Ici-Bas
Saimbert est venu tardivement aux scénarios de bande dessinée. Il a d'abord exercé plusieurs métiers avant de se consacrer définitivement à l'écriture.
Les Processionnaires, dont le premier tome est paru en 2001, est sa première série. Il a depuis écrit le scénario des
Âmes d'Hélios en collaboration avec Ricci. On ne redira pas ici tout le bien que l'on pense de cette série de science-fiction qui est l'une des plus intéressantes du moment. Séra l'accompagne dans cette première aventure dans le monde de la bande dessinée. Ce dessinateur qui commence à être connu du grand public a un coup de crayon des plus inspiré. Il publie ses premières planches en 1979 mais la bande dessinée n'est pas encore son moyen d'expression favori. Il lui préfère la peinture, la gravure et la sculpture. Remarqué par le très percutant
Sortie de route (P.M.J. Editions, 2000), qui obtient le Trophée des Labels Indépendants, il accède à la notoriété surtout grâce à
Impasse et Rouge (1995) qui passe de la confidentialité des Editions Rackahm à une plus large audience grâce à sa seconde publication en janvier 2003 chez Albin Michel.
Et ils cherchent la lumière dans les ténèbres Ils ne sont plus que sept à avoir survécu aux dangers de la forêt. Sept Processionnaires qui ne se connaissent pas mais qui ont échoué au même endroit, dans cette forêt vierge aux allures de Purgatoire. Les processionnaires sont pourchassés par une meute, c'est la dernière fuite en avant. Farman cache la petite Malika dans une grotte en hauteur. Il est le seul rescapé et vient la rechercher après que tous leurs compagnons ont rendu l'âme. C'est à cet instant qu'il se réveille dans la forêt équatoriale et qu'il apprend que Malika est sauvée grâce à lui. Elle est surtout sa rédemption et son soleil. Les années passent et Malika, devenue sa fille adoptive, est une belle jeune femme, mais Farman n'a pas fini d'expier et son passé le rattrape.
A la dureté du scénario répond l'implacable ligne des dessins Dernier volet de la trilogie,
Ici-Bas clôt tragiquement les destins des protagonistes. Si les deux premiers tomes ont été scénarisés par Saimbert, celui-ci a laissé les mains libres à son dessinateur Séra pour écrire ce dernier volume. Ce dernier garde la ligne conductrice et amène les personnages à leur terme. Cependant, il ne livre pas toutes les clefs du récit de manière limpide, il force son lecteur à la réflexion. Nous n'en apprendrons pas plus sur cet étrange endroit qui semble être l'allégorie du Purgatoire et certaines questions resteront en suspens. Ses planches sont toujours aussi exceptionnelles, on y voit toute la puissance de ses recherches et de son travail. Il adapte sa technique pour coller au plus près du scénario, il distille avec ses pinceaux l'ambiance lourde, humide, étouffante de la forêt, favorisant ainsi l'angoisse grâce au malaise que cela provoque. Les tons brunâtres, les formes floues, les personnages qui semblent aussi consistants que des ombres sont autant d'indices de la frontière invisible qui sépare la réalité de l'irréel. Avec la multiplication de ces effets visuels, Séra perd son lecteur tout comme l'est son anti-héros Farman, qui gagne d'ailleurs en humanité grâce à la lumineuse et solaire Malika. Si vous êtes amateur des œuvres fortes et complexes dans lesquels les auteurs ne cherchent en rien à vous pré-mâcher le travail afin de vous livrer une bande dessinée dense et loin des sentiers battus, alors foncez, vous ne serez pas déçus.