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J’ai tué Adolf Hitler

Hubert (Coloriste), Jason (Scénariste, Dessinateur), Jérôme Martineau (Traducteur)
Aux éditions : 
Date de parution : 31/10/06  -  BD
ISBN : 2351001788
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Aldwin   - le 27/09/2018

J’ai tué Adolf Hitler

Jason, le relativement jeune auteur norvégien mais le réellement prolifique, revient pour son huitième album. Après avoir reçu de nombreux prix à travers le monde,dont deux nominations à Angoulême pour le meilleur premier album en 2003 et le meilleur scénario en 2005 avec Hemingway, autant dire que Jason n’est plus la brebis égarée parmi les loups. Alternant entre les maisons d’édition Carabas et Atrabile, il se taille une place de choix en marge du monde de la BD avec ses scénarios si particuliers et son style exclusif. J’ai tué Adolf Hitler n’est donc plus tout à fait un ovni, même si ça y ressemble beaucoup.

"- Mon boss m’avait promis une augmentation et le bureau du fond. Et qui l’a eue cette
promotion !? Wagner du département ventes. Je le hais !
- Qui voulez vous supprimer, votre boss ou Wagner ?
- Les deux, c’est possible ?"

Lui est tueur. Moyennant modique somme, il trucide sans compter. Pas d’hésitation, pas le moindre tremblement moral, même pas un frisson d’excitation avant chaque meurtre. Jusqu’au jour où lui aussi va être pris à parti par un tueur. La tentative échoue, mais reste qu’on a voulu le tuer. Qui ? Persuadé que sa tête a été mis à prix par sa petite amie il va accepter le contrat le plus extravagant de sa carrière de tueur : Tuer Adolf Hitler ( voilà pour le titre ), ce qui veut dire remonter le temps et lui faire manger les pissenlits par la racine avant qu’il n’attaque sa triste collaboration avec l’Histoire. Mais il y a un hic, c’est Hitler qui prendra la machine pour aller dans le futur…

Récit troublant d’un drame quotidien, alors qu’on s’attendait au vu du titre à une vaste farce…


Le déconcertant trait graphique de Jason, qui commence à prendre du poids dans le petit monde de la BD, peut désarçonner le lecteur lambda. En effet, n’attendez surtout pas d’expression qui déformerait la surface figé des personnages à têtes d’animaux si caractéristiques de son style, exceptés de brefs mouvements de sourcils. Le dessin, minimaliste et froid, est de fait le reflet de l’exploration du sentiment de solitude nécessairement lié au sentiment amoureux, cher à Jason.

Les personnages se croisent sans jamais se toucher, une bulle pour chacun et chacun dans sa bulle, une bulle qu’on souhaiterait voir éclater… De véritables solitudes dans un monde où les gens se font assassiner sur un banc public, dans un café, au coin de la rue, sous le seul prétexte de faire trop de bruit passé 22h, d’être celui qui a obtenu la promotion au bureau, d’être un colocataire malchanceux, père, mère, sœur, fille…

Etourdissant tourbillon d’absurdités qui prend au ventre le lecteur, tellement absurde qu’on voudrait en rigoler. Seulement l’album ressasse sans cesse les mêmes schémas de solitude et ces allers-retours dans le temps ne vont rien arranger, alors seulement on comprend qu’on ne peut plus sourire. Il faudra que Hitler soit à nouveau une menace pour le monde pour qu’alors un espoir de communication naisse. Mais Jason laisse délibérément cette espoir à l’état d’esquisse. Il est à noter qu’aucun des personnages ne porte de nom propre… Accent sévère sur l’universalité du microcosme dépeint.

Ici l’humour est noir et froid comme les personnages ballottés au rythme de leur solitude bien à eux. Pas de sentiment en trop, ni de fioritures enluminées, Jason met en image une solitude dérangeante d’absurdité qui, si elle bouscule à ce point le lecteur c’est qu’elle n’est finalement peut être pas si absurde…

Bref un album qui va droit au but et ne souffre pas d’entre deux à l’image du dessin de Jason, le lecteur en redemandera (à raison puisque 48 pages de dessin minimaliste ça nourrit pas assez surtout quand c’est de cette qualité) ou passera son chemin.

Moi j’ai encore faim…

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