La Liste Victoria
Jean Dufaux est un vieux de la vieille de la bande dessinée. Scénariste depuis vingt ans, il a fait ses débuts dans
Tintin avant de rencontrer en 1983 le dessinateur Renaud sur la série
Brelan de dames qu’il co-scénarise avec Vernal. Sa vie va prendre alors un grand tournant puisqu’ils créent ensemble le personnage de Jessica Blandy, héroïne récurrente née en 1987, dont les histoires s’étalent aujourd’hui sur vingt-deux albums. Dès lors, il s’attèle à de nombreux albums et multiplie les séries. On ne retiendra ici que les plus marquantes réparties selon deux catégories : les récits historiques avec
Giacomo C.,
Les Voleurs d’Empire et
Murena, et les histoires mâtinées de fantastique avec
Sang de lune,
La Complainte des Landes perdues,
Jaguar et
Rapaces.
Pour
Les Rochester, Dufaux confie les dessins à Philippe Wurm à qui l’on doit la série
Le Cercle des Sentinelles, scénarisée par Desberg. Ce dessinateur suisse a reçu en 1987 le Prix d’excellence de la ville de Bruxelles et la médaille du Gouvernement pour ses dessins au fusain.
Une petite fille dotée d’un étrange pouvoir Victoria est étrange depuis la mort de sa mère. Tous les jours elle lit le journal et y souligne un nom. Au début, elle ne mettait en exergue que des noms de lévriers, qui invariablement gagnaient le lendemain. Les choses se compliquent lorsqu’elle se met à souligner des noms de personnes que l’on retrouve le lendemain mortes. Son père se confie à Antony Bellock, qui lui-même demande de l’aide à Jack Lord, journaliste sportif peu vertueux mais au flair imparable. Celui-ci est d’ailleurs plus occupé à tenter de recouvrer l’amour de son ex-femme et ne s’inquiète pas trop du don de l’enfant, jusqu’à ce qu’un autre meurtre se produise.
Une bande dessinée sans éclat mais suffisamment agréable pour passer un bon moment La série
Les Rochester se pare d’un voile de fantastique pour ce troisième opus. Les deux premiers tomes, parus chez Casterman dans la collection Ligne Rouge, étaient dans une veine réaliste. Sans pour autant renier cela, Dufaux choisit de donner un nouvel accent à son histoire en teintant son intrigue de mystère. Si l’ensemble tient bien la route, il manque un soupçon de rythme pour que l’on adhère totalement à cette intrigue policière. En outre, bien que l’album porte le nom de la fillette, Victoria, le personnage manque de profondeur. D’une manière générale, alors que les personnages principaux sont bien campés, les personnages secondaires manquent de relief. On a donc l’impression d’une bande dessinée à deux vitesses, et par-là même bancale. Les dessins de Wurm ne changent pas, il croque la haute société britannique avec un souci du détail très réaliste tout en le chargeant d’une certaine ironie. C’est dans ces moments qu’il se révèle le plus efficace. Il est dommage que les auteurs se soient imposés la scène comique centrale, un peu trop lourde par rapport à l’ensemble. Elle se voulait peut-être burlesque mais n’est finalement que bouffonne. Dommage. Pourtant, malgré ses défauts,
La Liste Victoria reste un album agréable à lire.