L'Arbre de Jabadao
Après avoir travaillé pour Métal Hurlant dans les années 80, Philippe Gauckler a continué dans la veine SF avec Blue, Convoi (scénarisé par Thierry Smolderen) et Les Aventures de Karen Springwell. Egalement illustrateur SF, il fait une pause de dix ans pour faire de la publicité avant de revenir à la BD avec la série Prince Lao dont le premier tome, L’Ile aux loups, a remporté le prix du meilleur album jeunesse en 2006 au Festival de la BD de Solliès-Ville.
Après les neiges, la jungle
Après avoir sauvé les animaux de l’Île aux loups, Lao, Chabala et leurs amis se retrouvent perdus en pleine jungle. Ils arrivent au pied d’un arbre gigantesque mais se font capturer. Leur ravisseur, Ser-Pan, sorcier de la communauté de l’arbre, est en contact avec des personnages bien antipathiques.
Changement de décor
Après leur avoir fait visiter les cimes himalayennes, Philippe Gauckler emmène ses personnages en pleine jungle, affirmant sa volonté, déjà prégnante dans le premier tome, de placer ses jeunes lecteurs en position d’explorateurs. Ce changement d’atmosphère permet à Gauckler de se renouveler graphiquement. En effet, la faible variété des décors pouvait passer pour un défaut dans L’Ile aux loups. L’Arbre de Jabadao permet de casser cette monotonie. Certes, c’est pour en installer une autre – celle des feuillages et du bois – mais on comprend mieux l’intention de l’auteur qui semble préférer plonger ses lecteurs dans une ambiance unique afin qu’ils se familiarisent avec elle et s’y trouvent plus à l’aise. Il ne faut pas oublier que Philippe Gauckler s’adresse avant tout à un jeune public et cette simplicité visuelle a plus de chance de marquer les enfants, d’autant plus que la colorisation est, comme dans le premier tome, très réussie. Certaines planches manquent toujours autant de dynamisme, mais là encore cela laisse le temps au lecteur de s’approprier les images et les situations.
Paradoxalement, l’intrigue est très rapide. Il n’est pas rare que les héros se retrouvent en danger et s’en sortent dans la même page. Certaines planches présentent ainsi un léger déséquilibre entre l’action un peu mouvementée et le découpage statique. De plus, la répétition des situations – exploration, emprisonnement, évasion – rend le scénario parfois monotone. Mais cela n’empêche pas Gauckler de peaufiner un discours déjà bien entamé dans le premier opus.
De la cruauté des hommes
En effet, l’auteur continue sa démonstration de la folie des hommes et de l’injustice qu’ils provoquent. Ici, il est question de manipulation des foules, de sacrifice rituel et de destruction de l’environnement. Philippe Gauckler arrive de façon simple à montrer que les malheurs naissent souvent de l’incompréhension des uns envers les autres et d’un manque de tolérance.
Et appuie sur la corde sensible de l’écologie et de la protection de la nature, dont l’arbre de Jabadao est un symbole évident. On pouvait reprocher à l’auteur de ne pas avoir assez développé autour de la culture tibétaine dans le premier tome. Ici, le thème principal de cet album est bien exploité et donne lieu à une intrigue plus riche et à un final assez spectaculaire.
Une série bien engagée
Ce deuxième tome place la série Prince Lao sur des rails solides. Son graphisme simple et son discours moral en font une BD idéale pour les jeunes enfants. Son indéfectible optimisme ne l’empêche pas de traiter des sujets importants, même s’il est vrai que son discours reste à la portée d’un public jeune. De plus, L’Arbre de Jabadao ne perd pas de vue ses deux personnages principaux, Lao et Chabala, dont on espère que l’histoire personnelle se développera dans les prochains tomes.