Son Excellence a des regrets

Son Excellence a des regrets

Le scénariste L.F. Bollée est également commentateur sportif sur des chaînes du câble. Deux univers différents qu’il ne fait jamais se croiser. En effet, ses bandes dessinées ne naviguent jamais vers le monde du sport mais vers les terres pleines d’aventures de la science-fiction, du polar ou du fantastique. On retiendra dans sa production son premier récit de SF, Apocalypse Mania (Dargaud) dessiné par Aymond et dont l’intégrale est aujourd’hui disponible. Chez Emmanuel Proust, ont été publiées diverses histoires comme le polar London Inferno avec Roger Mason ou la trilogie Hauteclaire mise en case par Benoît Lacou.

Pour cette trilogie, il est accompagné d’un jeune dessinateur, Guillaume Nicolle, diplômé de l’école Emile Cohl. Ce dernier a travaillé dans les hautes technologies et le jeu vidéo avant de pouvoir réaliser son premier album que voici.

« Un lac… La dernière goutte d’eau de notre monde… Qui a mis le feu aux poudres ! Quelle ironie. »

XIIème siècle, fondation de Chinguetti, ville qui connaîtra un destin riche en événements durant des siècle, jusqu’en 3103…

3103, la mégapole Chinguetti, au bord du chaos, est l’une des plus grosses de la Terre. Née au milieu du désert, elle lance son armée depuis trois ans contre Karthoum City pour le contrôle de la dernière oasis, un misérable lac.

Dans le même temps, un homme, le député Avril d’Armany, se rend sur le front dans le cadre d’une mission parlementaire. Il va en réalité retrouver, le Chef des armées, Lord March, pour lui faire part d’un complot qui viserait les membres d’une ancienne section d’élite à laquelle ils ont tous deux appartenus. Qui peut en vouloir aux anciens membres de la Division H, enterrée depuis plus de vingt ans ?

Un premier tome de mise en place au rythme soutenu et qui laisse présager une bonne trilogie  

Premier tome de la trilogie Chinguetti, Son Excellence a des regrets a le mérite de poser un contexte ardu tout en installant plusieurs amorces d’intrigues dont on devine qu’elles se croiseront. La qualité de ce premier tome est sa lisibilité. L’histoire est riche entre la toile de fond en forme d’alerte écologique, où se joue une guerre pour la possession du dernier point d’eau mondial, les flashs back qui ramènent le lecteur dans le passé des principaux protagonistes et qui révèlent leur lien, les événements qui s’enchaînent dans le présent et qui semblent pour l’instant être indépendants les uns des autres. L’intrigue de Bollée est assez complexe et la mise en planche du jeune dessinateur Guillaume Nicolle parvient à rendre compréhensible l’ensemble grâce à une narration intelligente, dynamique et vive. Pas une case de perdue, pas un dialogue superflu, tout porte à croire que chaque détail à son importance.

Tout en mettant en évidence les catastrophes vers lesquelles s’acheminent doucement mais sûrement l’humanité – dont la première est l’épuisement total des ressources en eau potable de la terre –, Bollée confectionne un thriller dont on devine qu’il sera captivant. Les couleurs numériques, assurées par le dessinateur, rendent parfaitement l’atmosphère sèche et sans espoir de ce monde prêt d’agoniser. Un décor désabusé et aride qui contamine l’âme des hommes qui y vivent. La poussière et le sable étouffent les planches comme ils seraient prêts à avaler ce monde. Le dessin n’est pas toujours à la hauteur, parfois sommaire, souvent mal maîtrisé – contrairement à la composition –, mais laissons le temps à Nicolle de faire ses premières armes. Un premier tome d’une série qui s’annonce comme ambitieuse au niveau du scénario, espérons que le dessin parvienne rapidement à un niveau supérieur afin de donner son envol à la trilogie.