Sur le site que lui consacre son éditeur (http://www.kidsatrandomhouse.co.uk/jacquelinewilson/), la curiosité de ses lecteurs est anticipée avec une liste de 50 questions du type « tout ce que vous avez voulu savoir sans jamais oser le demander ». L’auteur dévoile notamment qu’ elle fait 50 longueurs avant le petit déjeuner dans la piscine de son quartier, qu’elle s’habille surtout en noir , qu’elle écrit ses romans sur des jolis cahiers et ne les tape qu’une fois achevés. Elle avoue aussi espérer atteindre les 100 livres publiés (elle a dépassé les 80 dont 5 pour adultes, des romans policiers). Son éditeur annonce aussi fièrement qu’elle a franchi le seuil des 20 millions de copies vendues. Sa carrière d’auteur n’est pas qu’une affaire de quantité : de nombreuses distinctions sont venues récompenser la qualité de ses livres et elle est l’actuelle Children’s Laureate (bourse anglo-saxonne attribuée pendant deux ans à un auteur jeunesse afin de reconnaître son importance dans ce secteur et lui permettre de se faire l’ambassadeur privilégié de la littérature auprès du jeune public).
« Vois grand et beau Violette »
Violette a peu d’amis, des parents très normatifs et un grand frère qui la tient sous son emprise et partage avec elle des jeux troubles et souvent cruels. Elle se réfugie dans le monde merveilleux de son auteur favori Casper Dream . Elle lui adresse quotidiennement des lettres qu’elle n’envoie jamais mais garde précieusement dans une boîte et réalise elle-même des figurines reproduisant les fées qu’il a crées. Une nouvelle élève Jasmine arrive dans sa classe et l’amitié qu’elle noue avec Violette va vite bouleverser l’existence de cette dernière, faire voler en éclats ses repères et ses refuges. Une autre rencontre aidera Violette à se reconstruire à se dépasser à peser sur la réalité pour que ses vœux s’accomplissent.
Une fable subtile et raffinée
A l’image de la couverture très réussie (bravo à Pierre Mornet pour ce profil élégant délicat et intriguant), l’histoire mêle traits modernes et ressorts intemporels. Les relations de Violette avec ses amies ou sa famille seront sans doute propices à l’identification des jeunes lectrices, proches de leurs préoccupations donnant d’autant plus d’impact à l’exhortation de l’auteur à voir grand et beau, à sortir des situations qui engendrent la souffrance et à se servir de l’imaginaire pour embellir la vie et non la fuir.
Les rapports ambigus entre Will, Violette et Jasmine et l’évolution du climat familial (de la dissension créée par la révélation malheureuse de la grand-mère à la réconciliation amorcée parce que Violette sous l’impulsion quasi perverse du duo ensorcelant Will et Jasmine a bravé l’interdit paternel) rattrapent les ressorts narratifs un peu trop évidents (surtout la rencontre providentielle de la fin).
Peut-être qu’avec cette scène improbable Jacqueline Wilson a-t-elle voulu compenser le fait de ne pas pouvoir répondre aux quelque 200 lettres hebdomadaires qu’elle reçoit et organiser « par procuration » une entrevue entre elle et chaque lecteur qui se confie à elle et les inciter à reprendre confiance en eux.
Ce sont les citations prétendues de Casper Dream en tête de chapitre qui projettent sur ce roman une dimension fantastique donnant à certains éléments ou réactions quotidiens un tour étrange, inquiétant ou magique.
Ce conte initiatique d’une jeune fille rêveuse qui doit se départir de ses ascendances et dépendances est un roman envoûtant, entêtant comme les fragrances florales qui le composent.