L'Empire
Ce que je fais ? Ca se voit, non ? Je lis le tome 3 de Polstar. Arrête, tu veux ? J'ai horreur qu'on lise par-dessus mon épaule. Que je te raconte ? Pas question. Va falloir que tu lises les deux premiers. Et pourquoi ? Parce que je suis cruelle… Ou plus simplement, parce que le talent des Léturgie, c'est de surprendre le lecteur. Bien sûr, on retrouve Polstar l'anti-anti héros, qui parsème le monde totalitaire des trois Sages de cadavres inutiles, tous camps confondus. Evidemment, qu'il est toujours avec le Gorille, sa horde de singes et la petite Abigail. Evidemment, la populace n'a pas bougé et attend toujours après quelques héros faciles et manipulables en se gavant de rêves holographiques dans leurs cages à lapin. Et les trois Sages ? Ils sont toujours là, les trois Sages. Le Boucher, le Psychopathe et la Mygale. Chacun avec sa spécialité. Ils commencent d'ailleurs à flipper, les trois Sages. Ce Nicolas Polstar qu'ils croyaient utiliser se retourne méchamment contre eux.
Ca veut dire quoi, exactement ? Ca veut dire qu'il n'est pas manipulable comme ça, l'homme du peuple ! Qu'il s'en fout, des stratégies et des ambitions politiques. Qu'il s'en tape, de la théorie. Il veut du bonheur. Vivre tranquillement. La colère arme son bras, mais jamais l'engagement. Il n'a pas cette fonction-là. Il liquide au hasard. Il fait de ses rêves les rêves de tout le monde. Il ne veut pas d'un choix, l'homme du peuple. Il veut qu'on lui foute la paix. A tel point qu'il confond vite ses propres aspirations avec ce que l'ensemble de l'humanité désire. Il commence à penser à la place des autres. Et il s'en fout, que ce soit le début de la dictature. Ce qui est bon pour lui est bon pour les autres, du moment que c'est mué par la rage au ventre. Et justement, Nicolas Polstar a la rage au ventre, plus que jamais… Il a même charge de famille, maintenant qu'il a récupéré la petite Abigail. Il a compris le sens du mot survie. Il va apprendre celui des mots " perdurer " et " transmission ". A ses risques et périls et pour le meilleur et le pire…
C'est juste un homme du peuple, Polstar… Héros et dictateur… Sauveur de l'humanité et non penseur… Plein d'erreurs et de paradoxe… Un héros malgré lui, pas un dieu. Il ne connaît pas le bien ni le mal. Perturbé par des événements qui le mènent sur une ligne droite jonchée de cadavres, il avance malgré tout. Il est comme ça, Nicolas Polstar. Il pense à la place des autres, l'arme au poing. Et c'est terriblement convaincant, la pensée de l'homme du peuple, quand elle est assise sur un canon de revolver…
Donc, tu vois bien ce que je fais. Je réfléchis sur ma condition… J'ai du sang plein les yeux, là. Des théories plein la tête. C'est marrant, quand même, de théoriser par le plaisir. C'est même étonnant, ce détournement de lieux communs, cette façon de jouer avec le lecteur, de l'amener à se reconnaître et presque à se détester.
C'est un bon coup de pouce au jugement. Pour un peu, je serai presque fan… C'est pas le but ? Ca y ressemble… Il ne faut pas ? C'est le début de l'endoctrinement ? C'est pas très grave. Il y a du Polstar en chacun de nous…