La Croix du Sud

La Croix du Sud

Luis Duràn est l'un des plus prolifiques auteur et dessinateur espagnols. Les lecteurs français ont pu le découvrir avec Transpercé d'une flèche (prix 2003 du meilleur scénario au Salon International de la bande dessinée de Barcelone) ou Antoine des Tempêtes (idem 2004), mais aussi Algèbre, Le Chevalier des épées, L'Illusion d'Overlain ou Notre vrai Nom, bien que ces titres ne représentent qu'une partie de sa production (Solsticio et Tierra Negra, pour n'en citer que deux autres). Mais il est en général à la fois au scénario et au dessin: La Croix du Sud est son premier scénario pour un autre dessinateur. Cet album est également le premier en BD de Raquel Alzate. Illustratrice de livres pour enfants et de livres de jeux de rôles, elle a à son actif plusieurs expositions, des participations à diverses publications indépendantes et fanzines, du modelage de figurines pour jeu de plateau, et des illustrations de livres traitant de la mythologie basque.

La fille de la sorcière

La sorcière Mailis a été tuée par les sbires du seigneur de la Croix du Sud, qui l'accusaient d'être responsable de la maladie de leur maître. Sa fille Iliana a été emportée au château, mais son avenir est très incertain. Entre la bigoterie bornée de certains, et la cruauté quotidienne des autres, quelle chance a-t-elle de vivre heureuse ? Il n'y a qu'à voir la manière dont le jeune Dominique sert de souffre-douleur au fils du seigneur, et à son bouffon...

Un récit simple et convaincant pour une imagerie superbe

L'histoire est courte, très courte. Sur soixante-deux pages, seules cinquante-deux sont le récit lui même : les restantes présentent des essais d'illustrations et des croquis. Le récit est également très simple, sans circonvolutions, presque trop classique. Et pourtant, on est sous le charme. C'est très certainement dû aux superbes graphismes de Raquel Alzate, dont les dessins ont une profondeur et un côté onirique exceptionnel. Que ce soit dans le rendu des bois sombres, ceux du château avec ses riches tours mal éclairées et sa cour lumineuse et grouillante de vie, ou dans celui des champs baignés par la lumière dorée du couchant, chaque image est un tableau et une fenêtre sur le monde de la Croix du Sud. Un monde dans lequel il ne fait pas bon vivre, quand on ne fait pas partie des vainqueurs... Et c'est là que le lecteur se rend compte que l'ambiance si particulière de cet album doit aussi beaucoup au talent de Luis Duràn. Son histoire dépouillée, qui intègre à la fois le soupçon du merveilleux, et toute la cruauté et l'injustice de l'époque, et qui sait se faire presque oublier, permet au dessin de Raquel Alzate d'exprimer tout son potentiel, de faire passer par l'image plus, et mieux, que ce que le texte ne saurait dire. Une histoire simple, donc, mais qui parvient à éviter ainsi toute fausse note qui réveillerait le lecteur d'un rêve superbe...