Le scénariste et dessinateur Jean-Luc Cornette oscille entre un univers personnel et intimiste comme Démons ou Jean Polpol (Glénat) et des albums plus grands publics et destinés à la jeunesse comme Le Fantôme de Canterville (Delcourt) ou Columbia (Delcourt).
« Rien ne peut me blesser ! Rien ni personne ! Car je suis La Blessure ! Je suis TA Blessure, qui jamais ne se referme… »
Charles Ha est toujours en expédition dans les Alpes à la recherche de son Droséra géant en compagnie de son assistant Aimé Varangéant. Remis de sa blessure à la tête, il continue à quadriller le secteur pendant qu’Amélie garde Audrey, sa mouche. La parenthèse enchantée prend fin avec le retour de Jean-Denis qui lui a réservé une petite surprise : il ramène Juliette, l’ex-femme de Charles, au campement. Cette dernière s’éclate dans la tente de Jean-Denis alors que Charles comprend à peine qu’Amélie a jeté son dévolu sur lui.
Pris entre ses deux amours, l’ancien et le nouveau, notre biologiste ne sait plus où donner de la tête ou d’autre chose… Et Varangéant ne lui est pas d’un grand secours, pire il le confronte à ses paradoxes et ses désirs refoulés.
Suite de la psychanalyse de choc de Charles
Deuxième volume de ce qui sera une trilogie sur les tribulations amoureuses de Charles, On a toute la vie… fait apparaître un nouveau démon, celui de la frustration. Ce dernier se matérialise sous les traits d’un collègue de notre anti-héros, Lambert. Aimé Varangéant avait la tête d’un lézard, Lambert lui ressemble à un ver aux yeux globuleux. Charles après avoir fait enfin son deuil de sa relation avec Juliette, symbolisé par la mort de Varangéant, peut s’abandonner avec délice dans les bras d’Amélie, sa nouvelle et jeune conquête. De retour à Paris, la jeune femme emménage chez lui, mais contrairement à toute attente, les parties de jambes en l’air sont inexistantes. Lambert se fait dès lors un plaisir de souligner ce manque dès qu’il en a l’occasion, et voilà comment surgit le démon de la frustration.
Cette série au ton moderne, drôle et décalé est tout entière consacrée au sexe et aux sentiments. Charles Ha, parfait anti-héros paumé dans des situations qui le dépassent, sur lesquelles il n’a aucune prise se débat avec ses paradoxes. Subissant plus qu’il n’agit, il est largué dans la plupart des situations et les auteurs semblent prendre un plaisir sadique à le mettre dans l’embarras. Perdu au milieu de ces femmes libérées et de ces hommes obsédés par le cul notre petit biologiste a bien du mal à trouver un équilibre qui lui convienne. Il est d’ailleurs le seul protagoniste auquel l’on peut s’identifier. Ses doutes, sa maladresse, sa naïveté et sa sincérité en font un personnage miroir et un réceptacle à angoisses vers lequel se tourne toute la sympathie du lecteur.
Le dessin minimaliste et réaliste de Moynot rend compte à la perfection des actions toutes psychologiques de Démons. Son trait un peu tremblotant, aux contours mal définis est en accord avec ce petit conte surréaliste et érotique. Les dialogues crus et sans ambages, comme pris sur le vif, sont frappants de vérité. Les deux auteurs livrent un second tome aussi déconcertant que le premier et l’on attend avec une avidité un brin malsaine le troisième opus qui livrera la conclusion aux amours de Charles.