Thomas Burnett Swann revient à la mode. Serait-ce parce que les éditeurs et les lecteurs, gavés d’heroic fantasy ambiance grosse épée, grosse pépée, chercheraient à revenir vers une littérature de l’imaginaire (vous m’excuserez d’aimer ce terme, même si lui n’est plus à la mode…) un peu plus subtile ?
Ou parce que, comme me l’a affirmé un éditeur il y a déjà un bout de temps, la mythologie grecque était à la mode ?
Aucune idée et hélas, je ne serais pas louée pour mes talents de visionnaire et d’analyste !
Cela dit, de la Trilogie du Minotaure, republiée avec à-propos par le Bélial puis par Folio, au Phénix Vert et à la Dame des Abeilles chez Les Moutons Electriques, la tendance est effectivement à la redécouverte de cet auteur américain mort dans les années soixante-dix.
Ne vous attendez pas, donc, à une fantasy jeu de rôles, mondes imaginaires mais rationalistes ou même à quoique ce soit d’épique. Il y a un frisson délicieusement anglais dans la forêt d’Envers-Monde, bien que l’auteur fût américain (mais le lieu de l’action dans l’archipel britannique).
Envers-Monde est une forêt mythique, emplie de légendes chevalines, à défaut d’être chevaleresques et morbides, d’esprits farceurs et d’arbres sans doute vivants…Une forêt invalide, aussi invalide que la jeune femme qui doit y pénétrer pour retrouver le jeune poète Thomas Chatterton, entrevu lors d’un effroyable premier séjour...
Deirdre combinent deux statuts atypiques pour le XVIIIeme siècle : elle est écrivain et célibataire. Dylan qu’elle a embauché a été marin. A cette expédition déjà pour le moins compromise s’ajoute une tante fantasque, poète et boulimique et qui s’avérera « nanophile », de surcroît.
Oui, bon, le mot est inventé mais succulent. Car même le sexe, dans Swann, a ce je ne sais quoi de délicieusement lubrique, choquant et pourtant léger comme un nuage de crème épaisse…
Autant les coïts effrénés des dryades et autres satires sont justifiés dans Les Dieux Demeurent, la novella qui suit Envers Monde et justifie sa création, autant Swann semble prendre un malin plaisir, un plaisir de vieil anglais en tweed et à l’œil égrillard, à évoquer les parties fines de la voluptueuse tantine et d’une horde de nains en rut…
Evocation qui n’a cessé de me mettre en joie, bien évidemment et qui m’a savoureusement changé des pathétiques scènes de fesses que les auteurs se croient obligés de nous asséner dans chacun de leur cycle (sauf chez Tolkien et deux trois émules qui semblent avoir gardé la pudeur écoeurée d’un enfant de dix ans, concernant « la chose » et chez qui on ne voit pas l’ombre d’un sein, étant donné que tout le monde est vachement occupé à sauver le monde…).
Bref, rééditer Swann est une excellente idée ! Les littéraires, comme moi, restés dans leur pays imaginaire, complexe et référentiel, y trouve enfin leur compte, la parfaite combinaison entre culture classique, littérarité et fantasy. Les moins littéraires pourront être rebutés par le ton très lyrique de Swann mais se laisseront sans doute prendre par l’intrigue, l’action bien plus évidente que dans le Phénix Vert.