Inversions
En vacances de la Culture, Banks revient avec cette très agréable récréation au Fleuve. Mettant son grand cycle entre parenthèses il nous emmène cette fois sur une planète autour de laquelle orbite deux soleils et quatre lunes. Une pluie de météorites y a précipité la chute de la dynastie régnante jusqu'alors, laissant le pouvoir aux mains de roitelets ambitieux qui se livrent une guerre larvée pour tenter une reconquête timide, et surtout sans grands moyens.
Deux récits
En virtuose du découpage, Iain M. Banks s'offre une fois encore un récit croisé, se payant même le luxe de l'annoncer avant par l'intermédiaire de son narrateur. Du collage de ces deux histoires totalement indépendantes va sortir le tableau d'ensemble d'une époque plus que celui d'un monde. Ici le décor, comme souvent chez l'Ecossais, n'est qu'un prétexte.
Le premier récit - "Le Docteur" - est le rapport d'un espion et nous entraîne dans le sillage du roi Quience par l'intermédiaire de Vosill, son médecin personnel. Etrange femme que cette Vosill, qui dit venir de la lointaine Drezen et dont les connaissances médicales semblent avoir plusieurs décennies d'avance. Tout ce qu'il faut pour entrer dans les grâces d'un roi jeune, mais hypochondriaque, et s'attirer la solide inimitié de puissants nobliaux.
La seconde histoire quant à elle - "Le Garde du Corps" - est apocryphe, et le narrateur nous précise l'avoir incluse dans son récit afin de donner aux deux textes "plus de force qu'ils n'en auraient séparément". Elle se présente sous la forme d'une chronique anonyme, dont le but final, pour le lecteur, est d'en deviner l'auteur. Elle s'attache au personnage de DeWar, le garde du corps du régicide Urleyn. Ce dernier s'est assis sur le trône de Tassasen au lendemain d'un coup d'état, et a tout du parvenu. Il n'en inspire pas moins une loyauté indéfectible à DeWar, ce sombre soldat originaire des Royaumes Demi-Cachés. Une loyauté qui ne trouverait peut-être d'égal que dans l'amitié que ce dernier porte à Dame Perrund, la première concubine de Urleyn.
Un trés bon moment
Banks reste ici fidèle à lui-même. Narration croisée, bien-sûr, mais aussi les détails qu'il laisse volontairement dans l'ombre, pour préserver une part de mystère dans son récit, et offrir plus de prise à l'imaginaire de son lecteur. Ainsi nous tient-il en haleine au long de son roman, qui a bel et bien toutes les allures d'une parenthèse dans son œuvre. Habile récréation qui n'a d'autre prétention que la distraction, on ne va pas bouder son plaisir ni déflorer davantage son récit. Iain M. Banks est l'un des fers de lance de cette nouvelle génération d'auteurs, et ce n'est pas sans raison. Il écrit à merveille, maîtrise parfaitement son style, sa structure et sa dramaturgie et laisse comme à son habitude votre imagination en ébullition. S'il n'est pas monument impérissable, Inversions reste en tout cas un très bon moment consacré au seul plaisir de la lecture, alors que demander de plus ?