charlotte
- le 31/10/2017
Edgar A. Poe, Histoires
Les éditions Mosquito continuent pour le plus grand plaisir des amateurs de fantastique la réédition de l’œuvre de Dino Battaglia, maître de la bande dessinée italienne. Moins connu que son compatriote Hugo Pratt qui reprendra sa série Junglemen (Glénat) et avec qui il collaborera à la revue L’Asso di Picche, car moins grand public, il est pourtant l’un des auteurs les plus intéressants de la bande dessinée transalpine. Né en 1923 et mort en 1983, il a privilégié son activité d’illustrateur et a beaucoup travaillé avec la presse. Loin des séries à héros récurrent – seule exception les aventures de l’Ispettore Coke – il préfère adapter les grandes œuvres littéraires. Il commence par des récits historiques comme Ivanhoé, avant de se tourner vers le fantastique. Grâce au magazine Linus qui l’accueille, il va pouvoir donner libre cours à son imagination et illustrer les classiques de la littérature de l’étrange. Ainsi, les nouvelles de Maupassant, Hoffmann, Lovecraft et bien sûr Poe seront ses sources d’inspiration.
Après avoir rencontré Hoffmann dans le premier volume des Contes et récits fantastiques (Les Romantiques allemands – Woyzeck) et Borges, Stevenson ou Lovecraft dans le deuxième (Le Golem), nous découvrons maintenant Edgar Allan Poe.
Adaptation réussie des nouvelles de Poe
Huit nouvelles de Edgar Allan Poe sont ici adaptées par Battaglia. Elles ont été dans un premier temps publiées dans le magazine Linus de 1969 à 1973, à l’exception d’Aventure sans pareille d’un certain Hans Pfaall publiée dans Il Giornalino en 1981. Les plus connues d’entre elles sont Le Masque de la Mort rouge et La Chute de la Maison Usher, nous découvrons également le fou Hop-Frog et la belle Ligeia dans des nouvelles éponymes. Le Système du Docteur Goudron et du Professeur Plume nous présente les avancées de la psychiatrie alors que Ne Pariez jamais votre tête au Diable montre que le jeu peut vous faire perdre la tête.
Un nouvel opus des adaptations littéraires de Battaglia à lire absolument
Tout véritable amateur de fantastique se doit de posséder un ouvrage de Dino Battaglia, auteur indispensable. Ce troisième volume des Contes et récits fantastiques qui présente des nouvelles de Poe témoigne de la justesse des adaptations réalisées avec intelligence et intuition. Le trait fin et précis, qui le fait se rapprocher des dessinateurs du XIXème, notamment des caricaturistes, et de la gravure, de Battaglia donne toute la mesure de sa minutie et de son attention pour rendre les ambiances du maître américain de l’angoisse. Les nouvelles compilées oscillent entre fantastique sombre et récit grotesque, entre tragédie et comédie. Souvent cruels, parfois désespérés, mais toujours aux frontières de la folie, les récits donnent à voir l’indicible. Tout en nuances et subtilité dans l’utilisation du noir et blanc, d’une ligne claire à des flous savamment travaillés, d’un décor hyper réaliste à des personnages plus grotesques que burlesques, Battaglia développe une technique à nulle autre pareille, véritable marque de fabrique. Tout comme Klimt, à qui il rend hommage dans l’incipit de la nouvelle Ligeia, il fait un travail de précurseur. Son découpage audacieux rompt les cases, joue avec le blanc de la page, pour enfin laisser planer l’angoisse du surnaturel. L’on sort des planches de Battaglia comme d’un rêve, ou plutôt d’un cauchemar, que l’on aurait fait tout éveillé. Seule la première nouvelle, Aventure sans pareille d’un certain Hans Pfaall, ne semble pas être à sa place dans ce recueil, la mort n’y rôde pas…