charlotte
- le 31/10/2017
Réincarnation
Igor Baranko, après avoir découvert Rosinski et Les Ethiopiques de Pratt dans les pages de L’Humanité, se destine à la bande dessinée. Dans cette optique, il rentre aux Beaux-Arts de Kiev, sa ville natale. Cependant, il n’échappe pas au service militaire et se voit obliger de donner deux ans de sa vie à l’Armée Rouge, ce qui a pour conséquence de lui faire détester tout ce qui touche à l’armée. Né dans un pays qui appartient à la grande URSS, il assiste à son démantèlement, avant que la déliquescence économique ne succède à l’euphorie de l’indépendance. On comprend mieux la place que tient la politique dans ses ouvrages. Persévérant, il reste persuadé qu’il arrivera à percer dans le domaine de la bande dessinée. Pour ce faire, il envoie un nombre incalculable de planches à différents fanzines européens. Ses efforts ne sont toujours pas récompensés lorsqu’il parvient à immigrer aux Etats-Unis. Là enfin, il parvient à se faire une place au soleil parmi les super-héros des comics. En 2003 sort simultanément en Europe et aux Etats-Unis le premier tome de L’Empereur Océan. Il sera suivi de près par Exterminateur 17, que Dionnet ressuscite pour le compte de ce jeune dessinateur.
S-F et politique
On est en 2040, Ivan Apelsinov, l’ancien écrivain de science-fiction, est parvenu à ses fins et règne sans partage sur toutes les Russies. Il lui manque l’immortalité, et pour cela, il veut parvenir à invoquer l’esprit de Gengis Khan. Alors qu’il est sous l’emprise du NLSD, il fait un rêve prophétique, dans lequel Gengis Khan lui prédit sa mort, un stylo et de l’encre seront les seules armes qui mettront un terme à son règne. Il voit également son double dont la présence équilibre le monde. Pendant ce temps, le général Volkov et ses hommes sont en route afin de trouer le corps de Jamrastyn Noïon qui prétendait être la réincarnation de Gengis Khan. Dans le train qui les y emmène, un incident se produit : une Tzigane entre par erreur dans le compartiment des hommes de Volkov. Leur route croise également celle d’un des derniers survivants du peuple Tchétchène. Et si tous ces hasards n’étaient pas si innocents ?
Un scénario compliqué, des dessins correct mais un encrage bâclé
Première constatation, le scénario est d’une grande complexité. Les différents ressorts politiques, les complots, la multiplication des personnages secondaires et souvent la brièveté des explications en font une bande dessinée difficile à aborder. Le style de Baranko doit tout, que ce soit au niveau du scénario comme du dessin, à la bande dessinée des années 70-80. Le monde post-apocalyptique dans lequel évoluent les personnages est d’une noirceur à toute épreuve. Les personnages sont troubles y compris ceux qui font figure de héros. Cet univers, où nouvelles technologies, (ordinateur, clonage humain), mythes et rites ancestraux se côtoient, coexistent, déroute, intrigue et terrifie. Le lecteur doit fournir un véritable effort pour s’approprier l’histoire, et ce n’est pas désagréable. Seul bémol, mais il est de taille, l’encrage. Est-ce pour donner dans le style vieux fanzine des seventies afin de rendre hommage à ses premières lectures que Baranko a demandé à Kirchoff de bâcler autant la mise en couleurs ? Peut-être est-ce pour accentuer la laideur de ce monde ingrat ? En tout cas, il est fort dommage qu’il n’y ait pas eu une attention plus soutenue pour la colorisation puisque cela gâche réellement la lecture.