La Cité du Soleil et autres récits héliotropes

La Cité du Soleil et autres récits héliotropes

On doit à Ugo Bellagamba déjà deux romans écrits à quatre mains avec Thomas Day, et on attend son premier vol en solo, une uchronie qui se déroulera durant les Croisades, et qui devrait sortir dès que les cours d'histoire du droit et des idées politiques qu'il dispense à l'Université de Nice lui laisseront un peu de temps.

Vous l'aurez compris, sa SF se place dans une optique résolument historique. Il a d'ailleurs beaucoup écrit à ce sujet. On est ici dans la droite ligne de Robert Silverberg, comme le faisait justement remarquer Thomas Day dans la préface de l'édition originale. Préface subrepticement escamotée pour ce passage en Folio SF. Concurrence oblige, on peut comprendre.

Un passage qu'Ugo Bellagamba a vu comme une occasion de retravailler la nouvelle éponyme, et auquel est venu s'ajouter une court texte qui fait suite à son Apopis Républicain. Utopie quand tu nous tiens.

Le principal point commun de ces quatre textes, c'est la quête de l'Utopie, de l'ailleurs qui ne peut être que mieux que le présent. Le premier récit qui donne son nom au recueil, nous narre les recherches d'une jeune professeur à la Faculté d'Aix en Provence pour retrouver son petit ami. Ce dernier a mystérieusement disparu. Une absence qui est obligatoirement liée à son sujet d'étude de prédilection : la cité utopique du Soleil. L'héroïne devra glaner les indices pour espérer le retrouver.

Un tout autre enjeu est mis en scène dans L'Apopis Républicain. Alors que l'Empire de Napoléon a survécu aux siècles en s'appuyant sur la tradition égyptienne, un groupe de rêveurs tente d'instaurer la démocratie. Mais cela passe par l'attentat politique et la mort de l'héritier de l'Empire. Une mission attribuée à Giordano, un compagnon de la révolution en voyage avec l'Aiglon, mais qui est rongé par le doute.

S'y adjoint pour cette réédition La Stratégie d'Alexandre. On y retrouve un univers familier, dans la continuité logique du récit précédent. Si l'intention d'en donner plus est toujours louable, et si le texte en lui-même se défend aisément, on peut néanmoins regretter qu'il coupe l'effet de fin ouverte de L'Apopis Républicain.

L'utopie de la dernière histoire n'en est pas vraiment une. C'est plutôt une fuite en avant pour espérer lutter contre le néant et la fin de l'univers. Le parcours initiatique d'Hu Jon sera long et semé d'embûches pour celui qui devra sauver ce qui peut encore l'être.

Une SF ambitieuse mais des personnages un peu fades

Ça avait été l'une des principales critiques formulées à l'encontre de Bellagamba lors de la parution originale au Bélial. Entre-temps il a mûri. Même si la réécriture de la première nouvelle du recueil ne change en rien son intrigue, et même si elle souffre toujours un peu de rigidité didactique, le travail de polissage fonctionne. L'impression de fluidité s'en trouve améliorée, de même que l'identification aux personnages. La SF de Bellagamba est à la fois classique dans l'approche et complexe dans son propos, elle a surtout le mérite de l'ambition et de l'originalité. C'est bien évidemment ce à quoi prétendent tous les jeunes auteurs, mais Ugo Bellagamba, lui, ne se contente pas d'effets d'annonce. Le Dernier filament qui clôt ce recueil en est le parfait exemple, et l'imaginaire foisonnant et fort de L'Apopis s'impose avec une telle évidence qu'une suite de nouvelles dans la grande tradition silverbergienne semblerait couler de source.

Si le didactisme d'historien et le relatif manque de densité de ses personnages qu'on peut à la rigueur reprocher à Bellagamba, peuvent parfois alourdir la lecture de La Cité du Soleil, ils ne doivent en aucun cas vous priver de partir à la conquête des mondes qu'a su faire naître ce jeune écrivain qui, rappelons-le, faisait quasiment dans ce premier recueil ses premières armes. A l'évidence, il s'est ouvert un bel avenir. A découvrir absolument.