L’Enigme du Luna
Jean-Luc Istin, scénariste né en 1970, démarre sa carrière BD dans le fanzine Avenir avant de participer à l’aventure des éditions Nucléa avec les premiers tomes de Merlin, série qu’il poursuivra chez Soleil, et la série Aleph (qu’il devait dessiner au départ avant d’en laisser le soin à Dim.D), dont Aleph 1.1 est la réédition. Istin participe aussi à différentes séries de la collection celtique de Soleil, entre autres au sein des collectifs Contes de l’Ankou ou Contes du Korrigan.
Dim.D, né en 1977, est dessinateur et coloriste. Outre Aleph, il a notamment réalisé les planches du Seigneur d’Ombre (3 tomes chez Soleil, également avec Istin) et de Lotus de Jade chez Nucléa.
Aleph 1.1 est la réédition de leur série Aleph parue précédemment chez Nucléa. Dim.D a retravaillé quelques planches et a surtout refait toute la colorisation. L’Enigme du Luna en est le premier tome.
300 morts dans l’espace, 3 sur Aleph…
En 2258, la cathédrale spatiale Luna est le théâtre d’un massacre qui fait 300 morts. Engagée par la Tenth-Korp, propriétaire de Luna, le lieutenant Nawel Priss et son équipe investissent le vaisseau pour en maîtriser l’intelligence artificielle qui semble être devenue folle.
Parallèlement sur Aleph, seule ville de la planète Foehn, suspendue dans les airs, l’agent Bessermann enquête sur trois meurtres atroces qui semblent avoir été perpétrés par un tueur en série : le meurtrier, apparemment par l’intermédiaire de parasites, vide ses victimes de leur sang avant de leur arracher la colonne vertébrale.
Les deux affaires présentent quelques similitudes. Sont-elles liées ?...
Un scénario classique mais déséquilibré
Le scénario de ce premier tome d’Aleph n’a rien d’exceptionnel. Mélangeant SF pure et dure et mysticisme, il fait appel à un certain nombre d’archétypes du genre (l’opération de sauvetage dans l’espace, l’IA dont on perd le contrôle, la ville démesurée qui rappelle celle de Blade Runner, l’enquête policière), avec plus ou moins de succès.
Les moins se retrouvent dans la partie « Priss », notamment lorsque la jeune femme et son équipe pénètrent dans la cathédrale. Cette scène a peut-être souffert d’être la première (après un prologue plutôt réussi), puisqu’il a fallu aux auteurs délivrer rapidement un certain nombre d’informations utiles à la compréhension du lecteur, à travers des dialogues qui paraissent du coup artificiels. Le déroulement de la scène en lui-même est très classique et n’échappe pas aux clichés (agaçants) du genre : commandos qui se font tuer bêtement parce qu’ils ne suivent pas les ordres (alors qu’ils sont censés être super entraînés…), humour affecté dans les scènes d’action, etc. La façon dont Priss reprend le contrôle du vaisseau est d’ailleurs plutôt ridicule, limite absurde. D’autres éléments plus tard dans l’album sont tout aussi improbables et Priss manque de charisme.
La partie « Bessermann », malgré quelques dialogues qui sonnent également faux, est nettement mieux réussie. Cela tient surtout au personnage de Bessermann, flic vieillissant et bedonnant, parfois cynique, loin des clichés du genre. Si l’enquête en elle-même est assez classique, le comportement des personnages est juste, et l’humour dont ils font preuve est plus naturel, moins forcé que celui des commandos du lieutenant Priss.
Ce déséquilibre nuit à l’histoire qui, malgré cela, arrive à retenir l’attention en ouvrant un certain nombre de pistes et en découvrant, dès le premier tome mais sans en dire trop, quelques indices sur les deux affaires et sur l’univers de la série.
Un univers visuel très réussi
Côté dessin, Dim.D a fait du très bon travail. Parfaitement adéquat à l’univers SF de l’intrigue, il présente des décors somptueux, autant dans les véhicules spatiaux que dans l’architecture de la ville, dans une ambiance tantôt sombre, tantôt lumineuse – la colorisation est en général très réussie. Tout ceci est peut-être peu original mais très bien réalisé. Les personnages sont également bien exécutés, au niveau des visages autant que dans les postures.
Le découpage joue aussi dans le plaisir de la lecture de cet album : dynamique, il met en scènes quelques plans audacieux aux allures cinématographiques. Quelques transitions paraissent toutefois un peu brusques, et certaines cases un peu bâclées.
Très classique, mais attendons la suite…
Au final, L’Enigme du Luna est une BD à l’histoire très classique et aux dessins réussis. Le déséquilibre de son scénario est un handicap mais n’empêche pas de s’y accrocher grâce aux nombreuses ouvertures qui parsèment l’album. Ce premier tome donne envie de lire la suite, espérons que ses défauts ne seront pas reproduits dans les prochains.