Misère
AK n'est pas une BD ordinaire. Se rapprochant plus du roman-photo, les trois créateurs de cette superproduction en peluche, ont voulu imaginer un monde (ou plutôt un carton) où vivent des bestioles sans bras, avec un gros nez et des yeux globuleux et tout plein de poils... Ainsi sont les AK, des êtres vivants dans un carton au milieu d'une route et voulant récupérer leurs bras. Car pas de bras, pas de...
David Calvo, après avoir été dessinateur de BD il y a quelques années, est aujourd'hui, scénariste de BD, écrivain et critique de jeux vidéos. Délius, une chanson d'été et Wonderful (prix Julia Verlanger en 2001) sont deux de ses romans les plus célèbres. En 1997, David Calvo rencontre Jean-Paul Krassinsky et en 2001, ils créaient ensemble la série BD Kaarib, un mélange de pirates et de science-fiction. Jean-Paul Krassinsky, quant à lui, est illustrateur de jeu de rôles et de romans. Il est aussi connu pour les aventures de Mich & Moch (Mich & Moch braconnent la Rousette).
David Calvo et Jean-Paul Krassinsky ont été rejoints par Laetitia Schwendimann, une jeune biologiste, pour créer les AK. Cette scientifique revêt ainsi la fonction de scénariste, et imagine un écosystème dominé par ces drôles de peluches. À quoi peut bien rêver un AK si ce n'est au pouvoir... ou bien à avoir des bras. C'est vrai, ce serait bien utile des bras!
"Alors, s'il a pas de bras, il a pas pu tuer le chef"
Les AK vivent en société autonome. Chacun son rôle: il y a le chef, le guetteur (qui épie l'approche de dangers, une voiture par exemple)... Se posant la question sur leur absence de bras, les AK décident d'aller voir leur chef, premier suspect sur cette déficience peluchique, mais ils retrouvent leur dirigeant mort. N'ayant pas de bras, celui-ci n'a pas pu se suicider, il s'agit donc d'un assassinat! Tandis que Stark et Wimbledon partent enquêter sur cette mort tragique, Cordobal, un AK très ambitieux, se proclame chef. Cette nomination ne semble pas du goût de tout le monde... La rébellion plane au-dessus du peuple des AK. Et pendant ce temps-là, des dangers menacent leur carton...
"Parole de mite, on s'est bien gavé"
On pensait le roman-photo disparu à jamais dans la désuétude, mais voilà c'etait sans compter sur l'ère du numérique. AK renaît des cendres du mauvais goût. Cette BD hors du commun, est construite à partir de photos numériques de peluches qui sont ensuite retouchées. On ajoute aux AK, avec de l'encre des pupilles à leurs yeux, renforçant ainsi les expressions des personnages. Surprenant comment on peut exprimer la peur, la colère, la folie en un coup de crayon au niveau des yeux!
Quant aux peluches, elles sont irrésistibles. Grotesques et attachantes à la fois, elles ont chacune leur personnalité: Cordobal est battant et ambitieux, Stark est courageux. Crésote, loyal tandis que Le Belge est sympa. Ajoutez à cela des éléments de décor inattendus: un rouleau de papier toilette en guise de trône, un emballage de Vache qui rit, des boîtes de conserve comme tour de guet... Vous obtenez un univers loufoque et drôle.
"Tu as trahi la confiance que le peuple avait placé en toi"
À travers les AK, leurs créateurs abordent avec dérision des sujets plutôt graves comme les notions de démocratie, d'anarchie ("À partir de maintenant, il sera interdit de donner des ordres!") et de dictature ("Après tout ce temps... Le Pouvoir"). Une critique cynique de notre monde et notre gouvernement en bonne et due forme. Malgré un décor saugrenu et quelques passages cocasses, l'humour a tout de même du mal à prendre. Le sujet sérieux et quelques passages tout de même graves, font que le côté comique est un tant soit peu noyé. En refermant la BD, on ne peut s'empêcher d'être déçu car, au début, en voyant les personnages et en feuilletant quelques pages, on s'attendait à plus se poiler. Malgré ses imperfections, AK reste une BD originale à découvrir.