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Le silence de l'espace

Alain Brion (Illustrateur de couverture), Tommaso Pincio ( Auteur), Eric Vial (Traducteur)
Aux éditions :   -  Collection : 
Date de parution : 31/05/03  -  Livre
ISBN : 2070426602
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Eric   - le 20/09/2018

Le silence de l'espace

Où l'on reparle de Tommaso Pincio, mais cette fois pour la réédition en poche du Silence de l'espace, roman antérieur à Un amour d'outre monde. Une fois encore, il va falloir aux plus puristes d'entre-vous faire un certain effort pour s'acclimater à l'univers si particulier de cet auteur italien qui, dans son pays, n'est pas, à proprement parler, étiqueté SF.

En témoigne l'histoire de Jack Kerouac, looser sans grande ambition, qui décide de signer pour trois mois de veille totalement inutile sur l'orbite commerciale de Coca Cola. Henri Miller, son contrôleur de mission, le lui a d'ailleurs bien précisé, avant qu'il ne s'embarque pour l'espace circumlunaire : quoiqu'il se passe, surtout ne rien faire. Et à dire vrai, les sécurités sont tellement redondantes qu'il n'y a aucune raison pour qu'il se passe quoique ce soit. Jack compte donc profiter de ces quatre-vingt dix jours d'inactivité pour expérimenter le vide. Pour se retrouver face à lui-même.

"On est bien loin ici du schéma classique du space opera"

Des motivations un peu obscures et qui plongent Jack Cassady, son meilleur ami, dans des abîmes dubitatifs. Et ce n'est pas là une mince affaire, que de faire douter Cassady, lui qui est si imbu de lui-même, qu'il ne parvient même pas à se faire aimer d'une femme. Enfin… sauf peut-être de Norma Jean Mortensen, la femme d'Henri Miller. En effet, croyant avoir appelé le numéro d'une libraire dont il était tombé amoureux, une certaine Marilyn Monroe, il a téléphoné, par erreur, à la pauvre Norma Jean, et a entamé avec elle une liaison platonique, téléphonique et presque entièrement monosyllabique.

Comme vous le voyez, on est bien loin ici du schéma classique du space opera. Et d'ailleurs ce n'est en rien l'ambition de Pincio. Il n'est question ici que de la déconstruction d'un univers : celui du lecteur. Le parti pris d'affubler d'aussi improbables personnages de noms de célébrités américaines des années 50, n'a d'autre but que de faire vaciller vos repères. Plus que tout il s'attache à saccager cet imaginaire de carton pâte. Car ne nous y trompons pas, le point focal de ce récit décousu et rocambolesque reste, avant tout, l'imaginaire. En détruisant ces images "ready-made", il vous invite à en construire d'autres. Les vôtres. C'est pourquoi il nous livre le matériau le plus brut possible. L'histoire est lacunaire, voire franchement anecdotique. En guise de terreau de sa fiction il use des recettes éculées de remise en question de la société de consommation, mais ce n'est en fait qu'un prétexte. Ici tout est mise en scène, tout est faux, et il est évident que Pincio a bien relu son Debord avant de s'attaquer à ce court roman.

Branchouille

Décidemment, jamais les situationnistes n'auront autant été à la mode. Pour l'appel du pied à ce qui est en train de devenir un poncif lassant, on pourra, à juste titre, trouver Le silence de l'espace irritant de branchitude. Au fond il colle à l'air du temps. Il est parfois maniéré, parfois prétentieux, mais il lui reste un fond d'autodérision qui le sauve. Une certaine distance qui épargne à Pincio la pédanterie. On a plus affaire ici à un exercice de littérature dite "générale", qu'à un ovni SF. C'est une expérience qui pourra toutefois tenter les plus littéraires d'entre-vous.

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