Mission Alice

Mission Alice

Richard Comballot nous a habitués à de bonnes anthologies. André-François Ruaud à de bonnes préfaces. Les deux sont réunis pour nous présenter cette nouvelle rencontre avec l’enfant chérie de la littérature anglaise, celle qui a fini, comme Peter Pan, par voler la vedette à son créateur.

Mais voilà…

C’était un pari risqué. C’est vrai, la littérature est faite de risques. Les virages sont serrés, les routes glissantes… L’audace de l’entreprise voudrait que la critique soit indulgente. Il est pourtant difficile de ne pas se sentir lésés.
Mis à part Ugo Bellagamba et Fabrice Colin qui se tirent de cet exercice impérieux, les textes manquent d’analyse. Voilà. Le mot est dit.

Analyse.

Il est difficile d’analyser Carroll, comme il est difficile de lutter contre l’interprétation massive du personnage d’Alice. Et pourtant, certains auteurs auraient peut-être du faire le cheminement à l’envers, le chemin inverse, la route dans l’autre sens… Réécrire, interpréter, glorifier Alice quand on est adultes, ça revient grosso modo à se taper Eurodisney après quatorze ans : on peut faire des efforts, la magie n’y est pas.
Il faut comprendre… Dogson n’y est pour rien… Mais Alice lui appartient ! Il n’en sera jamais autrement. Il s’est approprié la double image, Alice de papier et Alice Liddell. Il a volé de l’enfance.
Où est l’enfance de ces auteurs-là ? C’est bien dommage, le voyage aurait été joli, s’ils n’avaient pas tant collé au texte, s’ils avaient compris, appris, étudié, avant de se lancer dans l’entreprise, pour mieux se décoller après de mots d’adultes trop sages qui, eux, n’ont rien volé à personne.

Utile ?

Alice est inoubliable, dit Ruaud, (et d’utiliser l’impératif pour donner du courage aux auteurs…). Soit. Où est-elle ?
Des nouvelles qui commencent par « Alice était assise à côté de sa sœur… » à la réécriture poussive (et textuelle) d’une Catherine Dufour pourtant talentueuse et rompue à la parodie, le lecteur la cherche.
La curieuse enfant n’aurait donc pas grandi. Cela plairait à Dogson. Il y a pourtant d’autres Alice, dit-il à la fin du Pays des merveilles. Elle grandira. Hélas…
Le lapin blanc, également, se promène dans ces pages. Partout. Un peu de snark. Un mot du chapelier fou. Rien de plus.

L’entreprise était hasardeuse. Mais peut-être pas assez pour donner un vrai souffle à cette affaire. Bien dommage mais pas catastrophique ! Il y a de bons textes, au-delà de l’interprétation elle-même, de bons styles et de bonnes idées.
Comme tout est subjectif, reste à savoir ceux que vous aimerez.