. Au fil des années, Mike Resnick n’a cessé d’écrire en s’inspirant de ce continent, soit de sa propre initiative, soit sur demande. Et au final, il a choisi de regrouper ses textes les plus marquants dans ce recueil. On ne s’étonnera donc pas de la profusion de prix et de nominations qui ont été attribués à ces nouvelles. On ne s’en étonnera pas d’autant plus qu’elles sont pour la plupart d’entre elles excellentes par le coup de patte magnifique de Resnick et par la diversité des thèmes qu’elles abordent.
La rencontre des Dieux
Divinités locales, faune, flore, sida, histoire contemporaine… Notre auteur explore et met en scène tous ces visages de l’Afrique tout au long des huit nouvelles. La première, Le Dieu Pâle est sans doute l'une des plus fortes. En quelques mots (1200 exactement) choisis avec soin, on assiste à la rencontre des Dieux africains et du Dieu Catholique. Quels regards ces dieux ont-ils sur ce nouveau venu ? Et comment pourraient-ils l’accepter parmi eux alors qu’il se réclame de la paix et de l’amour ? La réponse à ces questions devraient faire grincer quelques dents du côté de l’Eglise…
Tout aussi émouvante, L’Exil de Barnabé a pour héros et narrateur un singe de laboratoire. L’équipe de scientifiques qui s’en occupe lui a appris le langage des signes. Ensemble, ils ont tissé de véritables liens affectifs. Mais la logique des crédits et des subventions les oblige à fermer le centre de recherche. Laissé seul dans la nature, Barnabé le singe surdoué aura bien du mal à se faire accepter par ses congénères. Plus que cette simple trame, ce texte vaut surtout pour la poignante séparation entre l’animal et l’homme. Entre nous, c’est ma nouvelle préférée.
Uchronie africaine
Les six autres histoires de ce recueil valent elles aussi leur pesant de cacahuètes. Lorsque Resnick n’évoque pas la tragédie du Sida en Afrique dans la nouvelle Bibi où un séropositif part à la recherche d’une mystérieuse grand-mère vivant dans la brousse ou ne s’amuse pas avec les dieux (La Fine Equipe), il joue avec l’histoire et donne dans l’Uchronie. On citera au passage Epatant et le président Roosevelt acoquiné avec des aventuriers de tout poil pour faire du Congo une véritable démocratie dans les années 1910, ou bien encore Mwalimu et la quadrature du cercle. Directement inspiré de la rivalité entre la Tanzanie et son agressif voisin l’Ouganda, notre auteur fait monter sur le ring les deux présidents pour qu’ils s’expliquent en boxant l’un contre l’autre. En cette soirée spéciale, le destin de la Tanzanie se joue sous les yeux de Mohammed Ali dans le rôle d’arbitre.
Au final, on peut dire, clamer et crier sur tous les toits que Sous d’autres soleils est un recueil fort sympathique. Il contient des nouvelles de très haute volée et qui seront bien difficiles à oublier. Resnick a du talent et parfois même du génie lorsqu’il parle d’Afrique. Ce livre en apporte une nouvelle fois la preuve. Un régal.