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Marionnettes Humaines

Alain Brion (Illustrateur de couverture), Alain Glatigny (Traducteur), Robert Anson Heinlein ( Auteur)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/08/05  -  Livre
ISBN : 2070314227
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Eric   - le 20/09/2018

Marionnettes Humaines

Robert Heinlein, bien sûr, est une authentique légende. Et bien que sa carrière se soit étalée sur près d'un demi-siècle, il reste peut-être l'auteur qui symbolise le mieux la SF campbellienne. Celle qui a défriché tant de contrées de l'Imaginaire et fait naître tant de vocations. En un mot c'est celle de l'Âge d'Or. Or parfois, cette période de fièvre créatrice se traduisait par une prolixité qui pouvait laisser perplexe. Comme c'est ici le cas pour ces Marionnettes Humaines que Robert Heinlein signe en 1951.

Comme il le dit lui-même, tout commence pour Sam Elisée Nivens le 12 juillet 2007 lorsqu'une soucoupe volante se pose dans l'Iowa. Une bonne vieille soucoupe volante en forme de disque avec la coupole sur le dessus et les pieds qui sortent tout seuls. Le modèle standard, quoi ! Sam, qui fait partie d'une unité secrète, tellement secrète que même les services secrets ne savent pas qu'elle existe, est donc dépêché sur les lieux afin d'en apprendre un peu plus. Il est accompagné par son Patron, et par Mary, une belle mais énigmatique super agente. Une fois sur place, ils déjouent sans mal les tentatives de mystification dont ils sont victimes. Puis, rencontrant plusieurs hommes, ils sont alertés par l'absence chez eux de l'enthousiasme libidineux que suscite normalement la troublante Mary. C'est ainsi qu'ils finissent par découvrir la présence sur Terre des "larves".

Ressemblant à du mou de veau vivant, les larves s'installent sur la nuque d'hôtes humains, prenant le contrôle de leur corps et les transformant ainsi en véritables marionnettes humaines. Mais, une fois sous contrôle, les hôtes n'en continuent pas moins d'agir avec une apparence de normalité. Rien, ou presque, ne les distingue des autres humains. C'est là le début d'une guerre improbable, secrète. D'une guerre, disons-le, larvée, et dont la première bataille sera d'en faire admettre l'existence.

D'accord, d'accord… On a connu Heinlein bien mieux inspiré. On pense évidemment à L'Invasion de profanateurs que Jack Finney n'écrira que quatre ans plus tard, et à sa métaphore à peine voilée du Péril Rouge qui obsédait tant l'Amérique en ces années de Guerre Froide et de maccarthysme. On n'est d'ailleurs à peine étonné de voir Heinlein se livrer à un exercice aussi mesquin, même si la traduction - un peu ancienne – nous fait grâce d'une portion significative des allusions anti-communistes du texte d'origine. Toutefois, comme c'est souvent le cas avec lui, les choses ne sont pas aussi simples. Le monolithisme un peu neu-neu de l'intrigue est sans cesse mis en balance par le ridicule de situations qu'Heinlein pousse à leurs paroxysmes avec un tel acharnement qu'on a du mal à se dire que ce n'est pas intentionnel. Lorsque le Président des Etats-Unis se déshabille entièrement devant le Congrès pour démontrer la nécessité d'aller nu, on touche au grotesque. Décrire des soldats, armés de pied en cap, chaussés de leurs rangers, et avec popaul à l'air afin ne laisser aux larves aucun endroit où se cacher, c'est d'un irréel hilarant. Souvenons-nous que nous sommes en 1951. Un demi-siècle d'écart que nous sentons d'ailleurs allègrement dans les rapports hommes/femmes qui dénotent une misogynie paternaliste que son héros distille avec un aplomb qui, là encore, confine à la caricature. En dépit de cela, l'intrigue reste plausible. Le futur "probable" qui y est décrit évoque bien un peu les chromes arrondis d'une Buick couleur de crème glacée, mais il survit assez facilement à son grand âge.

Robert Heinlein est un personnage bien trop complexe pour qu'on ne se cantonne qu'à un seul niveau de lecture. Il y a dans Marionnettes Humaines, une part de second degré qu'il restera à chacun de déterminer en fonction de ses affinités avec l'auteur. Les attaques anti-communistes qui surnagent dans le texte, le peu d'estime dans lequel l'auteur tient la psychologie clinique, ou ses considérations assez rigides sur le civisme échappent pour une grande part à cette double lecture. Mais ce roman outrageusement old school a un intérêt qui dépasse le cadre simplement documentaire. Au-delà de la perplexité dans laquelle il vous plongera, il saura aussi vous faire hurler. D'indignation ou de rire ? Ce sera à vous de choisir votre camp.

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