La Politesse des monstres
Après avoir commencé dans la bande dessinée comme coloriste (Le Clan des Chimères, Reality show ou encore Little Bade), Hubert Boulard, alias Hubert, signe son premier album comme scénariste avec Le Legs de l'Alchimiste (dessins de Hervé Tanquerelle). Le rôle semblant lui plaire, il renouvelle l'essai aujourd'hui avec Les Yeux verts. Avec un jeune dessinateur et coloriste, Zanzim qui signe là son premier album, il nous entraîne dans un superbe "conte" historico-fantastique. La Politesse des monstres, tome précurseur de cette série, laisse présager avec son titre, une histoire pleine de mystères.
"D'ici au jour levé, tu verras les choses d'un tout autre oeil."
Le cardinal de Blèze charge le Vicomte Narcisse de Rougemont de partir en France pour ramener le père Anselme. La révolution gronde dans l'hexagone et cette mission semble des plus périlleuses. Malgré les dangers, Narcisse retrouve le père Anselme, mais celui-ci refuse de partir pour Londres. Il a failli à sa mission et n'a pu récupérer les "Yeux verts". Les deux hommes tombent alors dans un traquenard...
"Si vous aviez vu ce que nos vieux yeux ont vu, vous changeriez d'avis!"
Zanzim et Hubert nous entraînent dans une étrange histoire onirique d'une grande originalité. Le scénario est plutôt surprenant et on y ressent des influences de Tim Burton (comme dans le dessin d'ailleurs). Hubert imagine un monde en totale contradiction: réel par son côté historique, et pourtant irréel, où se côtoient magie, monstres et fantômes. Il nous entraîne dans des situations intenses et pourtant, il ne peut s'empêcher de distiller des notes d'humour. De l'humour qui vient là encore s'opposer au dramatique de l'histoire et au décor lugubre et pesant.
Les personnages quant à eux sont saugrenus: une femme mi-lion qui ne supporte pas les manques de convenance, mais qui n'hésite pas à assassiner son invité, une Blanche-neige vieillie qui se retrouve dans le rôle de la marraine, une belle prisonnière à sauver qui s'avère être un être démoniaque... Tout dans cette bande dessinée est en contradiction, un mélange surprenant.
La Politesse des monstres mérite aussi plus qu'un simple coup d'oeil pour ses dessins. Zanzim surprend avec ses planches fourmillant de détails cocasses. La scène dans la grotte de Blanche-Neige en est la preuve: un bocal d'yeux qui se regardent, un démon transpercé par une flèche, des jouets démoniaques... Utilisant toutes les gammes des couleurs, mais uniquement dans les tons foncés, il instaure au décor une ambiance sombre, pesante. Les coups de pinceaux sont extrêmement bien maîtrisés et cette mise en couleurs est remarquable. Et cette superbe planche 43 aux influences "burtonniennes"... Allez, il ne vous reste plus qu'à découvrir Les Yeux verts par vos propres yeux...