La Momie

La Momie

Dino Battaglia est né à Venise en 1923 et meurt à Milan en 1983. Il est l’un des artistes les plus importants de la bande dessinée italienne. Il fonde le magazine Albo Uragano/Asso di picche avec d’autres auteurs et y publie la série Junglemen (Glénat), qui sera reprise par Hugo Pratt. Fin lettré, il aime illustrer et / ou transposer en bande dessinée les grandes œuvres avec une prédilection pour les écrivains fantastiques. Il adapte ainsi E.T.A. Hoffmann, par exemple dans le recueil de nouvelles graphiques Woyzeck (Mosquito), Stevenson avec L’Etrange cas du Docteur Jekyll et de Mister Hyde dans le recueil Le Golem (Mosquito), Walter Scott et son Ivanhoé (Les Humanoïdes Associés) ou bien encore Maupassant avec Battaglia raconte Maupassant (Dargaud). En 1983, il entreprend la série des aventures de l’Ispettore Coke pour les éditions L’Isola Trovata. Il meurt en 1983 alors qu’il dessinait l’ultime épisode de l’Inspecteur Coke. Les éditons Mosquito ont décidé de rééditer petit à petit les œuvres de Battaglia et on ne peut que saluer cette initiative. Un public nouveau va pouvoir désormais découvrir un des maîtres du noir et blanc grâce à ce travail sur la mémoire de la bande dessinée.

Première aventure fantastique de l’Inspecteur Coke

Londres, fin du XIXème siècle, l’inspecteur Coke enquête sur des agressions de prostituées ; l’ombre de Jack l’éventreur rôde. Dans le même temps, une momie est rapportée d’Egypte. Alors que Lord Carringdon, archéologue, déchiffre les sceaux de la momie et les papyrus qui racontent son histoire, une comète fait son apparition dans le ciel londonien. Dès lors, les morts vont se succéder dans les rues brumeuses de la capitale. L’Inspecteur Coke, si rationnel, parviendra-t-il à accepter l’irrationnel ?

Un album que toute bonne bibliothèque fantastique se doit de posséder : à ranger à côté des classiques de la littérature

Pour tous les amateurs de fantastique, La Momie de Dino Battaglia est un chef d’œuvre à découvrir d’urgence. Battaglia y déploie tout son art du noir et blanc pour parfaire sa vision d’un Londres mystérieux, aux ruelles sombres, qu’un smog dense rend irréel, fantomatique, où toutes les horreurs sont possibles. Battaglia développe son intrigue de manière linéaire, ses personnages explicitent tous leurs actes, pensent tout haut ce qui confère à l’ensemble une sorte de charme désuet, un côté un peu vieillot. C’est sans compter sa mise en page d’une incroyable nouveauté pour l’époque et qui reste aujourd’hui encore audacieuse. Les cases s’évaporent sur les marges comme lentement contaminées par la brume, Battaglia joue sur la lumière éclairant parfois les visages d’une lumière crue avant de les laisser retourner dans l’ombre. Ce n’est pas de la peur que l’on ressent mais de l’angoisse. Au même titre que le Nosferatu de Murnau, la Momie de Battaglia est le ressort de toutes nos inquiétudes, le reflet de nos peurs inconscientes. Le lecteur se projette dans l’Inspecteur Coke qui le guide à travers le dédale londonien. Nous avons sur lui de connaître déjà l’assassin mais cela apaisera-t-il pour autant nos nuits ? Rien de moins sûr…